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suffit, et nous ne sommes point encore à la hauteur de ces hommes de mérite pour discuter sur ces distinctions infinies.

Nous dirons donc simplement que nous ne connaissons pour nos forêts que trois espèces :

1o Le chêne vert ou yeuse à feuilles persistantes, en latin ilex, qu'on ne trouve qu'en Provence, en Gascogne, dans les Pyrénées, en Saintonge et en Corse; conservant ses feuilles toute l'année comme le laurier-sauce.

2o Le chêne-liége (quercus suber), qui ne diffère du chêne vert que par son écorce épaisse, tendre et élastique, arbre des provinces méridionales; aussi on n'en voit en France que dans celles que nous avons citées plus haut.

:

Ces deux espèces viennent rarement assez grosses et assez longues pour donner de belles pièces de charpente ou de marine en conséquence, nous ne les mentionnons ici qu'à titre de renseignements. 3o La troisième espèce, connue sous la dénomination latine de quercus cum longo pediculo, est le chêne femelle à racines pivotantes et muni de branches légères et élancées, quand il est en plein bois ; il est connu dans beaucoup de localités, sous la désignation de chêne franc ou blanc, qui perd ses feuilles en automne, porte un fruit pendant à longues queues, une écorce argentine unie et bien moins épaisse que celle du chêne rouvre, semblable enfin au white oak d'Amérique, qui se divise en trois variétés.

Cette espèce se fend très-bien; c'est d'elle que l'on

tire particulièrement les bois pour la marine et la belle menuiserie ainsi que la boissellerie, le merrain et la latte; elle est très-vivace et vient admirablement dans les terres riches de fonds et à prairies.

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La première variété du chêne blanc est le chêne mâle ou rouvre à glands sessiles, quercus robur, désigné sous ces titres et sous celui de derlin ou durlin ou chêne cerris ou rouge suivant les localités, à écorce grise et raboteuse, dont le premier épiderme est d'un rouge cerise, plus épais et mieux nourri que celui du chène blanc, et bien plus avantageux pour produit et la qualité de l'écorce; portant ses fruits sur de courts pédoncules et par petits paquets. Son tronc est gros, et, quand il n'est pas environné d'autres arbres, il a beaucoup de dispositions à produire quantité de branches, qui s'étendent horizontalement; dans ce cas, il s'élève peu ; cependant, lorsqu'il est dans un massif et en bon terrain, il produit de belles et grandes pièces.

Comme le chêne blanc, il est très-propre aux constructions maritimes de premier ordre; il est même plus recherché par les constructeurs de navires.

Son bois est haut en couleur, particulièrement quand il est abattu de février à avril; il est dur et de bonne qualité, mais quelquefois rebours et les fibres un peu torses, d'un cinquième plus pesant que le pédonculé; enfin, bien plus sujet à la vermoulure et moins propre à la menuiserie que le chêne franc : cette variété est probablement le quercus latifolia mas quæ brevi pediculo est.

La seconde variété est le chêne gravier à écorce

dure et grossière : c'est un bois de coteau, trapu, qui s'élève peu, pousse beaucoup de rameaux qui s'étendent horizontalement et quelquefois jusque rez terre, mais de très-bonne qualité pour brûler et faire du charbon; les terrains où il se trouve sont généralement arides, au point qu'il produit rarement des pièces propres à la fente et à la charpente.

La troisième variété est le chêne noir, la plus mauvaise des trois. Ce chêne est très-branchu, rabougri, poussant des branches en grande quantité, tendant à s'écarter et à ramper sur terre; les feuilles en sont d'un vert blanchâtre, parce qu'elles sont ordinairement chargées d'un long duvet, surtout quand elles sont jeunes, alors elles paraissent bordées d'une teinte de couleur rose; ces feuilles sont allongées et fort échancrées, on les voit rassemblées par bouquets.

Le bois de cette variété est un avorton qui ne vient que sur un sol humide et aride, il est très-brun, d'une couleur de bois gâté, ce qui fait qu'on l'appelle chêne noir; son aubier cependant est blanc et fort épais, et quelquefois il est pourvu d'un double aubier.

Le bois en est très-dur et pesant, mais sujet à être rebours; il produit rarement des pièces d'une grosseur un peu considérable, surtout quand il est entièrement dépouillé de son aubier. Ce rachitique est le quercus foliis molli lanugine pubescentibus.

Nous pensons, au surplus, que l'écorce du chène, plus ou moins blanche ou grise, plus ou moins épaisse ou grossière, ridée ou chargée de mousse,

enfin que les trois variétés que nous venons de décrire et toutes les diverses nuances quelque fortes et prononcées qu'elles puissent être, ne désignent point des espèces différentes. Ce sont des variétés provenant uniquement du terrain, de l'exposition et de l'âge.

Dans les Pyrénées, l'Aquitaine, l'Anjou et le Maine, on voit le chêne pyramidal et le chêne toza ou tauzin.

Le premier est admirable par sa grande élévation, le second très-propre à l'écorce pour la tannerie et également d'une très-belle végétation; nous attribuons, nous le répétons, ces variétés aux positions et au climat, et nous ne les considérons pas comme des espèces particulières.

Linnée, en résumé, qui fait autorité en botanique, a réduit, et avec raison, la famille des chênes à trois espèces le chêne blanc, que nous admettons pour type des chênes forestiers; les chênes verts et les chênes-liége. Nous sommes parfaitement d'accord avec ce savant, et, à l'exception de ces deux dernières espèces bien marquées, nous répétons de nouveau que nous ne reconnaissons pour espèce mère, dans nos forêts, que le chêne blanc ou femelle : nous avons tellement, cette idée que nous sommes convaincu qu'un gland de chêne durlin, grisâtre, rouge ou noir, même d'un gravier bien prononcé et à gland rabougri, semé dans une bonne terre propre au chêne blanc, changerait de nature à ne plus reconnaître la variété, même à la première génération.

CULTURE.

Pour le chêne comme pour les autres arbres, nous engageons les propriétaires qui veulent planter à faire, par avance, des pépinières. Cependant beaucoup de forestiers prétendent qu'il convient mieux de cultiver le chêne par des semis plutôt que par des plantations (et nous en conviendrons avec eux); mais, dans un semis que d'ennemis à combattre, indépendamment, du corbeau, du mulot et de mille insectes rongeurs qui sont friands de glands, châtaignes et faînes !

Rien de plus simple que l'intelligence d'un semis ou d'une plantation; toutefois, pour y réussir, il faut encore en avoir l'expérience et y mettre du soin (voir notre article Pépinière).

M. de Perthuis, page 39, annonce qu'il faut que le chêne à planter soit sans pivot; il ajoute qu'il a reconnu que, sur cent plantés avec pivots, la moitié reprend à peine. Nous le concevons, mais ce n'est pas une raison pour ne pas planter un chêne avec son pivot: s'il prend, il aidera puissamment à la végéta– tion de la tige; s'il meurt, il ne lui nuira pas. Quand il est trop fort, qu'on le coupe ou qu'on ne le coupe pas, il mourra toujours; et, s'il réussit, ce ne sera que fort rarement. Nous pensons, au surplus, que le mieux est, pour s'assurer du succès d'une plantation en chêne, de ne la former qu'en plant d'un an provenant particulièrement d'un terrain sablonneux ›u très-léger, ou qu'on peut arracher sans perte, c'est-dire sans altérer son pivot. Ce plant pourra avoir

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