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Tout propriétaire soigneux de ses bois marquera de toutes espèces, et non pas exclusivement en chêne, comme cela se fait ordinairement, au mépris des premiers principes de la culture forestière. Le bois blanc, par exemple, n'empêche pas un chêne de bien venir, parce que, comme nous l'avons dit, le bois blanc ne vit qu'à la superficie de la terre. D'un autre côté, les bois blancs sont importants comme garniture; ils poussent plus rapidement que les bois durs, les abritent, entretiennent près d'eux la fraîcheur et les humectent, en quelque sorte, de la rosée dont leurs larges feuilles se couvrent en plus grande quantité, et par là activent leur végétation; enfin ils protégent les réensemencements naturels. Il n'y a pas, en définitive,une essence, quelle qu'elle soit, qui n'ait une qualité réelle. On doit donc veiller spécialement à ce que les réserves soient espacées largement et avec intelligence. C'est en cette considération, notamment, qu'il faut réserver de tous bois, même l'érable et le buis, quand ils sont placés où il faut un baliveau. Cependant il convient de s'attacher aussi à fixer les réserves sur les avantages qu'on en pourra retirer; multiplier et préférer celles qui, sans nuire à la régénération de leur essence, seraient d'un débit facile et plus lucratif, mais toujours en soignant l'espacement avec la plus grande attention, et comme première condition d'une bonne culture forestière.

Les Allemands, qui sont, en général, fort soigneux dans ce qu'ils font, lorsqu'ils désirent avoir des arbres courbes, propres à la marine, à des bois d'esca

lier, à tout autre emploi industriel qui exige des courbures on fourches, dressent les jeunes brins de taillis avec des fils de fer bridés par des pieux et crochets en bois fichés en terre, ainsi que par des madriers et des coins placés en différents sens entre la tige et les branches de cette façon ils donnent aux arbres les différentes fourches et courbes qu'ils désirent, et ces arbres sont réservés et martelés à chaque coupe avec la plus scrupuleuse attention, jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge fixé pour l'usage auquel ils sont destinés. Quand le fil de fer est corrodé et se brise à la moindre attaque, la courbure est formée.

CHAPITRE VIII.

ÉPOQUES AUXQUELLES ON DOIT COMMENCER LES COUPES DES

BOIS,

ET MODE DE COUPE.

SECTION PREMIÈRE.

La sève est ascendante ou stationnaire, et l'on a, pour les bois, deux sèves bien marquées. La première est celle du printemps; la deuxième est appelée la sève d'août. C'est à la fin de cette dernière qu'il est urgent de mettre de suite la cognée dans les bois, aux premiers jours d'octobre, pour être en pleine exploitation du 15 au 20 du même mois, afin de profiter des derniers beaux jours de l'année et mettre la coupe en bon train pour que les souches puissent se håler et s'aguerrir contre les grands froids. On doit donc, en cette intention, terminer les abatages avant le 15 janvier, sauf à façonner plus tard. A cette époque, cependant, il arrive que, dans quelques contrées et surtout dans les forêts de l'État, de la liste civile surtout, où les ventes se font tardivement, on n'a pas songé encore à s'assurer des ouvriers pour ces opérations; le temps devient alors plus rigoureux, et on remet l'entrée en coupe à la fin de février ou aux premiers jours de mars, qui souvent sont plus funestes aux bois que le mois de janvier.

Si l'hiver se prolonge, comme cela n'arrive que trop, jusqu'à la mi-avril, on fait des efforts pour couper le bois. Il en résulte que la coupe se fait mal et au détriment du fonds; on est quelquefois forcé d'opérer des abatages à la journée jusqu'en mai, lorsque la séve est dans son plus grand mouvement d'ascension. Quand il en est ainsi, toute l'exploitation est régie avec la précipitation et l'impatience de jouir, et il en résulte autant de préjudice pour l'exploitant que pour le propriétaire.

La seve se perd sans profiter au marchand; le taillis qui vient ensuite est faible, et quand la coupe se fait trop tard, que les produits et le fonds du bois n'ont pas le temps de se hâler un peu, les voituriers n'y abondent pas et la vidange en est quelquefois remise à l'année suivante. Alors le taillis est très-dommageable, et tout est perte pour les deux parties. Le fond en souffre cruellement; le bois perd son écorce (environ un cinquième en quantité), plus sa qualité, et la jouissance en est reculée d'un an. Que de chances fâcheuses on peut prévenir avec un peu de prévoyance! En conséquence, nous répéterons et recommanderons toujours à un propriétaire de porter plus de soin à la première pousse de ses bois qu'un jardinier n'en met comparativement à une planche d'épinards ou d'oignons, parce que ce derpeut labourer de nouveau son terrain, si son

nier

semis n'a

pas réussi, ou s'il a été détruit par les vo

latiles; il peut, quinze jours après, avoir tout réparé;

tandis

que dans un bois mal exploité, brouté par

les bestiaux ou écrasé par les voitures, on n'a souvent rien de mieux à faire que de le receper en entier, eût-il deux ans.

Quand la première pousse d'un taillis est brisée par l'exploitation, il se forme ordinairement sur les jeunes brins des calus d'où la séve s'écoule, ce qui les empêche de s'élancer alors leur végétation est divergente; il en résulte qu'ils restent dans un état de langueur jusqu'à leur coupe et se ressentent, pendant vingt ou trente ans, du peu de soin que d'abord on a pris d'eux aussi nous mettrons au premier rang des devoirs forestiers les soins à donner à la première feuille d'un bois.

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D'après ces diverses considérations, le mieux donc serait de commencer de bonne heure ses coupes, pour finir de même, et suivre, pour l'exploitation des bois, la maxime proverbiale du banquier Samuel Bernard, qui, interrogé par Louis XIV sur la cause de son immense fortune, répondit à ce prince que c'était parce qu'il n'avait pas remis au lendemain ce qu'il pouvait faire la veille,

Un taillis coupé du 15 octobre au 15 janvier, vidé en mars et même au 1er mai, dont les produits auront été transportés sur les chemins du bois ou sur les routes des triages, à trois ans aura la mine d'un taillis de cinq à six ans, et à sa coupe donnera le double ou un tiers au moins de plus en marchandise qu'un autre dont l'exploitation aura été retardée jusqu'en juin, et dont la vidange n'aura pu s'opérer que sur la fin de l'année ou l'année suivante.

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