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que,
dans ce cas, il lui paroissoit urgent de convoquer
les forces que la confédération du Rhin étoit obligée de
fournir pour la défense de ses intérêts communs; qu'au
lieu de deux cent mille hommes que, par le traité, la
France devoit fournir, elle en fourniroit trois cent mille;
et que les troupes nécessaires pour compléter ce nom-
bre seroient transportées en poste sur le Rhin. »

Ses dispositions furent bientôt faites. Le 25 septembre il quitta Paris, arriva le 28 à Mayence, et le 8 octobre à Bamberg.

Le 14, il crut devoir instruire l'Europe de ses projets, en écrivant à son sénat à Paris une lettre ostensible, et dans laquelle il disoit :

. Les armées prussiennes, portées au grand complet de guerre, se sont ébranlées de toutes parts, ont dépassé leurs frontières et envahi la Saxe. Notre premier devoir, à cette nouvelle, a été de passer le Rhin nousmêmes, de former nos camps, et de faire entendre le cri de guerre. Il a retenti au cœur de tous nos guerriers. « Tous nos camps sont formés; nous allons marcher contre les armées prussiennes, et repousser la force par la force. Dans une guerre aussi juste, où nous ne prenons les armes que pour nous défendre, , que nous n'avons provoquée par aucun acte, par aucune prétention, et dont il nous seroit impossible d'assigner la vraie cause, nous comptons entièrement sur le secours de Dieu, sur l'appui des lois, et sur l'affection de nos peuples. >>

L'armée ne savoit pas encore pourquoi, ni contre quels ennemis elle alloit se battre. La proclamation suivante l'en instruisit.

1806.

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« Soldats,

« Des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin. Depuis deux mois nous sommes provoqués à outrance. « La même faction qui, à la faveur de nos dissentions intestines, conduisit, il y a quatorze ans, les Prussiens au milieu des plaines de la Champagne, domine dans leurs conseils. Si ce n'est plus Paris qu'ils veulent brûler, c'est la Saxe qu'ils veulent soumettre; ce sont vos lauriers qu'ils veulent flétrir.

« Les insensés! qu'ils sachent qu'il seroit mille fois plus facile de détruire la grande capitale, que de flétrir l'honneur d'un grand peuple. Leurs projets seront confondus. Soldats! il n'est aucun de vous qui veuille retourner en France par un autre chemin que par celui de la gloire. Nous ne devons y rentrer que sous des arcs de triomphe. >>

A ces déclamations qui avoient évidemment pour objet d'insulter le roi et de le porter à des récriminations violentes, l'empereur joignit des outrages directs à la reine, l'une des plus belles femmes de son temps, qui, née avec des sentiments très élevés et un courage au-dessus de son sexe, voyant avec peine son pays soumis à l'influence du cabinet des Tuileries, fit tous ses efforts pour réveiller dans le cœur de son mari les souvenirs du grand Frédéric, et en vint à bout. C'est pourquoi Napoléon, oubliant les égards qu'il devoit à son sexe, à son rang et à lui-même, lui fit adresser des injures grossières par ses journalistes, et la fit représenter dans des caricatures sous la figure d'une nouvelle Armide qui, dans son égarement, mettoit le feu à son propre palais.

Le roi de Prusse fut enfin convaincu qu'il n'y avoit plus d'autre parti à prendre que celui des armes; et dès qu'il eut pris ce parti, il crut devoir le justifier aux yeux de l'Europe par le manifeste suivant, qu'il publia le 9 octobre 1806.

1806.

MANIFESTE DU ROI DE PRUSSE.

« Sa Majesté le roi de Prusse, en prenant les armes Manifeste pour la défense de son peuple, croit nécessaire de faire du roi de connoître à la nation et à l'Europe les motifs qui lui font regarder la guerre comme un devoir.

« La politique françoise a été depuis quinze ans le fléau de l'humanité. Que les dominateurs mal affermis qui,depuis 1792, se sont succédé dans le gouvernement de la France n'aient espéré maintenir leur puissance chancelante qu'en entraînant la nation dans une suite de guerres non interrompues; qu'ils aient cru garantir leur existence politique, en plongeant les autres peuples dans un abyme de malheurs, rien d'étonnant.

