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parc de Vincennes, est une illusion complète qui ne peut certainement pas entrer dans la tète du plus simple garde.

Toutefois, pour arriver à ce but, il faudrait premièrement commencer par changer tout à fait le sol en y envoyant, et pendant plusieurs siècles, tous les fumiers, gravois de décharge et boues de Paris; autrement on s'exposera à de fâcheux mécomptes, qui ne tarderaient pas à se faire connaître.

Un jeune taillis fraichement nettoyé est fort joli, il est vrai, et se prête à favoriser de trompeuses espérances; mais, après deux ou trois éclaircies, les superficies d'un terrain aride et sans profondeur se couronneront ou tomberont en paralysie; le fonds, en outre, sera anéanti et, calcul fait du produit des coupes, elles n'auront pas rendu un demi pour cent par an à la liste civile. (Voir notre article sur le produit d'une futaie de 200 ans, p. 18.)

CHAPITRE VII.

MARTELAGES.

Avant d'entrer dans le détail du martelage des bois, nous croyons devoir prévenir encore les propriétaires que, pour atteindre le plus de perfection possible dans l'exploitation et en même temps dans l'amélioration du fonds, ils doivent eux-mêmes faire couper leurs bois, ainsi que le font presque tous les propriétaires du haut Morvan. (Voir ce que nous en disons à l'article Aménagements, page 208.) Un marchand à qui l'on vend une coupe à un très-haut prix, et quelquefois, à cause de la concurrence, au-dessus de sa valeur réelle, promène indistinctement sa hache destructive et cherche à rétablir ses intérêts dans tout ce qui est à sà disposition. Le garde, nous ne saurions trop le répéter, n'est pas toujours à l'abri de toute séduction, de petits cadeaux et de certaines prévenances; et ce sont les réserves et le fonds du bois qui en souffrent d'autant plus que le marchand n'a aucun intérêt à la régénération de la coupe à venir. Nous conseillons donc l'exploitation par des gardes régisseurs (à 50 fr. par mois), qui exploiteront et vendront les produits de chaque coupe.

Lorsque les marchandises seront casées avec ordre sur les routes ou chemins, on en fera l'inventaire avec le propriétaire, et, en son absence, avec le notaire, ou bien même avec le curé du village ou le maire, ainsi que nous l'avons conseillé, et dont on reconnaîtrait les soins par un cadeau en bois ou par d'autres services de bon voisinage. On pourra alors être tranquille; ce sera pour le garde exploitant un dépôt de fonds dont il aura à rendre compte, comme un caissier est responsable des deniers qui lui sont confiés. Nous avons cru devoir nous répéter sur l'avantage de couper les bois par ses mains et entrer préalablement dans les détails ci-dessus, pour mieux faire comprendre l'importance du choix des réserves, particulièrement en jeunes brins de semis appelés volières.

Dès qu'un bois est destiné à être coupé, il faut se håter d'en marquer les réserves, surtout en baliveaux, c'est-à-dire en brins de l'âge du bois. Dans les contrées où l'on n'abat la vieille écorce qu'après le taillis, il convient de ne s'occuper du martelage des anciennes réserves qu'après l'abatage du jeune bois, afin d'être plus à même de choisir les plus beaux arbres; mais, selon nous, il y a plus d'avantage à marquer tout à la fois, pour ne faire qu'une seule et même coupe.

Un propriétaire qui exploite ses bois par lui-même peut faire ses réserves journellement et au fur et à mesure que le bûcheron s'avance et nettoie le bois de ce qu'on appelle les dessous; néanmoins un martelage provisoire, à l'ocre rouge delayée dans l'huile, ainsi que

l'indique Buffon, dans son ouvrage des Expériences sur les végétaux, t. X, p. 209, serait une bonne précaution pour sauver de la rapacité ou de la négligence du bûcheron les plus belles lances des taillis; car il arrive parfois qu'il les coupe par cupidité ou parce qu'elles gènent ses travaux. Ce mode de martelage à l'ocre très en usage maintenant est on ne peut plus commode et profitable au propriétaire qui exploite par ses mains, parce qu'il ne fait pas plaie sur les arbres et qu'il est suffisant pour désigner ses réserves et les faire respecter.

Le martelage à la hache avec empreinte n'est pas sans inconvénient, lorsqu'un coup de marteau est donné sans précaution et à la hâte, comme cela arrive presque toujours, notamment quand le marchand de bois alimente le zèle des marteleurs par quelques bouteilles de vin largement versé, pour lui choisir les plus minces réserves: alors ceux-ci se servent lourdement du marteau, qui souvent s'introduit, même sans mauvaise intention, au delà du premier épiderme de l'arbre, surtout dans une jeune lance, et y forme presque toujours un cautère ou abreuvoir que l'écorce, il est vrai, recouvre en peu d'années, mais qui fait plaie cependant, et, après un siècle et plus de végétation, on est surpris de trouver, en équarrissant l'arbre, une carie de 6 ou 8 pieds à partir de son tronc. En un mot, dans sa plus belle partie : on est alors forcé de le mettre au rebut, parce qu'il est impropre à être livré à la marine ou à tout autre service qui exige des bois sains. Nous conviendrons que, lorsque les bois

doivent être vendus en superficie et livrés à un exploitant, il faut, de nécessité, frapper les réserves du marteau du propriétaire, pour en empêcher la disparition. Mais, dans ce cas, on emploie à cet usage un marteau ayant le moins de lettres ou armoiries possible. En quinze lignes carrées, même un pouce, on aura une empreinte facile à reconnaître au récolement. On a vu, lorsqu'on faisait abattre des arbres de 100 ans et plus, au premier ou deuxième coup de cognée mettre à jour des empreintes en croix de Malte ou autres, de 9 lignes seulement, aussi fraiches et visibles que si elles avaient été frappées de la veille, et c'est ce qui nous est arrivé à nousmême, en 1834, sur la propriété de Hautefeuille (Yonne), appartenant à M. le premier président Séguier.

Après avoir donné la préférence à une empreinte simple et peu compliquée, nous dirons encore qu'il est convenable de la renfermer plutôt dans un rond que dans un ovale ou dans un carré.

Pour l'essence et la quantité des réserves, se régler d'après les âges, la nature du sol, le besoin plus ou moins grand de garnir les coupes, afin de les régénérer par les réensemencements naturels. Les qualités recherchées dans les localités doivent aussi servir de guide, pourvu qu'elles ne puissent nuire à la reproduction des taillis. Enfin dans un martelage bien entendu on doit donner toujours la préférence aux brins de semence, qui sont généralement mieux venants et plus durables que les rejets.

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