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achève l'autre pour le complément du train, le conducteur la rend aux Gords, ainsi que nous l'avons déjà dit, près Châtel-Censoir (Yonne), au-dessous des cinq premiers pertuis de la rivière d'Yonne, à quatre lieues de Clamecy, entre Lucy et ChâtelCensoir, très-près de ce dernier endroit.

La seconde rendue également à cette destination, on les met au bout l'une de l'autre pour former le train qui va jusqu'à Régennes, 3 lieues 1/4 par eau au-dessous d'Auxerre, où il se couple avec un autre train, et c'est alors un double train ou couplage.

Le couplage formé, on renvoie les jeunes compagnons chez eux ; alors la tête et la queue se trouvent dirigées sur une rivière plus profonde et plus large par deux hommes forts.

Le couplage se compose de deux trains placés en double, sauf que la tête de l'un est avancée de la longueur d'un coupon de celle de l'autre, pour faciliter la manœuvre du perchage ou boutage.

La tête menant la queue, on y place, en qualité de conducteur en chef, le plus agile, quoiqu'il ait plus de soucis et de peines à endurer; comme c'est un honneur en navigation, il ne refuse jamais.

Lorsqu'il y a deux hommes de forces égales dont l'un est jeune et habile, l'autre âgé et plus expérimenté, c'est le jeune homme qui dirige la tête, comme plus leste et plus propre à exécuter les manœuvres indiquées par l'homme d'expérience qui reste derrière à l'instar du pilote, et voit mieux dans cette position la direction du train.

Sur l'Yonne chaque couplage' est ainsi conduit, par ses éclusées, jusqu'à Montereau, de même ceux de la Cure et de l'Armançon par les eaux de ces deux dernières rivières qui affluent à l'Yonne. L'Yonne se jette dans la Seine, audit lieu de Montereau; alors il n'est plus besoin des éclusées pour rendre les trains à Paris, parce que ce fleuve est toujours assez profond pour leur navigation; les trains, dans les basses eaux, n'étant flottés, au surplus, qu'à 14 ou 16 pouces (36 à 40 cent.), peuvent y couler sans leur secours; néanmoins elles aident encore jusqu'à Paris, une bonne éclusée des quatre rivières (*) donnant en Seine de 4 à 5 pouces d'eau (15 cent.).

Lorsque l'eau est favorable en mars, avril et mai, on fait quelquefois jusqu'à deux éclusées par jour pour l'écoulage des parts, mais régulièrement tous les dimanches et mercredis pour le coche d'Auxerre arrivant à Paris les jeudi et samedi de chaque semaine, et à des heures tellement bien combinées pour les agents de flottage, que ces deux navigations s'en servent, mutuellement, sans se gêner ni l'une ni l'autre.

Les éclusées des deux rivières de l'Yonne et de la Cure se réunissent, également, à une heure donnée, et au confluent de l'Armançon et du canal de Bourgogne à une lieue trois quarts de Joigny en amont; elles forment, également, un ensemble de force et de durée suffisant pour mettre à flot et en marche les

(*) L'Yonne, la Cure, l'Armançon et la Vanne.

bateaux et trains, souvent même assez pour les conduire d'un trait jusqu'à Montereau, sans attendre une seconde éclusée.

L'éclusée, ordinairement, fait ce trajet en 24 heures, à moins de retard ou d'embarras accidentels, et sa durée étant de 4 à 5 heures et plus à partir de Joigny, un train alors peut aisément se rendre en Seine, s'il est en tête de l'éclusée qui le pousse et s'il n'est pas retardé dans sa navigation par des obstacles imprévus.

Les éclusées qui ne sont pas celles du coche d'Auxerre se font à des heures différentes, suivant que la rivière est encombrée de trains et bateaux dans un endroit plus que dans un autre ; le règlement des eaux est fait tous les 15 jours par l'inspecteur général de la navigation à Joigny, concurremment avec les inspecteurs des rivières d'Yonne et Cure, et envoyé immédiatement à tous les agents du commerce des bois et éclusiers. Ces ordres se renouvellent plus fréquemment lorsque l'état de la rivière et les besoins du commerce le réclament.

Lorsque les eaux sont rares, les éclusées sont plus éloignées les unes des autres; on n'en fait que tous les 8 ou 10 jours pour les avoir plus fortes, afin de chasser jusqu'en Seine plusieurs centaines de trains fatigués et lourds, amoncelés et retenus sur les bassiers ou graviers de l'Yonne; cet amoncellement a lieu assez ordinairement, parce que de faibles éclusées mal dirigées n'ont pu porter tous les trains engravés en pleine rivière, quoiqu'on y ait employé quelquefois 40

à 50 chevaux à les tirer par part, et souvent même par coupon comme des pièces de charpente qu'on sort de l'eau, particulièrement des goulettes formées avec des trains condamnés à être retirés.

Pour que les trains puissent marcher, il faut que l'éclusée complète au moins 22 pouces d'eau (66 centimètres).

C'est dans ces moments de pénurie que les marchands et les entrepreneurs de flottage, à l'instar du marin en danger, invoquent l'intercession de saint Nicolas, patron des flotteurs, et appellent à leur secours les grands réservoirs dont nous avons parlé pages 273 et 274. On épuise alors tous les ruisseaux affluant à l'Yonne; on va même faire lever les vannes et pelles des moulins jusqu'à 8 lieues au-dessus des ports flottables, et, quelquefois, il faut le concours de la darmerie pour veiller à ce que les meuniers donnent jusqu'à leur dernière goutte et ne ferment pas trop tôt leurs vannages.

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En 1318, si le flottage sur l'Yonne eût existé, on n'aurait pu flotter un seul train; l'année fut onze mois sans pluie!..... A la suite de ce fléau, on éprouva la famine et la fameuse peste noire.

L'Yonne et la Seine, si importantes pour l'approvisionnement de Paris, arrangées en cinq ou six endroits seulement et alimentées par les grands réservoirs précédemment indiqués, ou par des barrages mobiles, navigueraient facilement par les eaux les plus basses; c'est ce que nos enfants verront, nous n'en doutons pas, et ce qui conviendrait mieux, ce nous

semble, que de prendre l'eau à certaines contrées, quand elle leur est plus précieuse que le vin ; d'autant que, si on employait à édifier ces réservoirs l'argent qu'on dépense en cinq ou six ans seulement sur l'Yonne, en achat d'eau, en inutiles réparations, en chevaux pour arracher et déchirer par lambeaux les branches et coupons des trains engravés, on aurait suffisamment des ressources pour rendre la Seine et l'Yonne navigables dans la plus grande reté d'eau.

PRIX DE LA DÉPENSE D'UN TRAIN DE LA RIVIÈRE D'YONNE, RENDU A PARIS.

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