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appartient, résident principalement dans la confiance qu'elle inspire à l'opinion publique, en son intégrité et ses hautes vertus morales. En consultant le dossier d'un magistrat, il ne faut pas qu'on puisse dire qu'il est entré dans ses fonctions, ou qu'il en a été investi, parce qu'il a obtenu un diplôme régulier de républicanisme. Le sens honnête de la nation, avec lequel les hommes se jugent toujours à leur juste valeur, quoi qu'on fasse, ne pardonnera point, à un moment donné, une pareille origine.

Et puis, le lendemain d'un régime qui a succédé à un autre régime est-il bien assuré? La confiance que le gouvernement affecte en l'avenir des institutions actuelles n'est pas sérieuse. Le magistrat qui se compromet politiquement, ou qui fait sa fortune par des manoeuvres politiques, se rend coupable d'une lourde faute, même au point de vue de ses intérêts personnels. Un jour viendra, qui n'est pas éloigné peut-être, où un nouveau régime lui demandera compte de ses opinions de la veille. Et, s'il a fait de ses opinions un marchepied, un piédestal, un moyen de se créer des droits à la faveur et à l'avancement, il ne devra pas s'étonner qu'en vertu des mêmes principes, les hommes nouveaux qu'il aura combattus naguère, le rejettent au dernier plan, en récompense des services exceptionnels qu'il aura rendus au régime tombé. Nous voilà dès lors en plein système de représailles. Ce n'est pas ainsi qu'une nation, bouleversée par quatre-vingts années de tempêtes politiques et sociales, s'asseoit et s'affermit.

A. MARCHAL

LE CONSEIL MUNICIPAL DE LYON

ET

LES ÉCOLES CONGREGANISTES DE CETTE VILLE.

On nous prie d'insérer la note suivante d'un savant jurisconsulte de Lyon :

Il importe que l'opinion publique soit complétement éclairée sur la situation des écoles congréganistes de Lyon, au point de vue des traités passés avec la ville, au point de vue légal et au point de vue de l'enseignement. Les gens sensés de tous les partis doivent apprendre, s'ils ne le savent déjà, jusqu'où les passions antireligieuses seront obligées d'aller pour triompher dans la guerre qu'elles engagent contre nos écoles catholiques de Frères et de Sœurs.

Le 22 mars 1873, un traité été conclu au nom de la ville de Lyon avec les Frères des écoles chrétiennes. Il avait pour unique objet, conformément à l'article 13 de la loi du 10 avril 1867, de remplacer par un traitement fixe celui qui eût été dû en vertu des articles 9 et 10 de la même loi. Il offrait d'ailleurs de sérieux avantages à la ville.

Sa durée était ferme pour une première période de six années, commençant le 1er septembre 1872 et finissant le 31 août 1878.

Il devait continuer ensuite par tacite reconduction pour des périodes de trois ans, avec réserve aux parties contractantes de le résilier, en se prévenant un an au moins avant l'expiration de chaque période triennale.

Le conseil municipal de Lyon n'a pas manqué d'user de ce droit de résiliation. Il a décidé que le traité cesserait d'avoir effet à partir du 31 août 1878, et une lettre du secrétaire général de la préfecture, en date du 22 août 1877, a fait savoir aux Frères que la résiliation dont il s'agit aurait lieu.

Dans les premiers jours du mois d'août dernier, M. le préfet du Rhône a cru devoir appeler auprès de lui les Frères des écoles chrétiennes et leur proposer d'abandonner le titre d'instituteurs publics. A cette condition, il faisait espérer que les écoles, devenues libres, pourraient obtenir des subventions de la ville, grâce à son concours.

Le Frère supérieur général, par lettre écrite de Paris

le 6 août, a répondu qu'il tenait à conserver aux écoles de Lyon leur caractère d'écoles publiques, et qu'en conséquence le refus de prorogation du traité n'aurait d'autre effet que de placer les Frères sous l'empire de la loi du 19 juillet 1875.

Čette lettre a été immédiatement communiquée à M. le préfet.

Ces faits exposés, il y a lieu de se demander quelle est la situation des Frères à Lyon?

Entre eux et la ville il n'existe plus de convention fixant à forfait le chiffre de leur traitement, mais ils n'ont nulle. ment perdu leur titre et leur qualité d'instituteurs publics. Or, en vertu des lois existantes, ce titre, qu'ils ne tiennent pas de l'administration municipale, leur donne le droit d'exercer leur profession et pour cela d'obtenir émolument, local et mobilier de la commune dans laquelle ils se trouvent.

Une fois investi du titre d'instituteur public, le laïque ou le congréganiste ne peut le perdre que par démission, décès ou révocation.

La révocation est prononcée par le préfet, sur le rapport de l'inspecteur de l'Académie. C'est une peine disciplinaire grave dont l'application ne peut être motivée que par une、 culpabilité individuelle et contre laquelle le recours au conseil départemental et le recours au conseil supérieur de l'instruction publique sont réservés au délinquant. (Art. 33, loi du 15 mars 1850.)

L'application abusive de cette peine est considérée par un membre éminent du Conseil d'Etat comme un détournement de pouvoir.

Les conseils municipaux n'ont pas le droit de délibérer sur la révocation des instituteurs publics. Une délibération de cette nature serait nulle de plein droit. (Art. 23, loi du 5 mai 1855.)

Dès lors, après la résiliation de la convention relative au traitement des frères à Lyon, ceux-ci n'en restent pas moins instituteurs publics et en possession légitime des écoles qu'ils dirigent.

