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1806.

l'étoit (1). Le traité garantissoit à François II les rapports dans lesquels la paix le plaçoit, et par conséquent la couronne d'Allemagne, et les prérogatives qui y étoient attachées. La même garantie commune confirmoit et resserroit le lien qui, depuis tant de siècles, attachoit la Bavière et le Wurtemberg à l'empire. Trois mois après, la confédération du Rhin renversa la constitution de l'empire germanique, ravit à l'empereur le plus beau joyau de sa couronne, et plaça la Bavière, le Wurtemberg etc..... sous la tutele de la France.

<< Mais pour juger cet événement mémorable, estil nécessaire d'avoir recours aux traités? Les nations ont des droits avant les conventions diplomatiques : ét quand la France ne se seroit pas jouée de la sainteté des serments, cet acte d'un despotisme sans exemple n'en auroit pas moins révolté tous les esprits.

« Priver de leur souveraineté des princes qui n'avoient jamais offensé la France; les transformer en vassaux de quelques vassaux du gouvernement françois; anéantir d'un coup de plume une constitution qui date depuis plus de mille ans, qu'une longue habitude et des rapports réciproques avoient rendue chère à tant de princes, que toutes les puissances de l'Europe et la France elle-même avoient si souvent garantie ; l'anéantir malgré le désespoir des victimes, et

(1) Oui sans doute, la base du traité de Presbourg, qui fut rendu public, étoit la garantie de l'empire germanique tel qu'il étoit avant la signature. Mais on sait aujourd'hui que, par des article secrets, cette base étoit détruite par la confédération du Rhin, dont ils renfermoient le germe et la pensée.

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les remords des complices; l'anéantir sans en pré-
venir l'empereur d'Allemagne, auquel on ravissoit une
couronne, sans consulter la Russie, qui, naguère en-
core, avoit garanti la ligue germanique, ni la Prusse,
si essentiellement intéressée a l'existence de cette ligue!
certes! on a vu de grandes catastrophes produites par
le fléau de la guerre ; mais jamais, au milieu de la paix,
on n'avoit osé donner à l'univers un pareil spectacle!
(Ici le manifeste rappelle que le prince d'Orange,
le beau-frère et l'ami du roi de Prusse, avoit été une des
premières victimes de la confédération du Rhin : que
le
prince Murat, à peine élu duc de Cléves, avoit commencé
l'exercice de sa nouvelle puissance par s'emparer des
abbayes d'Essen, de Werden et d'Elten, qui appar-
tenoient à la Prusse; que les rois et princes de l'em-
pire étoient traités par Napoléon comme les préfets
soumis à ses ordres; que les journaux françois étoient,
depuis quelque temps, remplis de diatribes infames
et dégoûtantes, contre le roi, la reine et la monarchie
prussienne.) Le manifeste continue:

« Le dernier doute sur les intentions de Napoléon avoit disparu; des troupes de l'intérieur de la France marchoient vers le Rhin; il étoit évident que la Prusse alloit être attaquée; un temps précieux se perdoit. Le roi fit présenter par le général Knobelsdorff une note renfermant les conditions auxquelles il consentoit à s'arranger. La note resta sans réponse.

« Désormais le roi ne peut confier qu'aux armes l'honneur et la sûreté de sa personne. Il les prend avec un sentiment pénible, parcequ'une gloire qui coûtera des larmes à son peuple n'a jamais pu le tenter. Il les prend avec confiance, parceque sa cause est juste.

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Bataille de Jéna.

Le roi a poussé la condescendance jusqu'au dernier point: l'honneur ne lui permet pas d'aller plus loin. Le roi a supporté tout ce qui ne regardoit que sa personne; il s'est mis au-dessus des jugements de lignorance et de la calomnie, dans l'espoir qu'il pourroit conduire son peuple sans secousse à l'époque qui arrivera peut-être tard, mais qui arrivera infailliblement, où l'usurpation trouvera son terme, l'ambition son châtiment, et l'honneur sa récompense.

a Donné au quartier-général d'Erfurt, le 9 octobre

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Quatre jours après, c'est-à-dire le 13 octobre, les deux armées se trouvèrent en présence dans les plaines de Saxe, entre Veymar et Jéna. L'armée prussienne, forte de cent cinquante mille hommes, étoit commandée par le roi en personne: deux des plus célèbres compagnons de Frédéric II, le duc de Brunswick et le feld-maréchal de Moellendorf, commandoient sous ses ordres.

