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septembre 1871 aurait eu pour effet de remettre en vigueur le décret de 1851 (1).

Lorsqu'il résulte des faits de la cause, que l'indigène détenteur de munitions de guerre, ne les a eues en sa possession que parce qu'elles lui auraient été remises par l'autorité française elle-même, à une époque antérieure, alors qu'il commandait un goum, cette circonstance peut être considérée comme équivalant à une autorisation dont le juge a le droit d'apprécier librement les éléments, et peut amener conséquemment le relaxe du prévenu (2).

LE PROCUREUR GÉNÉRAL C. EL HADJ ALI BEN TABET

Considérant que le décret du 12 décembre 1851 a créé un délit particulier, spécial à l'Algérie et à ses indigènes; que ses dispositions sont appliquées concurremment avec celles de la loi du 24 mai 1834, puisqu'elles régissent les uns et les autres des personnes et des cas différents; Considérant que le décret du 4 septembre 1870, né sous l'empire des événements militaires qui affectaient la métropole, n'a eu ni ponr but ni pour effet de porter atteinte à la législation spéciale du décret du 12 décembre 1851; qu'il s'adressait seulement aux habitants non indigènes de l'Algérie et suspendait à leur égard les dispositions de la loi du 24 mai 1834; Considérant en tout cas, que ce décret a été rapporté par la loi du 28 septembre 1871, qui a eu pour but de rétablir la législation antérieure, telle qu'elle existait auparavant; Que par conséquent et en tout cas, cette loi aurait remis en vigueur le décret du 12 décembre 1851, en supposant, contrairement à la réalité, que ce décret eût pu être un instant paralysé par celui de 1870;

Considérant qu'il résulte des documents de la cause que les cartouches saisies entre les mains du prévenu lui avaient été remises et laissées par l'autorité militaire quand, en 1871, il commandait un goum au service de la France; Que ce fait équivaut a une autorisation dont la Cour a le droit d'apprécier librement les éléments; - Que par conséquent c'est à tort que les premiers juges ont, en fait, déclaré le prévenu coupable de détention illégale de munitions de guerre et qu'en droit, ils lui ont appliqué les dispositions de la loi du 24 mai 1834, au lieu de celles du décret du 12 décembre 1851;

Par ces motifs, statuant sur l'appel de Mr le Procureur Général et y faisant droit tant dans l'intérêt de la loi que dans celui du prévenu, réforme le jugement dont appel, renvoie le prévenu de la plainte sans dépens.

M. le prés. BASTIEN, rapp.; M. DE VAULX, subst. du Proc. Gén.;
Me SABATIER (du barreau de Tlemcen), av.

(1) Voir plus bas la note sur l'arrêt rendu dans le même sens le 10 octobre suivant.

(2) Nous ne pouvons que recommander à l'attention cette appréciation en fait qui nous paraît très-rationnelle et très-équitable, de circonstances dans lesquelles un indigène peut se trouver détenteur d'armes ou de munitions de guerre sans qu'il y ait délit de sa part.

COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des appels corr.).

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La loi du 24 mai 1834 est applicable en Algérie, aux indigènes qui sont trouvés détenteurs d'armes de guerre.

La détention de munitions de guerre continue à élre réprimée conformément aux dispositions du décret du 12 décembre 1851 (1).

(1) Il nous semble regrettable que la Cour n'ait pas pris soin de mentionner dans cet arrêt les motifs sur lesquels elle s'est appuyée pour établir cette distinction entre la détention, par des indigènes, d'armes ou de munitions de guerre.

En effet, un décret du 23 septembre 1872 a rendu les dispositions de la loi du 24 mai 1834 exécutoires en Algérie. Or cette loi, dans ses différents articles, ne fait aucune différence entre la détention des armes et la détention des munitions de guerre son titre même l'indique. Sa promulgation en Algérie a donc eu pour conséquence de substituer ses dispositions aux dispositions du décret de 1851, en ce qui concerne la détention des munitions de guerre. Aussi cherchons-nous vainement sur quelles considérations la Cour a pu s'appuyer pour juger que la promulgation sans réserves, en 1872, d'une loi de 1834 relative tout à la fois à la détention et des armes et des munitions de guerre, n'a pas eu pour effet d'abroger les dispositions du décret de 1851, applicable à l'un de ces deux délits.

Le rédacteur du décret de 1851 avait pris soin lui-même d'indiquer, dans l'art. 2,. qu'il n'édictait ces dispositions que par dérogation temporaire à la loi de 1834. La loi de 1834 est remise en vigueur en Algérie: ce sont ses dispositions seules qui nous semblent dorénavant devoir être appliquées dans toutes les matières qu'elle régit, fabrication, distribution et détention d'armes et de munitions de guerre, sans distinction.

