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rotondité (48 à 55 centimètres), et dans les condi tions et proportions suivantes :

Sur un ordinaire de sept ans, abattre le bois de trois âges, 21 ans ;

Sur un ordinaire de huit ans, abattre le bois de trois àges, 24 ans ;

Sur un ordinaire de neuf ans, abattre le bois de trois âges, 27 ans ;

Sur un ordinaire de dix ans, abattre le bois de trois âges, 30 ans.

Il résulte de ce mode, appelé furetage réglé, que le bûcheron, revenant, tous les 7, 8, 9 et 10 ans, dans la même coupe, y fait disparaître les lances de 24 à 30 ans, et que, dans celles qu'il laisse, une moitié aura de 7 à 10 ans et l'autre moitié de 14 à 20 ans, suivant l'aménagement.

Un ordre de furetage bien réglé est d'un grand produit. Nous connaissons cent vingt arpents en bonne qualité, aménagés à huit ans ou à raison de quinze arpents par an, situés dans les montagnes du Morvan (Nièvre), près d'un ruisseau, qui rendent net, annuellement, de trois à quatre mille francs, autant que même qualité et même quantité aux portes de la capitale.

de

Tout concourt donc à prouver qu'on n'a pas meilleur mode d'exploitation, pour les taillis entièrement en hêtre, que le furetage sur les bases que nous venons d'indiquer.

A l'époque de la révolution, en 1792, et même avant, dans l'intention de supprimer l'usage abusif du jar

dinage que les communes faisaient dans leurs bois, et qui n'était alors qu'un furetage déréglé, on voulut soumettre au régime commun de l'ordonnance de 1669, à l'exemple d'une médecine pour toutes les maladies, les forêts de hêtres des Alpes, des Pyrénées, de l'Aveyron, des Vosges, du Jura et du Morvan, et qu'elles fussent exploitées à tire et aire, comme dans les autres bois de l'État, sans considérer que les bois de hêtre se trouvent généralement sur les montagnes, dans un terrain léger et sablonneux; que cette essence, n'ayant qu'un chevelu et peu de racines profondes, craint l'excessive chaleur et les gros froids, et, par conséquent, a besoin d'abri et d'une exploitation au furetage ou jardinage réglé.

L'administration fut aussitôt avertie, par les cris et l'expérience des voisins, que les bois de hêtre ainsi exploités ne repoussaient plus; elle méprisa ces sages avis d'abord, et fit tous ses efforts pour faire croire qu'il n'y avait qu'à Paris où la science forestière était véritablement connue et qu'en province on était esclave des vieilles routines.

Les conservateurs, inspecteurs, eurent ordre, sur l'avis du mauvais état des coupes de taillis de hêtre par tire et aire, de les faire entourer de treillages ou de haies sèches et ramilles, pour mieux assurer leur végétation. Soins inutiles malgré la surveillance, presque toutes les souches périrent, et celles qui s'étaient comme échappées du naufrage ne donnèrent que quelques rejets faibles et languissants; tandis que les coupes du même temps, qui avaient été ex

ploitées au furetage réglé, dans le voisinage de ces
coupes, par des particuliers, étaient dans le plus bel
état de végétation, et possédaient de jeunes pousses
de taillis de la plus grande beauté, qui contrastaient
de la manière la plus frappante avec les misérables
produits des
coupes à tire et aire, fruits de l'inexpé-
rience des administrations forestières de 1794 à 1804,
où l'abus cessa entièrement. L'administration générale
des forêts, éclairée enfin par la force des choses, fut obli-
gée de revenir, pour les bois de hêtre, aux usages lo-
caux, mais après dix ans d'une exploitation meurtrière.

