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ne pourroit exaucer vos prieres? mais notre évangile remarque que la mer & les vents lui obéifent; venti & mare obediunt illi. Quelles feroient donc les bornes de fa toute puiffance eft-ce peut-être qu'il ne voudroit pas vous fecourir? j'avoue que c'est ici la pierre d'achoppement où viennent fe brifer tous les fcrupuleux, & je demande qu'on me permette de dire un mot en leur faveur, de la volonté fincere que Dieu a de nous aider dans toutes les tentations. Je n'affemblerai pas ici un grand nombre d'autorités comme je pourrois le faire ; je me contenterai de donner l'idée d'un pfeaume que l'Eglife met tous les foirs dans la bouche de fes ministres, & que la plupart des fidéles connoiffent, ou du moins qu'il feroit bon qu'ils connuffent; c'eft le pfeaume quatre-vingt-dixième que nous récitons tous les foirs, afin que Dieu nous préferve des tentations & des dangers de la nuit ce pfeaume est au jugement d'un des plus célébres interprêtes, un trialogue, ou une conversation entre trois perfonnes; entre David qui parle d'abord, un ange qui lui répond, & Dieu qui affure par lui-même ce qu'il avoit affuré par fon infpiration ce trialogue paroît être du tems que la pefte vengeoit à Jérufalem le péché que ce roi avoit commis, en ordonnant le dénombrement de fon peuple.

David commence par ces paroles: Celui qui demeure ferme fous l'affiftance du Très-haut, qui ne met pas fa confiance dans fes propres mérites, qui ne fe laiffe point abattre par la confidération de fa foibleffe, qui prétend tellement au fecours du Seigneur, qu'il penfe à fe corriger; celui-là, quel qu'il foit, riche ou pauvre, jufte ou pécheur, pourra fe repofer furement & fans défiance fous la protection du Dieu du ciel, de ce grand Dieu qui confidére & qui peut tout au

plus haut des cieux : cet homme à qui l'assistance de fon Dieu tient lieu de tout, pourra dire à ce moment de la tentation: c'est vous, ô mon Dieu, qui êtes mon défenseur & mon refuge: oui, Seigneur, vous êtes le Dieu de tous les hommes à titre de créateur, mais vous êtes encore le mien par le foin que vous avez de moi dans les périls, par la protection que vous m'avez accordée, en me délivrant des piéges des démons, qui font autant de chaffeurs infatigables qui me tendent continuellement des filets; c'eft en un tel protecteur que je mettrai mon efpérance. Voilà ce que dit David, vous voyez que la feule confidération de Dieu dans le ciel, & des graces qu'il en avoit reçûes, l'affuroit pleinement de fa protection pour l'avenir pourquoi ne fuffiroit-elle pas pour vous en affurer? quels gages avoit David de l'amour de Dieu que vous n'ayez pas reçûs ?

L'ange, pour confirmer David dans ces fentimens, ou plûtôt pour vous les infpirer, vous promet de la part de Dieu qu'il vous mettra à l'ombre de fes aîles; que fa charité envers vous vous y protégera contre les puiffances de l'air, figurées par les oifeaux de proye, que vous y ferez comme rafraîchis contre l'ardeur des tentations, & que vous y ferez cachés à vos yeux propres & à ceux des hommes: vous ne craindrez, vous dit-il encore, ni ce qui effraye pendant la nuit, ni la fléche qui vole pendant le jour, ni les maux que l'on prépare dans les ténébres, ni les attaques du démon du midi ; c'està-dire, & ces différentes explications font toutes des Peres de l'Eglife fur cet endroit du Pfalmiste; c'est-à-dire, vous n'aurez à craindre aucune des tentations que le démon vous fufcite, de quelque maniere qu'il les fufcite, foit en employant la

