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Dans le nord, et particulièrement en Hollande, on ne fait usage que des scieries à eau, et, à cet égard, nous devons reconnaître les Hollandais comme nos maîtres.

Dans tous les marchés de l'Europe et de l'Amérique même, on recherche les bois dits de Hollande, et cependant le pays n'a plus de forêts depuis une tempête qui amoncela une si grande quantité de sable à l'embouchure du Rhin, que les eaux en furent refoulées au point d'inonder et d'engloutir plusieurs villages et entièrement les forêts de cette contrée ; on trouve encore, sous les eaux, des troncs d'arbres et jusqu'à des chênes entiers dont les cimes sont ostensibles; ils restent comme les témoins de cette grande catastrophe; et, toutefois, quoique sans forêts, les Hollandais sont les premiers marchands de bois de l'Europe, ils nous vendent leurs sciages, à Paris, un tiers de plus que ceux dits de Champagne, ou plutôt des Vosges et de la Haute-Marne, bois de sciage les plus recherchés en France, après celui de Hollande, particulièrement par les menuisiers, et valant, à Paris, un cinquième de moins que le faux Hollande, provenant des forêts de Guise (Aisne).

Les Hollandais conduisent leurs sciages partout où ils en trouvent le débit, même dans les climats où l'on brûle les forêts pour en faire des cendres et s'en débarrasser ; il est vrai que le sciage de Hollande véritable est un bois de luxe pour la menuiserie et l'ébénisterie; les plus beaux meubles en acajou sont presque toujours doublés en chêne de Hollande. Ce qui étonnera nos lecteurs, c'est que ces bois

proviennent de France, notamment des bords de la Meuse, du Rhin et des forêts des Ardennes, de Guise (Aisne), et du Charme en Lorraine; nous leur fournissons donc la matière, mais qu'ils savent parfaitement travailler.

Tout le secret de la beauté et de la qualité de ce bois, qui a la propriété de ne se gercer ni déjeter, consiste spécialement dans son sciage par cartelage et sur maille, et, en termes de bûcheron, sur son droit. On ne prend pour ce mode de sciage, il est vrai, que des arbres séculaires de première qualité, portant au moins 26 pouces de diamètre(704 millimètres), cartelés sur place, c'est-à-dire sciés provisoirement en quatre parties égales, ou convertis en gros madriers convenablement échantillonnés; ces arbres sont ensuite conduits sur les rivières flottables aboutissant aux ateliers de scieries, où ils sont débités avec plus grand soin dans des épaisseurs et dimensions propres à la menuiserie; toutefois ils doivent être purgés de malandres, roulures, nœuds viciés et aubier.

La forêt de Nouvion, près Guise, et les forêts environnant cette riche contrée forestière, produisent ce sciage de luxe, colporté par les Hollandais sous le nom de chêne de Hollande, ainsi que nous venons de le dire, et qui pourrait nous arriver promptement par le canal de Saint-Quentin.

Dans l'espoir qu'on cherchera à imiter l'industrie hollandaise, nous allons essayer de faire comprendre ce genre de sciage.

Pour connaître et apprécier les mailles d'un arbre,

si vous l'examinez abattu hors séve, proprement tronçonné et ensuite cartelé, enfin dont les couches annulaires seraient très-visibles, vous y apercevrez fort distinctement deux sortes de lignes : les unes concentriques, les autres perpendiculaires.

Les premières en marquent plus ou moins régulièrement les années.

Les autres sont les fibres ou veines ressemblant à des fils de trame ou tuyaux aplatis qui servent à la circulation de la séve et qui, en conséquence, ont, de la racine à la cime, des conduits cellulaires appelés mailles.

Ces veines s'ouvrent en séchant, même à y mettre le poing, quand elles sont exposées au contact de la pluie et du chaud, spécialement dans les essences poreuses, comme le hêtre, les bois blancs et le châtaignier.