« Mais lorsqu'on vit s'établir dans ce pays un gouvernement plus stable, auquel on ne pouvoit pas supposer le même besoin, les amis de la paix conçurent des espérances; et certes, Napoléon, revêtu d'un pouvoir absolu, couvert des lauriers de la victoire, entouré d'états foibles ou d'adversaires terrassés, étoit appelé à jouer un plus beau rôle. Il ne lui restoit plus rien à faire pour la gloire de la France; il pouvoit tout pour sa prospé

rité.

« Nous le disons à regret: le gouvernement françois avoit changé, la politique françoise resta la même. Une ambition insatiable fut toujours son caractère prédomi

Prusse.

1806.

nant. Pour arrivrer à ses fins, elle abusa tour-à-tour de la force des armes et des transactions de la paix. A peine celle d'Amiens fut-elle conclue, que le signal des premières usurpations fut donné. Deux états indépendants, la Hollande et la Suisse, furent forcés d'accepter des constitutions qui en firent des provinces françoises. Le renouvellement de la guerre avec l'Angleterre fut une suite de ces actes arbitraires.

«

des

Cependant la paix ne fut pas interrompue sur le continent; l'empire germanique l'avoit achetée par sacrifices énormes. Ce fut au milieu de cette paix que les troupes françoises envahirent l'électorat d'Hanovre, auquel la guerre entre la France et la Grande-Bretagne devoit être étrangère. Ce fut au milieu de cette paix que les mêmes troupes violèrent l'indépendance du territoire allemand d'une manière plus outrageante encore. Les Allemands n'ont pas vengé la mort du duc d'Enghien; mais jamais le souvenir de ce forfait ne s'effacera parmi eux.

« Le traité de Lunéville garantissoit l'indépendance des républiques d'Italie. En dépit des promesses les plus solennelles, Napoléon plaça sur sa téte la couronne de fer; Gênes fut réuni à la France; Lucques eut le même sort. Le Portugal n'obtint la permission de garder la neutralité qu'au poids de l'or. Ces faits étoient toujours accompagnés d'un système d'injures et d'outrages.

« La Prusse ne pouvoit voir avec indifférence ces vexations. On sait trop ce que la Prusse a fait pour obliger Napoléon. Ce fut la première puissance qui reconnut ce prince. Tout ce que le devoir d'un bon voisin peut commander, la Prusse l'avoit accompli pendant six années consécutives. Il y a plus: la Prusse avoit conservé

tine haute estime pour une nation vaillante qui avoit appris à son tour à estimer la Prusse. Le roi se plaisoit à rendre justice au génie du chef des François. Il ne vouloit pas rompre des liens que la nature des choses et une certaine communauté d'intérêts avoient formés. Le souvenir de ce temps n'existe plus pour Napoléon.

• La Prusse permit l'invasion de l'électorat d'Hanovre; c'est une faute qu'elle se reproche. La Prusse refusa d'entrer dans la quatrième coalition, qui fut si funeste à l'Autriche (1). La Prusse ferma les yeux sur la violation que les François firent de son territoire de Bayreuth le 3 octobre de l'année dernière.... C'est ainsi que se prolongea, pendant plusieurs années, un combat remarquable entre la modération et la bonne foi d'une part, l'insolence et l'abus du pouvoir de l'autre.

« Le roi avoit enfin appris à counoître l'empereur des François; il déclara qu'il se regardoit comme dégagé de toutes les obligations contractées avec lui; il mit ses armées sur pied; mais, se tenant sur la défensive, on sait les désagréments que son inaction lui attira de la part de l'Angleterre.

« La France n'y gagna rien; mais elle triomphoit en secret de l'idée d'avoir brouillé deux cours, dont l'accord pouvoit lui devenir funeste.

« De nouveaux griefs ont mis le comble à l'insolence des François et poussé à bout la patience du roi.

« La base du traité de Presbourg étoit le statu quo du moment de la signature, et par conséquent, la garantie de l'empire germanique constitué comme il

(1) L'auteur du manifeste auroit pu ajouter ici; C'est une seconde faute; et une troisième faute se trouve avouée dans la phrase sui

vante.

1806.

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