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TRANSFORMATION D'UNE ÉCOLE CONGRÉGANISTE EN ÉCOLE LAÏQUE AU MOYEN DE LA FUSION DE DEUX ÉCOLES (CATHOLIQUE ET PROTESTANTE) EN UNE ÉCOLE MIXTE.

La commune de X..., dont une partie de la population est protestante, possède deux écoles communales de filles : l'une catholique et l'autre protestante. L'école catholique est dirigée par une institutrice congréganiste dont le conseil municipal poursuit le remplacement par une institutrice Jaïque. Pour atteindre ce but, il a pris une délibération tendant à ce que les deux écoles fussent réunies en une seule, où seraient reçues les enfants appartenant aux deux cultes et dont la direction serait confiée à une institutrice laïque.

Cette demande peut-elle être accueillie? Non, car la décision qui y ferait droit consacrerait une illégalité.

En effet, l'article 36 de la loi du 15 mars 1850 décide que « dans les communes où les différents cultes reconnus » sont professés publiquement, des écoles séparées seront » établies pour les enfants appartenant à chacun de ces >> cultes. » Cette disposition a évidemment un caractère impératif. Ce n'est pas une faculté que le législateur laisse à la commune, ce n'est pas un conseil qu'il lui donne, c'est une obligation qu'il lui impose, et cette obligation est inconciliable avec la fusion projetée par le conseil municipal de X... Mais le texte ajoute : << sauf ce qui est dit à « l'article 15, » manifestant ainsi que le principe qu'il énonce n'admet aucune autre exception que celle autorisée par cet article 15. Il reste donc à vérifier si la commune de X..., dont la population est de beaucoup supérieure à cinq cents habitants, peut invoquer cette exception.

Suivant l'article 15 de la loi de 1850, le Conseil départemental de l'instruction publique « détermine les cas où » les communes peuvent, à raison des circonstances, et

»provisoirement, établir ou conserver des écoles primaires » dans lesquelles seront admis des enfants... appartenant >> aux différents cultes reconnus. » La simple lecture de ce texte permet d'apprécier son véritable sens et la portée de l'exception qu'il contient. Lorsque l'établissement d'écoles distinctes pour les enfants des différents cultes présente dans une commune de réelles difficultés, la règle générale peut fléchir; mais de quelle manière? momentanément, provisoirement, et seulement à raison des circonstances qui s'opposent à son application immédiate. Si, au jour de la promulgation de la loi, il n'existe aucune école, le conseil municipal commencera, ne pouvant vaincre tous les obstacles à la fois, par établir une école mixte; ou, si une école de ce genre existe déjà et qu'il soit impossible de la remplacer subitement par deux écoles séparées, on pourra la conserver. Mais, évidemment, le législateur n'a jamais eu en vue le cas où, de conformité à la règle, des écoles spéciales à chaque culte seraient déjà ouvertes. Dès lors, on ne saurait invoquer l'article 15 pour substituer à l'état de choses régulier, légal, définitif, qui est possible puisqu'il est, un état de choses autorisé par la loi comme exception et à titre provisoire.

Ces dispositions d'ailleurs, fussent-elles moins précises, seraient encore faciles à interpréter, car elles sont la conséquence de ce principe essentiel, inscrit dans la loi, que le premier objet de l'enseignement primaire est l'instruction morale et religieuse. Pour tout esprit impartial, la pluralité des cultes chez les élèves impose à l'instituteur une réserve telle que forcément l'instruction religieuse en devient insuffisante si ce n'est tout à fait nulle. Il est donc naturel qu'une école mixte, où l'enseignement est incomplet, ne puisse jamais être le résultat d'une transformation, précisément parce qu'elle n'est pas un progrès.

BOYER DE BOUILLANE,

Substitut à Valence.

ÉTUDES SUR LE SOCIALISME

§ 6.

(Conférences du P. Félix, 4° et dernier article) (1).

Origine ou généalogie du Socialisme.

La géologie porte, jusqu'aux entrailles même de la terre, la hardiesse de ses explorations, pour étudier les causes des phénomènes qui se produisent à la surface de notre planète; et lorsque dans le monde humain, lui-même, quelque fléau de Dieu une famine, une peste, un choléra s'abat tout à coup au milieu des générations consternées, la science cherche aussi la cause du mal, pour essayer de le conjurer et d'en arrêter les effets; c'est ce que nous allons faire nous-même à l'égard du Socialisme, en étudiant, dans notre nature et dans notre histoire, les causes qui l'ont fait dans notre passé, tel qu'il se révèle dans notre présent.