force ouverte, foit en agiffant par voye de féduction, foit en ne tentant que légèrement, foit en attaquant de tout fon pouvoir; (p) de quelque efpéce que foient les tentations qu'il vous fuggere, découragement ou préfomption, ambition ou hypocrifie, (q) adverfité ou prospérité, (r) gourmandife ou intempérance, (f) ou pareffe, (t) quel que foit le nombre de vos ennemis s'én élevât-il mille à votre gauche, y en eût-il dix mille qui attaquaffent votre droite, vous les terrafferiez tous, vous les verriez tous tomber à vos côtés, vous verriez de vos yeux leur défaite, & le péché s'enfuiroit loin de vous; fallûtil des efprits céleftes pour vous fecourir, l'ordre leur en eft donné. Oui, juftes ou pécheurs, voilà la bonté de Dieu envers vous, & les fecours qu'il vous prépare; confidérez-les bien, voyez quel eft celui qui ordonne : c'est celui devant qui fout genou fléchit ; voyez ceux à qui il commande, ce font des efprits bienheureux, qu'il appelle les fiens principalement : voyez ce qu'il commande, c'eft de vous garder comme un tréfor précieux, comme le fruit de fa croix voyez comment il ordonne de vous garder, c'est dans toutes vos voyes; les bonnes, pour vous y faire perfévérer; les mauvaises, , pour vous en faire fortir voyez jufqu'à quand il commande de vous garder, c'est jusqu'à la mort, jusques-là les anges ont ordre de vous porter dans leurs mains s'il le faut, de peur que vous ne rencontriez des pierres d'achoppement vos ennemis fuffent-ils des afpics par leurs rufes, des bafilics par leur fubtilité, des lions ou des dragons par leur force, yous les vaincrez, vous les écraferez; ainfi vous parle un ange même dans la perfonne de Dieu.

(P) Aug. (q) Bern. Serm. 6. (r) Chrif. (1) Evang. (t) Theod.

Et Dieu parlant par lui-même, pour ajoûter un nouveau poids à ce qu'a dit l'ange & David, vous promet qu'il vous protégera qu'il vous exaucera qu'il vous fauvera, qu'il vous comblera de gloire & de joye, fi vous espérez en lui.

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N'en difons pas davantage : revenons à ces perfonnes, que leur foibleffe, leurs rechûtes continuelles, la multitude & l'énormité de leurs péchés, empêchent d'élever les yeux vers le ciel, qui le regardent comme un ciel de fer & d'airain pour eux, qui n'ofent ni ne veulent rien efpérer; revenons à vous, mon cher auditeur, quelqu'un parmi vous a-t'il de la bonté de Dieu des penfées auffi dangereuses? je lui demande fi -un prophete du Seigneur, fi un ange de Dieu, fi Dieu en perfonne prenoit cette place que j'occupe à fon nom, fi le Dieu des armées lui difoit qu'il le couvrira de fon bouclier dans les combats, s'il lui promettoit le fecours de cette milice célefte qui environne fon trône, s'il lui affuroit que la victoire eft entre ses mains, l'en croiroit-il? il faut avoir tout l'orgueil & toute l'opiniâtreté du fcrupule, pour ne pas se rendre à une telle démonftration, & je vous ferois tort de croire que perfonne ici en fût capable.

Efpérez donc au Seigneur, n'efpérez qu'en lui & que par lui, & votre efpérance ne fera point confondue; alors s'accompliront ces dernieres paroles de notre évangile tùm furgens imperavit ventis & mari, & facta eft tranquillitas magna; alors le Seigneur fortira du profond fommeil où il fembloit être, il commandera en maître fouverain aux vents, & la mer deviendra auffi tranquille qu'elle avoit été furieuse; vos tentations feront appaifées, vos paffions affoiblies une paix profonde régnera dans votre cœur, & Vous vous écrierez plein de joye & d'étonnement,

qui eft celui à qui les vents & la mer obéissent de la forte? qu'il eft puiffant! qu'il eft miféricordieux! qu'il eft doux de le fervir! qu'on eft fort quand on combat avec lui! Veuille le ciel vous faire goiter cette confolation; je vous la fouhaite de tout mon cœur. Au nom du Pere, &c.

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S

EVANGILE

du V. Dimanche après l'Epiphanie.
Math. 13.

E

N ce tems-là, Jefus dit au peuple cette parabole: Le royaume du ciel eft femblable à un homme qui avoit femé du bon grain dans fon champ. Mais pendant que fes gens dormoient, fon ennemi vint, fema de l'yvraye parmi le bled, & s'en alla. L'herbe donc ayant pouffée, & étant montée en épi, l'yvraye commença auffi à paroître. Alors les ferviteurs du pere de famille lui vinrent dire: Seigneur, n'avez-vous pas femé de bon grain dans votre champ? D'où vient donc qu'il y a de l'yvraye? il leur répondit: C'est mon ennemi qui l'y a femé. Ses ferviteurs lui dirent : Voulez-vous que nous aillions l'arracher? Non, leur réponditil, de peur que cueillant l'yvraye, vous ne déraciniez on même tems le bon grain. Laiffez croûre l'un & l'autre jufqu'à la moiffon, & au tems de la moiffon je dirai aux moiffonneurs: Cueillez premiérement l'yvraye, & liez-la en botte pour la brûler; mais amaflez le bled dans mon grenier.

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