L'arrêt du 10 octobre mérite d'autant plus de fixer l'attention qu'il maintient l'application, dans l'espèce, d'un texte que la Cour elle-mê me a plusieurs fois déclaré trop rigoureux. (Voir Narbonne, Rép. Vo Armes, no 8).

La loi de 1834 permet, en effet, l'admission des circonstances atténuantes; le décret de 1851, au contraire, en refuse l'application et édicte une pénalité qui ne peut jamais être inférieure à un mois de prison et 200 francs d'amende.

La Cour, dans différents arrêts, avait exprimé le regret que l'emploi de l'art. 463 du Code pénal, ne pût atténuer la répression de tous les délits que prévoit et réprime le décret de 1851. Si les dispositions de ce dernier texte peuvent encore, il est vrai, être appliquées au délit de vente aux indigènes ou d'achat par eux de munitions de guerre, le décret de promulgation du 23 septembre 1872 a, selon nous et en ce qui concerne le délit de détention de munitions, donné indirectement satisfaction au désir général que la Cour exprimait, en remplaçant les prescriptions trop sévères des art. 4 et 2 du décret de 1851, par les dispositions plus indulgentes de la loi de 1834.

Nous croyons donc pouvoir regretter que la Cour n'ait point indiqué les considérations qui, dans l'espèce, l'ont déterminée à s'écarter d'une doctrine qui réalise les vœux justement renouvelés par elle. A. H.

Proc. Gén. c. SI SLIMAN OULD MOHAMED

Attendu que si c'est avec raison que les premiers juges ont fait au prévenu l'application des articles 2 et 3 de la loi du 24 mai 1834, en ce qui touche la détention d'un mousqueton d'artillerie, c'est à tort qu'ils ont visé les mêmes articles pour la détention de la poudre, des cartouches, des capsules, des pierres à fusil et des balles trouvées et saisies dans son domicile; - Que cette détention de munitions de guerre est spécialement prévue et réprimée en Algérie par les articles 4, 1 et 2 du décret du 12 décembre 1851; - Qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit à l'appel du ministère public, d'infirmer la décision dont est appel et de faire au prévenu l'application des articles du décret sus-vísé.

Par ces motifs: LA COUR, infirme le jugement dont est appel. Et statuant à nouveau, déclare Si Sliman Ould Mohamed atteint et convaincu du délit de détention illicite d'une arme et des munitions de guerre ci-dessus spécifiées. Et lui faisant application des articles 4, 1 et 2 du décret du 12 décembre 1851, le condamne à un mois de prison et 200 francs d'amende; le condamne en outre à tous les dépens de première instance et d'appel.

M. DE VAULX, subst. du proc. gén.; M. LAUTH, cons. rapp.;
Me DOUDART DE LA GRÉE, av.

COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des appels corr.).

Présidence de M. TRUAUT, président.

22 novembre 1877.

Jugement par défaut.— Opposition.

Irrégularité. - Absence

de citation primitive.

Lorsqu'un prévenu a formé opposition à un jugement par défaut rendu contre lui, et que sur cette opposition emportant citation à la plus prochaine audience, il a comparu devant ses juges et accepté le débat au fond sans exciper d'aucune nullité de forme, il a ainsi couvert toute nullité de ce genre et il n'est plus recevable à la soulever encore en appel.

Il en est ainsi notamment lorsque le jugement par défaut à été rendu sans qu'il y ait eu aucun exploit de citation préalable (1).

(1) La théorie posée par cette décision nous paraît indiscutable en ce qui concerne les nullités de forme proprement dites, comme par exemple une inobservation de délai, dont la procédure de défaut serait entachée: mais peut-on considérer comme telle l'absence complète de citation première ? — Cette citation n'est-elle pas indispensable pour préciser l'objet, le caractère, les limites de la prévention?

Procureur Général c. Mohamed ben MessAOUD et MOHAmed ben el Har.

