Page images
PDF
EPUB

où il n'y en a pas, et à faire surtout parade de leur amour pour l'administration des bois qu'ils exploitent: c'est un rôle qu'ils parviennent souvent à jouer, non sans quelque succès, en prétendant hautement que nos forêts ne peuvent être mieux exploitées que par eux ou leurs facteurs; comme nous avons la conviction du contraire, et que c'est en outre contre la nature des choses, nous croyons utile d'en avertir nos lecteurs, et nous ajouterons même que nous plaignons sincèrement les personnes qui ne voient leurs propriétés que par les yeux de ceux qui en achètent les produits, et qui, par conséquent, s'ingénuent pour leur destruction; nous serons facilement compris en rappelant ce vieil adage forestier, qui dit que de confier la coupe de ses bois à celui qui en fait l'acquisition, c'est donner ses brebis à garder au loup. La culture et l'exploitation des bois procurent, au surplus, des jouissances continuelles, sans donner aucun souci, quand toutefois on a un garde actif et surveillant. M. Delamarre, dans son ouvrage sur la création d'une richesse millionnaire, a dit, page 217, que c'est une école de bonnes habitudes, de mœurs douces et de bons sentiments.

C'est pourquoi nous voulons que tous les propriétaires de bois fassent leurs coupes par eux-mêmes ou par leurs gardes (*), en ayant soin d'éloigner les intermédiaires intéressés à un produit quelconque, devant exclusivement tourner à leur profit.

(*) Se procurer un garde exploitant; voir ce que nous disons, article des devoirs des agents forestiers, page 339. Ier volume.

Dans cette vue, pour prévenir les dilapidations et toute espèce de contrariétés d'exploitation; en un mot, pour que les propriétaires soient maîtres sur leur terrain, nous leur conseillons donc, comme la meilleure opération forestière, de ne vendre les superficies de bois que lorsqu'elles sont exploitées, mises en bon ordre et comptées sur les routes, chemins, places vides du bois, en chantiers, sur les ports des ruisseaux ou rivières flottables.

Pour en procurer tous les moyens aux propriétaires exploitants et même avec plus de succès que les marchands, qui, en leur qualité de nomades, ne sont pas aussi favorablement placés et ne peuvent, par conséquent, obtenir aussi facilement qu'eux de rabais sur les façons, ni commander aux ouvriers avec autant d'avantage, et ne sont pas, au surplus, en position d'apprécier aussi bien les besoins de la localité, ni de se fixer sur le choix des acquéreurs de leurs marchandises; enfin, pour qu'on puisse éviter les écueils que l'on redoute dans une exploitation de bois, nous ne craindrons dussions-nous un peu fatiguer nos lecteurs, de multiplier les exemples et les instructions, dans l’intention que les propriétaires se rendent à nos conseils et se mettent notamment à l'abri des abus infinis que l'on est forcé de tolérer dans les coupes faites par le commerce: car, pour avoir un fagot de plus, de misérable valeur de 10 centimes, les marchands

n'hésiteront

pas,

pas à causer pour 100 francs de préjudice au sol forestier, quand ils n'en sont pas responsables; nous allons donner la preuve de cette

assertion, qui, aux yeux de beaucoup de personnes,

sen biera exagere.

La fagot peut contenir 150 tiges ou brins bien viis, venus sur souches ou de semis, sans valeur iors de la coupe, et qui, à la révolution suivante 20 cu 30 ans après), donneraient à la superficie une plus-value de 100 francs par arpent, sans avoir fait Hun fort au fond. Eh bien! le marchand rase impitoyablement tout ce qui n'est pas frappé du marteau da proprietaire; c'est à l'occasion de ces brins qu'il fandrait un peu de discernement ou moins d'avidité, aîn de les réserver; mais comment marquer de jeunes plants d'une grosseur moindre que celle d'un pouce 27 mil. ? Il n'y a done que le propriétaire qui puisse efficacement conserver les jeunes lances appelées voEres, qui forment la beauté et la richesse des taillis par leur avenir. En definitive, ces soins à donner plus ou moins aux exploitations de bois, et cette rivalité d'intérêt entre le propriétaire et le marchand, proviennent de la position des parties.

