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portèrent, avec l'appareil d'une force imposante, un esprit de conciliation, auquel ils durent principalement leurs succès.

Le général Brune étoit arrivé à Nantes vers la fin de janvier, et un mois après il écrivit que la pacification étoit complète : Hédouville et lui avoient fait annoncer aux chefs vendéens que des négociations étoient ouvertes avec les puissances étrangères, et qu'ils seroient infailliblement abandonnés par l'Angleterre. On les séduisit par de fausses promesses et de fausses apparences; et, à mesure qu'on les divisoit, on les poursuivoit individuellement et sans relâche: alors, contraints par des forces supérieures d'accepter les propositions honora, bles qu'on leur offroit, ils concouroient eux-mêmes au désarmement de leurs troupes.

C'est ainsi que MM. d'Autichamp, de Châtillon, de Bourmont, Georges et le malheureux Frotté, capitulèrent, à mesure que, dans leurs arrondissements respectifs, ils se trouvèrent séparés et coupés par les colonnes d'Hédouville. Cependant avant de se rendre ils firent une vigoureuse résistance; et ce ne fut qu'après les combats de Mélay, de Magny, de Mortagne et du Morbihan, que, cédant à des forces supérieures ainsi qu'au desir de faire cesser l'effusion du sang dans ces contrées, depuis trop long-temps désolées par la guerre civile, ils s'acquittèrent envers l'honneur et l'humanité.

M. Frotté fut le dernier à se soumettre. Mais enfin se voyant seul, il ne voulut pas être la victime d'un fol entêtement : il le fut d'une perfidie. Il écrivit au général Hédouville, pour lui déclarer qu'il souscrivoit aux lois acceptées par les autres chefs chouans et vendćens;

mais, avant que la réponse lui parvînt, il fut pris avec six autres officiers, et fusillé peu de jours après à Verneuil.

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tifs de

guerre.

Dégagé des inquiétudes que lui donnoit cette diver- Grands sion, affermi et devenu plus confiant par un succès preparaagréable à la nation, le premier consul fit connoître, par une proclamation aux François, « que le ministère anglois avoit repoussé la paix ; que, pour la commander, il falloit de l'argent, du fer et des soldats,» Il appeloit aux armes toute la jeunesse, lui présageoit la victoire, et juroit de ne combattre que pour le bonheur de la France et le repos du monde.

Loin d'éprouver la moindre difficulté pour les levées, il fut secondé avec ardeur et obéi sans murmure. La première classe de la conscription, c'est-à-dire tous les jeunes gens ayant atteint l'âge de vingt ans, sans distinction de rang et de fortune, furent mis à la disposition du ministre de la guerre. C'est ainsi qu'il ouvrit l'artère d'où s'écoula, pendant quatorze ans, et par torrents, le plus pur sang de la nation.

Toutes nos frontières étoient menacées. Il étoit donc vraisemblable que le premier consul se borneroit à des opérations défensives, et qu'avant d'avoir rassemblé assez de forces pour prévenir l'exécution du plan des alliés, il se contenteroit d'en observer les premiers développements dans une attitude menaçante. La formation d'une armée de réserve, dont il avoit pris le commandement avec éclat, confirma ces conjectures.

Dijon fut indiqué pour le lieu du rassemblement de cette armée, dont Buonaparte fit la base apparente de ses opérations défensives, et qui ne fut en effet qu'un grand dépôt intermédiaire qui servit de voile à ses prin

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Armée de
Moreau

Rhin.

cipales dispositions. Loin de rassembler et de retenir au centre de la France les troupes qui arrivoient de tous côtés, il les faisoit filer, les unes vers l'armée d'Italie, commandée par le général Masséna, les autres vers l'armée du Rhin, commandée par le général Moreau. Celle-ci fut portée rapidement à un effectif de cent vingt mille hommes ; et rien ne fut négligé pour la mettre en état de reprendre l'offensive.

Bientôt la France, remontée sur un pied militaire plus imposant et plus régulier, prit aussi plus de confiance dans ses armées. Le luxe des camps, les grandes revues, les parades, les récompenses accordées libéralement aux soldats, l'ordre et l'ensemble qui commençoient à reparoître dans les administrations militaires, ranimèrent et portèrent au plus haut degré le goût des armes dans toutes les classes de la nation.