En ce qui concerne la demande en nullité de la procédure devant le tribunal correctionnel de Sétif, basée sur l'absence de toute citation en justice. Altendu que si, à la vérité, ce tribunal a statué par défaut le huit octobre dernier contre Mohamed ben El Har alors qu'il n'existe au dossier aucun original de citation, il est certain que par acte du dix-huit du même mois ce prévenu a formé opposition à ce jugement, que sur cet acte emportant citation à la plus prochaine audience, il a comparu devant ses juges et a accepté d'être jugé par eux sans exciper d'aucune nullité de forme; qu'il a ainsi couvert la nullité qu'il invoque devant la Cour et qu'il n'est plus en conséquence recevable à la soulever en appel;

En ce qui concerne le supplément d'information subsidiairement réclamé par lui; Attendu que l'information a été faite hors la présence du prévenu Mohamed ben El Har, qu'il n'a pu en conséquence faire valoir ses moyens de défense, ni établir l'alibi qu'il invoque; qu'il n'a point été confronté avec les témoins qui prétendent l'avoir reconnu dans l'obscurité à la lueur d'un coup de feu; qu'à l'audience même où il a comparu à la suite de son acle d'opposition, aucun débat n'est intervenu, le tribunal s'étant contenté de faire donner lecture de la déposition des témoins; qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à cette partie des conclusions dudit prévenu;

Par ces motifs, La Cour déclare Mohamed ben El Har mal fondé et non recevable dans l'exception de nullité qu'il invoque; dit que par les soins de M. le Conseiller Pinet de Menteyer, à ces fins commis, il sera procédé à un supplément d'informations en ce qui concerne Mohamed ben El Har, relativement à la prévention de vol, et de coups et blessures relevés contre lui; surseoit à statuer en l'état sur l'appel de ce prévenu ainsi que sur celui de Mohamed ben Meçaoud; sur lesquels il sera prononcé ultérieurement par un seul et même arrêt; Réserve les dépens, etc.

M. PINET DE MENTEYER, cons. rapp.; M. de VAULX, subst. du Proc. Gén. ; Me MALLARMÉ, av.

La comparution volontaire sur avertissement de l'art 147 du Code d'instr. crim. n'existe pas en matière correctionnelle : d'autre part la comparution sur opposition a pour effet, suivant les termes de l'art. 187 du Code d'instr. crim. de faire considérer comme non avenu le jugement de défaut. Il en résulte que, si ce jugement disparaît et qu'il n'y ait pas eu de citation introductive d'instance, il n'existe rien dans la cause qui soit de nature à lier le débat. Toute la procédure doit donc être considérée, à notre avis, comme entachée d'une nullité absolue qui peut être opposée en tout état de cause, voire même en appel ou en cassation.

COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des appels musulmans.)

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S'il est vrai que d'après la loi du 26 juillet 1873, l'établissement et la transmission de la propriété en Algérie sont régis par la loi française, et ressorttissent conséquemment à la compétence des tribunaux français, cette règle ne s'applique, en ce qui concerne les immeubles soumis à la loi musulmane, que lorsque les opérations de la commission d'enquête ont eté complètement terminées et que des titres définitifs de propriété ont été délivrés conformément à l'art. 18 de cette loi.

Jusqu'à ce moment, ces immeubles restent soumis aux règles du droit musulman et par suite les cadis sont compétents pour statuer sur les contestations dont ces immeubles seraient l'objet entre indigènes (1):

AMINA et FATHMA C. CHEICKH MOHAMED BEN EL-HADJ MEROUAN. Attendu, il est vrai, que d'après la loi du 26 juillet 1873, l'établissement de la propriété en Algérie, la transmission contractuelle des immeubles et droits immobiliers sont régis par la loi française, mais que ce n'est qu'autant que les opérations de la commission d'enquête auront été complètement terminées et que les titres définitifs auront été délivrés aux propriétaires ; Que ce n'est qu'à cette condition, que d'après l'article 18, les titres délivrés forment le point de départ unique de la propriété à l'exclusion de tous droits antérieurs; Et que ce n'est qu'à partir de la transcription de ces titres que la loi du 23 mars 1855 produira tous ses effets; Que jusqu'à l'accomplissement de toutes ces formalités, les immeubles sont régis par les principes antérieurs qui attribuent à la justice musulmane le pouvoir de vider les contestations entre indigènes ;- Attendu qu'en l'état, la commission d'enquête s'est bornée à procéder aux opérations préliminaires d'enquête ; Qu'aucun titre, ni provisoire ni définitif, n'a été délivré aux parties intéressées; Que dans ces circonstances c'est à tort que le cadi s'est déclaré incompétent; Attendu qu'au fond la cause n'est pas en état; — Que dès lors, il n'y a pas lieu d'évoquer et qu'il convient de renvoyer la cause devant le premier juge;

-

Par ces motifs: La Cour dit que c'est à tort que le premier juge s'est déclaré incompétent; - En conséquence, réforme le jugement dont est appel

(1) Jurisp. conf. Alger, 22 mars 1876 (Robe 1877, p. 172) et Alger, 15 mai 1877 (Bull. Jud. 1877, p. 282 et la note). Voir dans Robe, 1877, p. 265, une dissertation en sens contraire sur cette question.

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