L'armée françoise, forte de cent quatre-vingt mille hommes, étoit partagée en sept grands corps que commandoient les maréchaux Lannes, Bernadotte, Ney, Soult, Augereau, Lefebvre.... Une bataille étoit inévitable, elle devoit être meurtrière et décisive. Des deux côtés on la desiroit avec ardeur; et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que des deux côtés l'ardeur militaire étoit renforcée par une animosité particulière qu'avoient fait naître et qu'entretenoient des calomnies outrageuses, des railleries amères, et d'insultantes provocations.

La bataille eut lieu le 14; un brouillard épais couvrit

la terre pendant deux heures, il fut dissipé par un beau soleil d'automne. Les deux armées s'aperçurent à petite portée du canon.

La gauche de l'armée françoise, appuyée sur un village et des bois, étoit commandée par le maréchal Augereau. La garde impériale ia séparoit du centre, qu'occupoit le corps du maréchal Lannes.

La droite étoit formée par le corps du maréchal Soult. Elle étoit appuyée et soutenue par le corps du maréchal Ney.

Les Prussiens manoeuvrèrent avec une grande précision, et se battirent avec leur bravoure accoutumée. Le duc de Brunswick et le feld-maréchal Moellendorf furent blessés. Le prince Louis-Ferdinand de Prusse fut tué le roi montra tout le sang-froid du grand Frédéric, et tout le courage d'un soldat. Il eut deux chevaux tués sous lui. Toute l'armée fit son devoir; mais rien ne put résister à la furie françoise, qu'on avoit trouvé moyen d'exciter au plus haut degré, par tous les motifs de haine, de vengeance et de cupidité.

Suivant sa tactique ordinaire, Napoléon attaqua et enfonça le centre de l'armée ennemie, et par cette manœuvre hardie jeta le trouble et l'incertitude dans les deux ailes. Sa nombreuse artillerie, parfaitement servie, portoit de tous côtés le désordre et la mort. La bataille avoit commencé à neuf heures, à trois heures l'affaire étoit décidée, l'armée prussienne étoit en pleine déroute, et le roi avoit perdu son royaume. Si l'on s'en rapporte au cinquième bulletin de cette campagne, les premiers résultats de cette bataille furent trente mille prisonniers, vingt mille morts, trente

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de la

drapeaux, trois cents pièces de canon, et des magasins immenses de vivres et de munitions de guerre. Mais il y a évidemment de l'exagération dans ce récit. Le lendemain le grand duc de Berg cerna et prit Erfurt, où se trouvèrent six mille fuyards et huit mille blessés.

Invasion L'empereur ne donna pas le temps à l'ennemi de Prusse. se rallier. Voulant, avec raison, prévenir l'arrivée des

Russes, qui venoient à grandes journées au secours des Prussiens, il ne prit aucun repos. Il alla établir son quartier-général à Postdam, tandis que ses lieutenants poursuivoient à outrance, et sur tous les points, les débris de l'armée vaincue, tandis que le grand duc de Berg attaquoit Spandau, que le maréchal Ney bloquoit Magdebourg, que le maréchal Augereau entroit à Berlin etc.... Toutes ces opérations furent conduites avec rapidité et accomplies en même temps. En moins de quinze jours, la Prusse électorale tout entière tomba au pouvoir des François.

Pendant le séjour qu'il fit à Postdam, Napoléon descendit dans le tombeau du grand Frédéric. Nous ignorons s'il y fut entraîné par le desir de rendre hommage à la mémoire d'un héros, ou par un simple motif de curiosité: on lui sut gré de cette pieuse démarche; mais il en gata le fruit en faisant enlever de ce lieu sacré l'épée du héros, son cordon de l'aigle noir, et sa ceinture de général.

Ces reliques n'avoient de prix réel que là où elles avoient été déposées. Le plaisir que leur vue fit éprouver aux soldats invalides de Paris n'égala pas à beaucoup près le chagrin que ceux de Berlin ressentirent de cet enlèvement sacrilege.

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