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et les maléfices de ce méchant homme, en présence de plusieurs évêques, prêtres et laïques, s'accusant eux-mêmes avec larmes, et déplorant avec de grands sentiments de pénitence leur malheureux sort et leur faiblesse, qui les avait séparés pour un peu de temps de l'Église, pour s'attacher à ce misérable. » C'est en faisant allusion à cette pratique usitée de son temps de se confesser publiquement, en présence de l'évêque, du clergé et même du peuple qui compatissait à la douleur des pénitents, et joignait ses prières aux leurs pour leur obtenir de Dieu et de ses ministres la grâce de la réconciliation, c'est, dis-je, en faisant allusion à cette pratique que Tertullien exhorte les pécheurs à recourir aux prêtres, à embrasser les genoux des amis de Dieu, et à supplier les frères de prier pour eux. (1)

Quant à la pénitence, elle était de trois sortes, savoir la pénitence secrète, la pénitence publique et la pénitence solennelle. La pénitence secrète se faisait en particulier, comme elle se fait encore aujourd'hui par, l'ordre du confesseur. La pénitence solennelle se faisait avec certaines cérémonies, en parcourant certains degrés dont je parlerai bientôt. La pénitence publique se faisait publiquement, mais

(1) Presbyteris adolvi, et caris Dei adgeniculari, omnibus fratribus legationes deprecationis suæ injungere. Tert. de pænit.

sans les cérémonies et les degrés propres à la pénitence solennelle (1). Ainsi, toute pénitence solennelle était publique; mais toute pénitence publique n'était pas solennelle.

Nectaire, en abolissant la confession publique, n'abolit pas pour cela la pénitence publique et solennelle; mais elle devint plus rare et moins rigoureuse; et, au bout de quelque temps, vers la fin du ve siècle, selon quelques auteurs, elle disparut entièrement en Orient. Elle subsista en Occident jusqu'à la fin du vn° siècle.

La pénitence solennelle était divisée en quatre classes, ordres, degrés ou stations.

La première station était celle des pleurants; ils se tenaient dans l'atrium ou portique, revêtus d'habits de deuil, la tête couverte de cendres, prosternés, pleurant, et priant ceux qui entraient dans l'Eglise d'intercéder pour eux auprès de Dieu.

La seconde station était celle des écoutants, ou auditeurs; ils se tenaient dans le Narthex ou avant-nef; ils pouvaient entendre la lecture des saintes Ecritures, le chant des psaumes et les discours de piété qui se faisaient dans l'église, mais ils n'avaient pas le droit d'assister au saint sacrifice, et ils étaient obli

(1) Telle était la pénitence de ceux à qui le confesseur ordonnait de faire un pèlerinage, de se retirer dans un monastère...

gés de sortir quand la messe des catéchumènes commençait.

La troisième station était celle des prosternés; ils se tenaient à l'entrée du naos ou nef; il leur était permis d'entendre les épîtres, l'évangile et les instructions, et d'assister à la première partie de la messe appelée messe des catéchumènes; mais on les mettait hors de l'église quand on était sur le point de commencer la messe des fidèles.

La quatrième et dernière station était celle des consistants; ils se tenaient dans la nef, dans une place séparée des autres fidèles, et avaient droit, comme ceux-ci, d'assister au saint sacrifice; mais ils n'avaient point celui d'y participer, non plus que celui d'offrir leurs dons à l'autel, et leurs noms n'y étaient point récités comme ceux des autres fidèles qui avaient offert les dons, et qui devaient participer aux saints mystères en mangeant la chair de l'agneau.

On demeurait dans chacune de ces stations plus ou moins long-temps, selon la grièveté des crimes; mais tous ceux qui étaient soumis à la pénitence publique ne passaient pas par toutes ces stations; cela ne se faisait d'ordinaire que pour les crimes énormes ou scandaleux. Quelquefois même l'Eglise, avec sa discrétion et sa charité accoutumées, dispensait les plus grands pécheurs des autres stations les plus

rigoureuses de la pénitence, et les condamnait à la seule consistance.

Tous les péchés mortels, même publics, n'étaient pas soumis, par les canons, à la pénitence solennelle, mais seulement les péchés très griefs, comme l'idolâtrie, l'homicide, l'adultère (1).

La pénitence solennelle ne s'accordait qu'une fois, et ceux qui, après l'avoir accomplie, retombaient dans les mêmes crimes, ou en d'autres plus énormes, n'y étaient plus admis; on aurait craint d'avilir cet excellent don en l'accordant deux fois aux mêmes pécheurs. On ne désespérait pas néanmoins de leur salut, et on leur faisait faire pénitence en particulier le reste de leur vie. On les privait aussi de la communion eucharistique, excepté à l'article de la mort (2).

Il y avait plusieurs impositions des mains dans la pénitence solennelle. La première se faisait par l'évêque, en admettant les pécheurs à cette sorte de pénitence. Au commencement du carême, les pénitents se présentaient à la porte de l'église, couverts de sacs, les pieds nus, les yeux baissés, les cheveux en désordre. Lorsqu'ils étaient entrés dans l'église,

(1) Billuart, tome XVIII, page 510. (2) Billuart, tome XVIII, page 513.

l'évêque, avec tout son clergé, récitait sur eux les sept psaumes de la pénitence. Les psaumes terminés, il leur imposait les mains, les aspergeait d'eau bénite, leur mettait de la cendre sur la tête, les revêtait d'un cilice, et leur annonçait avec larmes qu'il allait les chasser de l'église, comme Dieu chassa Adam du paradis; ensuite il les mettait en effet hors de l'église, pendant que le clergé chantait ce répons : << Vous mangerez votre pain à la sueur de votre front, jusqu'à ce que vous retourniez dans la terre d'où vous êtes sortis, car vous êtes poussière et vous retournerez en poussière (1). » La seconde imposition des mains, qui se réitérait souvent, se faisait sur les prosternés. La troisième se faisait lorsque les prosternés passaient au degré des assistants. La quatrième, lorsqu'on admettait les pénitents à la réconciliation parfaite et à la participation de l'Eucharistie, ce qui avait lieu le Jeudi-Saint, de cette manière, suivant l'ancien ordre romain. «L'é– vêque va s'asseoir à l'entrée de l'église; les pénitents, avec l'archidiacre, l'attendent dans le vestibule à quelque distance. Celui-ci, avant de les présenter à

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(1) In sudore vultûs tui vesceris pane, donec revertaris in terram de quâ sumptus es; quià pulvis es, et in pulverem reverteris. Gen III, 19.

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