L'armée du Rhin, concentrée sur la rive gauche du sur le fleuve, se préparoit à le passer pour la quatrième fois depuis le commencement des hostilités. Le général Moreau mûrissoit ses projets, et étoit habilement secondé par son premier lieutenant Lecourbe, et par son chef d'état-major Dessolles. Son plan de campagne, qui consistoit à prendre l'offensive par son aile gauche, et à porter la guerre dans le cœur de l'Allemagne, fut d'abord rejeté par le premier consul.

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Celui-ci ne songeoit qu'à reconquérir l'Italie; et, à cet effet, il n'avoit fortifié l'armée du Rhin que comme une masse qui, par sa seule présence, devoit paralyser les principales forces de l'Autriche. Dans cette hypothèse, Moreau devoit rester en observation, et détacher ensuite son aile droite pour aller renforcer l'armée d'Italie. Ce dernier plan étoit combiné dans l'intérêt dụ

premier consul, afin que seul il pût frapper les grands coups sur le théâtre où il lui convenoit plus que jamais de s'illustrer.

En conséquence, il fit adresser au général Moreau, par le ministre de la guerre, une instruction qui, sans annoncer son véritable projet, renfermoit, en peu de mots, son plan de campagne, et prescrivoit la force et la composition du corps qui devoit être détaché de l'armée du Rhin, sous les ordres du général Lecourbe, et se rapprocher de celle d'Italie.

Moreau, dont le plan étoit tout différent, résista aux insinuations et même aux ordres du premier consul. Ce dissentiment sur la coopération des deux armées fut, entre ces rivaux célébres, le germe des querelles qui les divisèrent. La haine implacable qui en fut la suite, et qu'ils se vouèrent bientôt après, fut peut-être une des causes les plus actives et de leur mutuelle perte, et des grands revers que la France éprouva quatorze ans après.

Malgré sa brillante campagne de 1796, et le merveilleux de son expédition d'Égypte, Buonaparte étoit loin de s'être concilié tous les vœux de l'armée françoise. Son nom étoit moins populaire que celui de Moreau, et il n'avoit pas, comme lui, l'affection du soldat.

Moreau avoit obtenu par-tout de grands succès; et deux retraites savantes, l'une devant l'archiduc Char les, l'autre devant Suwarow, ne l'avoient pas moins illustré que ses victoires. Si la dictature avoit eu pour lui quelques charmes, ou s'il avoit été tenté par la noble ambition de rétablir la dynastie des Bourbons, il auroit pu devancer son rival; il auroit pu faire intervenir l'armée dans l'un ou l'autre de ces deux projets: mais il n'avoit ni l'ambition, ni la résolution d'esprit néces

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Disposi

tions mili

taires de

Moreau,

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saires pour de telles entreprises. En consentant à l'élévation du premier consul, il crut, avec raison, que celui-ci reconnoîtroit sa complaisance, en lui conférant le commandement général des armées. Il se trompa. Ce partage ne convenoit point à l'homme qui, non seulement étoit jaloux de tous les genres de gloire, mais qui redoutoit tous les genres de rivalité.

Cependant il ne pouvoit se dissimuler que le succès de ses armes en Italie dépendoit de ceux que Moreau pouvoit obtenir en Allemagne. Il fut donc contraint de céder à ses vœux, de lui abandonner et l'honneur de son plan et la liberté d'agir conformément à son exécution.

Tandis que le général Lecourbe battoit le prince de Vaudemont à Stokach, Moreau remportoit à Lugen une victoire compléte sur le général Kray, qui, à la tête de quarante-cinq mille hommes, se croyoit inattaquable, parcequ'il étoit fortement retranché. Ces premiers succès retrempèrent le moral de l'armée, doublèrent ses forces par la confiance, et rallumèrent cette émulation de gloire qui devoit bientôt enfanter de nouveaux prodiges.

Le général Kray, s'étant replié et retranché à Moeskirch, fut de nouveau attaqué par le général Moreau; le combat fut vif et opiniâtre : le champ de bataille resta aux François, mais ce ne fut pas sans de grandes pertes. La renommée de Moreau s'en accrut. L'armée françoise continua de s'avancer dans la Souabe, à la poursuite de celle d'Autriche. Elle remporta à Biberach et à Memmingen des avantages d'autant plus glorieux, qu'ils furent plus savamment disputés par le général Kray, re

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