I. Le Socialisme, considéré dans ses origines lointaines. a sa source première dans l'abîme ouvert près du berceau de notre race par la prévarication primitive. Le contrecoup de la chute a fait alors jaillir du fond de la vie humaine le torrent orageux qui traverse le cœur de l'humanité entière, comme il traverse le cœur de chaque homme, et que l'Eglise nomme bien dans sa langne la concupiscence, c'est-à-dire le foyer de nos passions retournées contre leur but. La concupiscence, c'est la raison tout à la fois philosophique et historique de toutes les révolutions et de toutes les catastrophes qui éclatent au soleil des siècles dans la vie des sociétés humaines. La concupiscence, c'est la grande force anarchique qui remue le monde. Force une et triple tout ensemble: trois forces dans une même force, se nommant, selon leur objet immédiat, tantôt l'orgueil de la vie superbia vitæ; tantôt l'orgueil des yeux : superbia

(1) Voir livraison d'avril 1978, p. 217; de mai 1878, p. 303; de juillet 1878, p. 33.

oculorum; tantôt la convoitise de la chair: concupiscentia carnis; en d'autres termes, l'amour désordonné de l'indépendance, de la possession, de la jouissance; immortelle et frénétique passion de commander, de posséder, de jouir sans limite et sans frein. Depuis que l'homme a élevé contre Dieu le cri de sa première révolte; remontons encore plus haut, depuis que Lucifer, à la tête de ses phalanges, a poussé, jusque dans le ciel, le premier cri de l'indépendance contre l'autorité du Verbe, revendiquant comme son droit absolu l'adoration et le service des anges; depuis cette heure, la plus désastreuse que le temps ait sonnée, quelque chose de nouveau s'est révélé et s'est perpétué dans la création, c'est l'horreur naturelle de la soumission à l'autorité commander toujours et jamais obéir. Aussi, le Socialisme est-il, dans son essence, la négation absolue de toute autorité, même de l'autorité de Dieu, et il est l'affirmation de l'indépendance absolue de l'homme. Arrière toute autorité : l'autorité du roi et l'autorité du magistrat ; l'autorité du prêtre et l'autorité du pontife; arrière même l'autorité de mon père, si mon père montre trop la prétention de me faire sentir ce qu'il nomme le droit de sa paternité. L'homme qui parle ainsi, qu'il soit fils d'ouvrier, de bourgeois, de baron ou de comte, porte dans son orgueil le germe du Socialisme.

Mais il est un second torrent, non moins impétueux que le premier, qui pousse à l'abîme du Socialisme les générations entraînées dans son cours; c'est l'amour désordonné de la richesse et de la possession. -- Quelle qu'en soit la raison, c'est le fait permanent et universel de l'histoire de l'humanité. L'homme aspire à posséder et à posséder outre mesure; effroyable besoin que l'homme éprouve d'ajouter à sa personnalité tout ce qui l'agrandit et l'exalte devant les autres en lui promettant la jouissance pour lui-même. Comme il veut faire un trône d'indépendance à son orgueil, il prétend, autour de ce trône, se faire un domaine égal à sa souveraineté. Voilà,

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dans son ensemble, l'universel penchant de notre race tombée. Tel est, de bas en haut de l'échelle sociale, le penchant universel. Et pour acquérir la richesse, ce qu'on peut entreprendre de labeurs et même oser de crimes, l'histoire le crie partout avec le poëte : ... Quid non mortalia pectora cogis auri sacra fames. Aussi lorsque la voix des hommes, jaloux de se faire sur les multitudes une domination égoïste, entr'ouvrent devant les regards du peuple les perspectives de l'universelle possession; alors les multitudes affamées ou feignant de l'être, se soulèvent au loin comme les vagues de la mer sous le souffle des orages. Ce mot de richesse, et richesse pour tous, exerce un prestige si fort que les populations les plus ordinairement pacifiques ne s'en défendent pas; et c'est tout au plus si en certains moments la foi et la vertu savent en défendre les multitudes même les plus chrétiennes ; et ceci explique un phénomène sans cela inexplicable; des populations catholiques et essentiellement conservatrices, se laissant emporter par le torrent socialiste. Mais ce qui est acquis d'avance aux conquêtes de l'armée socialiste, se sont les ruinés de la débauche et du libertinage, blasphémant la société qu'ils accusent d'une misère dont ils sont les seuls auteurs. Ils ne sont pas seulement les disciples et les sectateurs du Socialisme, ils en sont les docteurs et les maîtres, et aux jours de ses luttes décisives ils n'en seront pas seulement les soldats, ils en seront les capitaines. - Enfin, la troisième cause lointaine qui pousse au Socialisme les générations vivantes, c'est la passion immodérée de jouir, et, comme corrélation nécessaire, l'horreur de souffrir. C'est là la dernière et suprême séduction du Socialisme. Il y a au fond de notre nature humaine, blessée par la chute, je ne sais quel effroyable besoin de jouir; et il est évident qu'il y a dans ce besoin, ou plutôt dans cette fureur de jouir, un désordre caché, une sorte de dépravation hâtive. Or, le Socialisme invite à la jouissance, et à la jouissance matérielle, toute cette humanité qui demande à jouir, comme

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