Auront-ils droit à un traitement?

De quelle nature sera ce traitement?
Comment pourra-t-il l'obtenir ?

Il est hors de doute qu'ils ont droit à un traitement. La loi est formelle à cet égard et son application par la jurisprudence ne l'est pas moins. L'instituteur public une fois institué a le droit d'exercer et, comme conséquence, il a droit à un traitement.

De quelle nature sera ce traitement?

L'article 6 de la loi du 19 juillet 1875 s'exprime ainsi :

<< Les associations religieuses vouées à l'enseignement et >> reconnues par l'Etat continueront à être admises à four>> nir, à des conditions convenues, des maitres aux com>> munes où elles seront appelées.

» A défaut de conventions particulières, toutes les dis» positions des articles précédents sont applicables aux > instituteurs et aux institutrices communaux, appartenant » auxdites associations. >>

Les traitements des instituteurs publics, congréganistes, sont donc fixés par les articles 1, 2 et suivants de la loi du 19 juillet 1875, et les Frères à Lyon n'ont qu'à exiger l'application de ces dispositions.

Mais si le conseil municipal refuse les fonds nécessaires, comment pourront-ils arriver à toucher ce qui leur est légalement dû?

Ces traitements constituent une dépense obligatoire pour les communes. L'instruction du 9 août 1870, relative à la loi du 10 avril 1867, le dit expressément.

Si donc un conseil municipal refusait de voter les sommes déterminées par la loi de 1875, le préfet devrait les inscrire d'office au budget.

Si le préfet, à son tour, refuse ou s'abstient de prendre cette mesure, l'instituteur public a le droit de se pourvoir devant les autorités supérieures.

En 1871, la ville de Toulon essaya de refuser le traitement actuel et le traitement arriéré à des Sœurs institutrices. M. le préfet l'inscrivit d'office au budget. Pourvoi de la ville au Conseil d'Etat, qui, le 16 juillet 1875, rejeta le pourvoi.

Même décision du Conseil d'Etat, le 23 juillet 1875, à l'égard de la ville de Perpignan.

Ainsi, les lois en vigueur, la jurisprudence administrative et la jurisprudence judiciaire assurent aux Frères instituteurs publics la conservation de leur titre, le droit d'enseigner et celui d'obtenir de la ville traitement, locaux et mobiliers classiques.

Il faut remarquer que la responsabilité entière de toutes les mesures qui seraient prises contre les Frères instituteurs publics, pèserait sur le préfet. En effet, si les conseils municipal et départemental peuvent, suivant les cas prévus par la loi, donner des avis ou émettre des vœux, le préfet seul, en cette matière, peut prendre des décisions. Il est donc seul responsable. Vainement invoquerait-il l'opposition d'un conseil municipal, c'est lui seul qui applique la loi. C'est lui seul qui prend des décisions, par conséquent, c'est lui seul qui est réellement responsable.

La guerre déclarée aux écoles catholiques par la municipalité de Lyon ira-t-elle jusqu'aux mesures violentes? Il est

permis de le craindre; mais il faut qu'on sache bien que ces mesures ne pourront être prises qu'en foulant aux pieds les lois et en violant le principe de liberté de conscience dont on parle tant et qu'on est si peu disposé à respecter.

Lyon possède cinquante-deux écoles laïques et trentetrois écoles congréganistes pour les garçons. Le nombre des écoliers est le même pour les écoles congréganistes que pour les écoles laïques, malgré les dénigrements, les calomnies, les attaques sous toutes les formes prodiguées aux congréganistes. On peut donc affirmer avec certitude. que la moitié de la population lyonnaise, pour laquelle la moitié des écoles gratuites sont nécessaires, tient à celles dirigées par les Frères. Comment un conseil municipal, guidé par le bon sens plus que par des passions aveugles, comment un préfet intelligent et honnête, oseraient-ils tenter la suppression de ces dernières écoles?

Est-ce que dans aucun temps et sous aucun pouvoir régulier, on s'est permis de supprimer les écoles voulues par une partie importante de la population, le nombre de leurs élèves füt-il de beaucoup inférieur à celui d'écoles différentes? Est-ce que sous la Restauration, sous le gouvernement de 1830, sous celui de la République de 1848, sous le second Empire on a jamais réalisé rien de pareil? Présenterait-on comme un progrès ce qui est l'application du despotisme le plus odieux et le plus suranné?

Quoi! on serait assez dépourvu de perspicacité pour ne pas comprendre quelles résistances, quelles luttes, quelles inimitiés on va susciter! Croyez-vous qu'il suffise d'un acte de bon plaisir pour doubler le nombre des écoles laïques et pour forcer la moitié des familles lyonnaises à conduire leurs enfants dans des écoles dont elles ne veulent pas ? Et les lois qui imposent des restrictions au nombre des écoles! (1) Et les allocations abusives à faire payer par des contribuables qui pourront recourir aux ressources légales! Et la tyrannie monstrueuse exercée sur tant de familles qui ne songeront qu'aux moyens de la secouer! Et cette foule de gens qui, en payant de lourds impôts, ont le droit d'exiger qu'une partie en soit consacrée à l'instruction chrétienne de leurs enfants! Quoi! vous ferez accepter la responsabilité de tout cela à M. le préfet placé entre vous et l'autorité d'un gouvernement moins disposé peut-être à susciter des haines, des résistances et des luttes détestables!

Après ces mesures, dont l'effet sera peut-être tout diffé

(1) Loi du 10 avril 1867, article 2.

VIC-II

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