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moditez. Je trouvarle Pere Bouchet en parfaite fainte, & j'eus la confolation de voir auprès de lui un grand nombre de Chreftiens diftinguez par leur pieté & par leur zele. J'admirai fur tout la ferveur d'une vertueufe Veuve, qui dans le défir qu'el. le a de peupler le Ciel d'ames innocentes, s'eft appliquée depuis quelques années à donner des remedes aux enfans, qui font malades. Comme fes remedes font bons & fes cures heureuses, on l'envoye querir de toutes parts; ce qui lui donne la facilité de baptifer un grand nombre d'enfans, lorfqu'elle les voit dans un danger évident de mort. Il n'eft point d'année qu'elle n'en baptise au moins quatre cens. La benedic tion que Dieu lui donne, a fait naiftre à quelques autres perfon

nes de fon fexe l'envie de l'imiter, & il y en a prefentement deux ou trois qu'elle inftruit elle-même de fes fecrets, pour leur donner accez par ce moyen dans toutes les maifons, où il y a des enfans qu'on peut fecourir. Les perfonnes, qui ont la charité de nous envoyer des remedes, feront bien-aifes d'apprendre ce nouvel ufage que nous en faifons.

Il y a encore à Tricherapaly un homme que fa piété diftingue beaucoup. C'est le premier Receveur du Domaine des Provin ces Meridionales du Royaume. Sa converfion a coufté la vie à un de nos plus fervens Catechiftes. Cet homme, estant encore Idolâtre, ne laiffoit pas de vivre fort reguliérement felon fa fecte. Il obfervoit avec une exactitude scrupuleuse toutes les

fuperftitions des Payens, & il ne manquoit jamais, au temps mefme le plus froid de l'année d'aller tov les jours de grand matin à la riviere s'y plonger jufqu'au cou, & faire en cet état de longues prières à ses Dieux, ce que ces pauvres aveugles regardent comme une action trèsméritoire. Le Catechifte homme fort zele, & qui connoiffoit d'ailleurs combien le Receveur étoit régulier dans fa conduite, refolut de le gagner, à quelque prix que ce fut, perfuadé que fi on le convertiffoit à Jefus Christ, dans une Religion fi fainte, il deviendroit capable de tout. Pour trouver l'occafion de l'aborder & de l'inftruire, il entreprit d'aller comme luy, tous les matins à la riviere, où fans fe faire connoiftre, mais prenant foin feulement de fe laiffer aper

cevoir, retiré à l'écart, il fe plongeoit dans l'eau, & offroit au vray Dieu avec de ferventes prières la mortification d'un bain fi long, & auquel il n'étoit pas accoutumé, pour la converfion d'une ame, qui fe faifoit ainfi tous les jours la victime du Démon. Il continua plufieurs jours ce pénible exercice, jusqu'à ce que le Gentil étonné de voir fon affi. duité à venir fe laver, & ne, croyant pas qu'un autre que lui, puft tenir contre le froid qu'il faifoit alors, eut la curiofité de fçavoir qui étoit cet homme, & quelle dévotion l'amenoit. Le Catechifte qui n'attendoit que cet heureux moment,, lui dit: Ce n'eft pas à des Dieux fourds & impuillans comme les vostres que j'adreffe mes vœux, mais au Souverain Maistre du Ciel & de la au Créateur de toutes cho

Terre, au

a

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Jes, qui feul mérite le culte & Pa doration de tous les hommes. Les Dieux que vous adorez, outre qu'ils ne fçauroient vous faire ni bien ni mal, font encore indignes d'eftre regardez mefme comme des hommes puifqu'ils ont vefcu d'une maniere plus barbare, & plus impare que les beftes farouches, & les animaux les plus immondes. Il n'avançoit rien qu'il ne prouvaft par des faits tirez des hiftoires authentiques du Pays, que le Gentil ne pouvoit revoquer en doute. Ce difcours ne fit d'impreffion fur l'Idolâtre qu'autant qu'il falloit pour vouloir en fçavoir davantage. Il pria le Catechifte, qui ne cherchoit que cela, de vouloir l'inftruire plus à fond de noftre Religion, & luy en expliquer les myftéres. Les jours fuivans fe pafferent à l'explication de plufieurs points

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