En administration publique, les abus se détruisent
lentement et, souvent, lorsqu'il y a beaucoup de mal
de fait. Les sentinelles placées pour veiller aux in-
térêts de l'État ne manquent pourtant ni de zèle, ni
de bonne volonté; mais, soit défaut de connaissances
de la
part
de nos agents forestiers, ou soit que ces
agents se trouvent souvent enchaînés par une foule de
réglements bureaucratiques nullement en harmonie
avec la culture des bois, toujours est-il qu'il nous sera
facile de faire connaitre, et en peu de mots, que, pré-
sentement encore, les plus belles forêts de France sont
horriblement aménagées.

Il faut distinguer un furetage d'un jardinage sans ordre, comme en agissaient nos ancêtres, à l'époque où les bois étaient sans valeur, puisqu'ils en permettaient l'accaparement aux seigneurs pour quelques faibles redevances ou réserves en pacages et bois mort. A ces époques, les bois en France étaient presque tous en hautes futaies, et le bois mort était les cha

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blis du temps, qui valaient mieux alors pour les ha bitants des campagnes que le bois vert, dont leurs héritages sont encore garnis au détriment de la culture de leurs céréales; le bois mort suffisait à tous leurs besoins, même au delà.

On avait eu grand tort, à l'administration générale des forêts, de confondre le jardinage déréglé des communes avec un furetage réglé et en bon ordre ; c'est ce qui égara l'administration et la fit tenir si longtemps, malgré tous les conseils salutaires qui lui furent donnés, sur l'exploitation des bois de hêtre à tire et aire.

Les cultures, en général, diffèrent peu sous un climat tempéré comme la France; cependant elles varient suivant la nature du terrain et l'influence du climat. On ne travaille pas la vigne dans la haute Bourgogne comme dans la basse, en Champagne comme en Poitou; un vigneron de Beaune, qui se fixerait dans les environs de Paris pour y cultiver comme dans le Beaunois, serait obligé bientôt de renoncer à sa culture primitive, parce qu'elle ne lui réussirait pas aussi bien qu'au vigneron de Surênes, qui travaille pour la quantité et non la qualité, qui ne fait de vin, au surplus, que lorsqu'il a rassasié tous les ouvriers de la capitale de son raisin à deux sous la livre.

Qu'on pardonne cette digression, qui n'est faite que pour établir qu'en tous pays, en cherchant à bien faire et à introduire des innovations utiles, il ne faut pas mépriser ni trop s'écarter des usages locaux, particulièrement en exploitation de bois.

SECTION III.

CONCLUSIONS SUR LES AMÉNAGEMENTS DE FUtaies.

Avant de terminer nos réflexions sur les aménagements, nous devons dire un dernier mot sur les hautes futaies, qui, nous pouvons l'assurer, ne se trouvent plus aujourd'hui que dans les forêts de l'État, dans celles du roi et dans les contrées où le bois est sans valeur.

Pour se fixer sur un aménagement en futaie, soit pour le continuer, soit pour s'en faire un revenu en le réduisant en taillis, il faut d'abord résoudre la question de savoir si on a plus d'intérêt à aménager un bon fonds de bois en futaie qu'en taillis.

Elle ne peut être douteuse en la considérant sous le rapport intrinsèque de l'intérêt. On connait trop aujourd'hui ce que rapportent 100 francs, en terres ou en rentes, pour croire, un instant, que les futaies se conservent en France; en outre, les fortunes deviennent trop mobiles de nos jours pour espérer longtemps des aménagements à 200 ans ; s'il y en a encore, ce n'est, nous le répétons, que dans les bois de l'État, du roi et des communes, ou dans quelques parcs toutefois il n'y en aura bientôt plus, parce que, en calculant l'intérêt de l'intérêt, les pleines futaies ne rapportent pas un 1/2 pour 0/0; enfin il est bien certain qu'on ne peut en tirer autant de profit que d'un taillis, même sans y comprendre le dépérissement presque entier du fonds après une coupe de 150 à 200 ans d'âge.

Il est, néanmoins, dans l'intérêt de l'État d'en con

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