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cès monumens de sa honte, ils pèsent à ma main; ils soulèvent ma colère. Je les ai lus une fois : c'est assez d'un supplice.

Non, Messieurs, nul homme au monde ne fut plus audacieusement outragé que le vieillard dont je vous apporte les réclamations, et quelques lieux communs du langage des passions, quelques récriminations sans fondement, ne peuvent pallier l'énormité des crimes qu'il vous dénonce.

Il croit avoir établi que son opposition devait être maintenue, car toute procédure ourdie pour parvenir à ce mariage sacrilége est infectée d'une foule de vices et d'irrégularités.

Il croit avoir démontré surtout que le mariage sollicité par le prêtre Boisset blesse les lois, l'ordre et l'honnêteté publique.

« Maintenant, je ne puis me détacher encore de celle qu'ils ont arrachée de mes bras.... Ma fille! je sais qu'au moment où je fis entendre dans cette enceinte le langage d'un père indigné, votre cœur fut ému, et s'ouvrit au repentir et à la honte.... Vous connûtes enfin de quel prix est le respect pour les mœurs et quelles étaient ces lois qu'on vous avait représentées comme complices des passions les plus désordonnées. Depuis lors, cet homme attaché à vos pas, infatigable et corrupteur comme le génie du mal, a repris son empire, et le remords lui a cédé... Il vous a persuadé que ses prétentions trouveraient des apologistes, et il a réussi.... Ecoutez, ma fille, je vous propose une épreuve qui va manifester à vos yeux toute l'horreur de la situation où l'on vous entraine.

« Vous avez des conseils....; ils sont éclairés, irréprochables.... Vous croyez avoir leur assentiment, parce qu'ils vous prêtent la parole.... Hé bien! parmi vos conseils, et l'on m'assure qu'ils sont plusieurs, il est des frères, des pères de famille, peut-être.... Proposez-leur pour leur sœur et leur fille une alliance pareille à celle qu'ils vous croient autorisée à contracter..... et si le vieillard ne bondit pas de colère, si le jeune homme ne court pas involontairement à ses armes..., ma fille, je me serai bien abusé.

«Que si, par pitié pour vos douleurs, ils gar. daient le silence, remarquez cet embarras qui vous élude, et cette rougeur involontaire qui trahit leur désaveu secret.... Voilà, voilà, n'en doutez point, le cri de l'inexorable conscience qui vous accuse, quoique comprimé.

«Ma fille, le concert unanime des gens de bien, de ceux-là même qui vous prêtent leur organe, n'est pas un vain préjugé; et tous, n'en doutez n'en doutez pas, condamnent avec exécration le lien que vous voulez serrer, et la justice, en vous l'interdisant, ne fera que consacrer le vœu de l'opinion générale. »

Voyez, dans la Notice insérée en tête de ce volume sultat de cette affaire..

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le ré

PLAIDOYER

POUR le Sieur ROY-D'ANGEAC;

CONTRE le Sieur LAMORINE fils.

MAGISTRATS,

Tuteur et beau-frère d'une femme à qui le ciel semble n'avoir ôté la raison que pour adoucir le sentiment de ses peines, le sieur Roy-d'Angeac vient acquitter, à vos pieds, la tâche la plus douloureuse et la plus sacrée.

Il vient vous entretenir des droits et des malheurs de celle que la loi lui confie, comme elle en parlerait elle-même, si toutefois il existe un langage propre à

rendre de telles douleurs.

Qu'elle est triste, en effet, qu'elle est pénible la carrière qui s'ouvre devant lui! La paix d'une famille respectable à jamais troublée; l'intérêt s'assurant, à l'aide d'un mariage malheureux, la perspective de l'aisance; l'avarice abusant de la démence, pour hâter le moment de jouir; une mère, dont la raison est éclipsée, près d'une fille qui appelle envain le bonheur ; une jeune épouse qui, pour rame

ner l'homme qu'elle aime, s'impose jusqu'au sacrifice de ses plaintes, souffre toutes les privations sans murmure, éprouve les dédains, le mépris, les violences même, sans éclater; qui, voulant, au défaut de l'amour, enchaîner du moins la reconnaissance se laisse déshériter et se dépouille, pour enrichir celui qu'elle n'a pu captiver ses jours sans plaisir, ses veilles prolongées dans la solitude et dans les larmes, ses derniers vœux tracés avec son sang, et que son sang va sceller encore, l'époux qu'elle attend, l'époux qu'elle revoit, la foudre qui la frappe.... Voilà les premiers tableaux dont il doit d'abord vous épou

vanter.

A ces déchirantes images doit succéder un spectacle non moins odieux, quoique plus ordinaire; l'intrigue s'agitant pour dénaturer la vérité, déconcerter la justice et prévenir le châtiment; l'ambition, déjouée dans ses calculs, faisant d'inutiles efforts pour ressaisir les honneurs qu'elle touchait, et qui lui échappent; la calomnie, mise habilement en œuvre, pour avilir ceux qu'on n'a pu corrompre; la confiance de l'amitié indignement trahie; le dépôt même de la pensée, violé par des mains sacrilèges; la prérogative du magistrat méconnue, et son sacerdoce outragé; l'arme du lâche, la dénonciation secrète, poursuivant jusqu'au pied du trône, et aux sources mêmes du pouvoir, des juges incorruptibles, d'irréprochables citoyens..... Tel est le second ordre des tableaux que cette cause vous présente, et peutêtre est-ce le plus important.

S'il était vrai, comme on l'a prétendu, que le goût

d'une fausse éloquence nous eût donné le besoin de tourmenter les ames par de tragiques émotions jamais sans doute ce goût dépravé, ce besoin, né d'une organisation malheureuse, n'eût pu mieux être satisfait; mais en acquittant nos devoirs, évitons le reproche de servir les passions. Sans doute quelque émotion viendra se mêler à notre langage; car qui peut peindre l'humanité si malheureuse d'une part, et si barbare de l'autre, sans que son ame s'indigne et s'attendrisse, sans qu'il mêle quelqué larme à ses couleurs? Mais la vérité, surtout, dictera le triste récit que vous allez entendre. Les faits ne marcheront qu'avec leurs preuves prises des actes, des écrits, ou de la notoriété: nos droits seront justifiés par les plus incontestables principes; notre conduite et nos écrits, légitimés par nos malheurs. Que si néanmoins, au sortir de cette enceinte, nos adversaires emportent de pénibles sentimens, qu'ils se gardent bien de les imputer à nos pinceaux et d'accuser leur sombre énergie la funeste impression était déjà dans leur ame, et nous n'aurons fait que l'y réveiller.

-

FAITS.

La famille Texier, illustrée par d'anciens services dans la carrière de la magistrature, est une des plus anciennes de la Saintonge, où elle a étendu ses nombreux rameanx.

A sa tête est, aujourd'hui, la plus respectable des femmes, une veuve plus qu'octogénaire, qui, de son château de Chaux qu'elle habite, conservant au

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