Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

le lendemain à la fortereffe pour faluer le Prince. On m'ar refta à la porte, & je ne pûs ef tre admis à l'audience qu'après avoir efté interrogé par quelques Brames, qui me firent diverfes queftions, & qui me conduifirent enfin par bien des détours dans l'appartement du Paleagaren. Je trouvai un fort bon homme, qui me reçût avec honnêteté: je lui presentai quel ques fruits du Pays, & un peu de Jais, que les Indiens regardent comme quelque chofe de précieux. Le Prince eftoit affis & avoit devant lui une efpece de petite eftrade, où il m'invita de m'affeoir. Comme je ne crús pas devoir me mettre dans un lieu plus élevé que celui où il eftoit, j'étendis ma peau de Tygre à terre, felon la coûtu me de ce Pays, je m'affis enfui.

te, & je lui expofai le fujet de mon voyage, peu après en ces terme. Je n'ai quitté mon Pays, Seigneur, & je ne me fuis rendu ici avec des peines & des travaux immenfes, que pour retirer vos Sujets des épaifles ténébres où ils vivent depuis fi long-temps, en adorant des Divinitez, qui font l'ouvrage des mains des hommes. Il n'y a qu'un fouverain Seigneur de toutes chofes, qui a créé le Ciel & laTerre ; c'eft ce fouverain Maitre de l'Univers que tous les hommes doivent connoiftre, & à qui ils doivent eftre foùmis; c'eft fa Loy qu'ils doivent fuivre, s'ils veulent eftre éternellement heureux; & c'est cette Loy fainte dont je viens inftruire vos Peuples. S'ils l'embraffent & s'ils la gardent avec fidelité, on ne verra plus parmi eux ni troubles, ni divifions,ni violence, ni injuftice: la charité, la douceur, la piété, la justice, & tou

tes les autres vertus feront la régle de leur conduite. Soumis & fidéles au Prince qui les gouverne, ils s'acquitteront de ce qu'ils doivent au fouverain Seigneur, & parviendront parlà à la fouveraine felicité. Après lui avoir expliqué les principaux attributs de Dieu, & lui avoir donné une grande idée de la Mo. rale Chrétienne, je lui demandai fa protection. Il me la promit avec bonté, me fit trouver un logement commode pour ma demeure, & ordonna à un de fes Officiers de me donner à moi & à mes gens tout ce qui feroit neceffaire ce jour-là pour noftre

fubfiftance.

Dès qu'on a paffé les hautes montagnes dont je viens de parler, on ne fe fert plus dans tout le Pays que de la langue Talanque ou Canaréenne. Je trouvai cependant auprès de cette ville un

gros Bourg rempli de Tamulers, qui s'y eftoient retirez pour fe

mettre à couvert de la violence des Maures. Plufieurs Bra. menati me vifiterent, c'est le nom qu'on donne aux femmes des Brames. Elles me firent plufieurs questions, & entre autres elles me demanderent, fi leurs maris, qui avoient entrepris de longs voyages, réüffiroient, & s'ils feroient bientoft de retour en leur Pays. Je leur répondis que je n'eftois point venu pour les tromper, comme faifoient tous les jours leurs faux Docteurs, qui les féduifoient par les fables qu'ils leur débitoient avec tant de fafte & d'oftentation; mais que mon deffein eftoit de leur enfeigner le chemin du Ciel, & de leur apprendre les moyens néceffaires pour y parvenir, & pour acquerir les biens éternels,

- Elles m'écouterent avec attention, me faluerent enfuite avec beaucoup de civilité, comme elles avoient fait d'abord, & fe retirerent fans me donner au cune efperance de converfion. Il y eut plufieurs autres perfonnes de moindre qualité, qui demanderent à fe faire inftruire & qui furent plus dociles à mes inftructions. C'est ce qui m'engagea à laiffer un de mes Catechiftes pour les difpofer au faint Baptefme, & à leur promettre que je repafferois par leur Ville

à mon retour.

J'allai enfuite à Bairepalli; mais je n'y trouvai qu'un feul homme, tous les habitans ayant pris la fuite à l'approche des Maures. Le lendemain je me rendis à Tailur, c'est une petite Ville qui appartient à une autre Paleagaren. La fortereffe en eft

« PreviousContinue »