Page images
PDF
EPUB

de n'occuper que les dernieres places? c'eft, dit faint Grégoire, que s'ils ne font jamais tombés dans de grands péchés, auffi ils ne témoignent pas un grand défir du ciel ; ils croyent pouvoir user d'autant plus librement des chofes permifes, qu'ils n'ont jamais rien commis d'illicite; ils vivent dans la négligence & une fausse fécurité, fous prétexe qu'ils n'ont pas commis de crimes énormes. Pourquoi ceux au contraire qui ont commis de grands péchés arrivent-ils à un haut dégré de gloire ? c'eft qu'ils conçoivent une vive douleur, ils font touchés d'une grande componition qui allume dans leur cœur un ardent amour de Dieu, ils embraffent la pratique des plus éminentes vertus, ils fe foumettent aux plus difficiles combats de la vie chrétienne, ils renoncent au monde, ils fuyent les hommes, ils font pleins de géle & de ferveur ; & cette ferveur eft ce que Dieu confidére & non le tems du travail ce qui fait dire au Sage que ce qui rend la vieilleffe vénérable n'eft pas la longueur de la vie ni le nombre des années, mais la prudence qui tient lieu de cheveux blancs, & la vie fans tache qui eft une heureufe vieillesse; fenectus venerabilis eft non diuturna neque annorum numero computata, cani autem funt fenfus hominis & atas fenectutis vita immaculata. (q) Vous pouvez donc, pauvres pécheurs, qui avez vieillis dans les défordres de votre jeuneffe, vous pouvez par votre ferveur remplir le vuide de votre vie, & fournir la carriere de longues années dans la piété, quoique vous y ayez peu vêcu: c'est le faint Efprit qui vous le dit encore; confummatus in brevi explevit tempora multa. Nous pouvons tous employer le peu de jours qui nous reftent à vivre fur la terre à combattre nos paffions, à expier nos

(q) Sap. 4.

[ocr errors]

péchés, à acquérir les vertus de notre état, à croître en grace & en mérite devant Dieu, & à gagner le ciel; par un court moment de travail nous pouvons mériter un bonheur éternel. Ah! dit faint Auguftin, ne négligez donc pas de travailler pendant ce tems, afin de vous réjouir pendant l'éternité; noli piger effe laborare breviter & gaudere inceffanter. Il eft vrai, le travail que l'évangile vous demande eft un travail conftant, un travail fervent, un travail pénible à la nature; mais ce travail finira, & votre récompenfe n'aura point de fin; quod pateris finitur, quod accepturus es, finem non habebit : Autant il y a de difproportion entre le tems & l'éternité, autant il y en a entre votre peine & votre récompense; nolo jam @ques pœnam cum præmio, temporalia aqua aternitati fi potes, Jettez les yeux fur la couronne qui vous eft préparée, & alors quels travaux feront capables de vous rebuter? si vis fuftinere laborem, attende mercedem.

Non, mon Dieu, rien ne nous coûteroit fi nous connoiffions tout le prix du travail, & tout le mal d'une vie oifive, c'eft à vous que nous recourons pour bien comprendre l'un & l'autre : le jour vient, & peut-être n'eft-il pas éloigné, où il faudra rendre compte de tout le tems, de chaque moment de notre vie, de la maniere dont nous l'aurons rempli, d'une feule parole inutile & oifeuse que nous aurons prononcée; ah ! que cette pensée ne s'éloigne jamais de notre efprit; que cette fageffe, Seigneur, qui conduifit le jufte par des voyes droites, & qui lui fit voir votre royaume, nous donne auffi la fcience des Saints, qu'elle nous enrichiffe de nos travaux, & nous en faffe recueillir le fruit pendant l'éternité bienheureufe. Ainfi foit-il.

Fin du premier Volume...

« PreviousContinue »