Les fendeurs ne parviendraient jamais à diviser en feuillets leurs marchandises par parties égales et aussi minces qu'ils le désirent, même à les détacher souvent d'un seul coup, s'ils n'introduisaient pas leur coutre ou fendoir précisément dans la maille et en la suivant jusqu'au bout.

Voyez un fendeur en travail, il place toujours sa bille de bois sur le côté, pour mieux trouver la jointure de la maille; de même un scieur de long doit tracer ses lignes dessus et, autant que possible, dans leur direction.

Fendre sur maille est un usage bien connu, notamment dans la fabrication de la latte et du merrain ; il serait à désirer qu'il le fût aussi bien pour le sciage,

Le bois scié sur maille, après deux ans de coupe, nous le répétons, a le précieux avantage de ne se gercer ni de se déjeter; en outre, ses facettes intérieures, appelées miroirs, sont si brillantes et ses veinures ondulées si variées, qu'on les imite maintenant sur les portes des riches, même dans les plus somptueux salons, particulièrement dans les églises, châteaux, et pour les meubles à la renaissance : naturelles, elles gagnent, comme l'acajou, avec le temps; en peinture, au contraire, elles disparaissent chaque jour, surtout à l'air; il faut donc souvent renouveler cette dépense.

Le sciage sur maille perd un peu plus de bois, nous en conviendrons, en ce qu'il faut que la scie suive sa maille et ne travaille que dans le plein cœur du bois, ce qui occasionne plus de cantiberts ou déchets en dosses et copeaux pour le mettre sur son carré; mais, en suivant le mode Moreau, il y en a très-peu, tout s'utilisant au profit de l'exploitant. (Voir nos 24 et 25.)

Le sciage Moreau, fruit d'une expérience éclairée, consiste, notamment, à diviser en trois, quatre ou six parties un arbre en grume dont la hache aura seulement enlevé très-légèrement l'écorce, pour scier ensuite ces diverses parties dans le sens le plus productif, et sur un tracé fait au compas et à la ligne; par ce mode, beaucoup de planches sont irrégulières, mais on les assortit ensuite, et rien n'est perdu.

Chaque fois qu'on tire d'un arbre en grume des dosses et membrures pour arriver à former des planches, madriers ou chevrons sur leurs carrés, on

appelle ce mode équarrissage à la scie. Toutefois le sciage sur maille et l'équarrissage à la scie ne sont très-avantageux, nous devons le dire encore, que sur les bois d'au moins 6 pieds (1 mètre 949 millimètres) de tour qu'on peut carteler, et dans lesquels quartiers on peut, en outre, tirer des planches à l'usage du commerce; en résumé, avant de clore notre article sur les sciages, qu'il nous soit permis d'exprimer ici notre désir de voir bientôt paraître une scie mécanique à bras pour l'abatage des taillis, au moins des tiges ou lances qu'une cognée ne peut mettre à terre qu'en plusieurs coups; on l'étendrait même aux futaies et gros arbres en multipliant sa puissance; pour nous faire mieux comprendre à cet égard, nous allons essayer de détailler nos idées sur ce nouvel outil; mais, avant toute chose, nous croyons devoir dire que, contre l'opinion vulgaire, nous soutenons qu'un abatage à la scie n'est pas mortel pour les souches; au surplus, rien ne serait plus facile, en cas de doute, qu'un ravalement à la cognée sur toute la couronne du tronc.

Il nous semble qu'un fer de scie, encaissé comme des scies à main de jardinier ou boucher, dans un bois allongé ou circulaire, qui se détacherait à volonté pour le limer ou le changer suivant l'importance de l'abatage, mû par un rouage dont la base serait liée et cramponnée à l'arbre qui en deviendrait le point d'appui, pourrait coucher par terre beaucoup de bois en un jour et à peu de frais, sans perdre autre chose qu'une ligne de bois pour le trait de scie. Le rouage qui donnerait le mouvement à la scie,

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