Le propriétaire vend ses superficies-le plus cher qu'il peut; le marchand, pour y trouver du bénéfice ou amoindrir les pertes d'un mauvais marché, coupe et taille autant que cela lui est possible, et arracherait la dernière racine du bois qu'il a acquis, s'il pouvait se le permettre sans danger : cela arrive tous les jours, et arrivera toujours, malgré toutes les ordon

nances, tous les codes.

Propriétaires qui désirez la conservation et l'amé

lioration de vos bois, mettez-vous en

position de faire

couper vos superficies par vos gardes; nous ne saurions trop vous y engager, et rien n'est plus facile, nous vous le garantissons. Ne vous effrayez pas notamment de ce que cet avis salutaire peut exiger de soins; avec de la volonté, du courage, et spécialement de la persévérance, ces soins finiront par devenir des jouissanees vous trouverez, nous nous en flattons, dans nos instructions, la solution prompte et efficace de toutes les difficultés qui se présenteront au début de vos exploitations; et vous remarquerez surtout l'attention que nous avons eue, afin de vous ôter l'ennui de toutes recherches et calculs en réunissant ici jusqu'à cinq tarifs très-abréviatifs et à la portéc de ceux qui ont le moins de connaissance du cubage des bois en grume et équarris; même la célèbre Ordonnance de 1669, suivie du Code forestier: nous préviendrons, toutefois, que ce code, qui a remplacé l'ordonnance de 1669, est encore bien imparfait; il aura besoin surtout d'être revisé par des hommes d'une expérience éclairée, pour être mis plus en

harmonic avec

nos usages, nos mœurs et notre

régime constitutionnel.

L'ordonnance de 1669 était excellente pour le temps où elle a été conçue, mais ses bases ne conviennent plus de nos jours, parce qu'elles sont empreintes d'un esprit de féodalité, dont nos législateurs auraient dù s'éloigner beaucoup plus qu'ils ne l'ont fait; ce qu'il y a de certain et de reconnu dans le commerce aujourd'hui, c'est quepas un marchand de bois ne pourrait tenir à l'exécution rigoureuse des lois forestières actuelles, non

plus que les usagers et autres ayant droit aux bois gouvernés par l'administration générale des forêts; pour marcher avec elles, il faut constamment éluder, admettre sans cesse des circonstances atténuantes ou fermer les yeux sur des délits qu'on hésite à réprimer, parce que les amendes et les emprisonnements sont souvent inexécutables, ils perdraient ceux qui s'en rendent coupables journellement : le temps amènera bientôt, nous l'espérons, un changement dans la législation forestière; qu'il nous soit permis, à nous qui voyons les intérêts de tous, qui sommes comme une sentinelle avancée sur le sol forestier, d'exprimer ici ce vœu, quoique s'écartant un peu de notre sujet; mais seulement, afin de prouver que nous ne nėgligeons rien pour arriver à compléter une bonne et avantageuse administration forestière.

SECTION PREMIÈRE.

SUR LES MOYENS D'EXPLOITER LES BOIS, SANS L'INTERMÉDIAIRE D'UN MARCHAND ET D'EN TIRER TOUT LE

PRODUIT POSSIBLE.

Nous avons indiqué dans notre premier volume, page 250, l'époque la plus favorable pour commencer les coupes de bois; ici, nous n'avons qu'à présenter le tableau des diverses natures de marchandises, qu'une superficie de bois peut produire; nous ne pouvons cependant donner des bases d'une exactitude parfaite sur son rapport, attendu qu'elles varient en raison de la qualité du fond, des localités, de l'âge et du débit.

« PreviousContinue »