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1807.

Tilsitt.

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et de donner quelque repos à la génération présente. La veille, le maréchal Duroc étoit allé complimenter l'empereur Alexandre, qui, de son côté, envoya le maréchal comte de Kalkreuth complimenter l'empereur Napoléon.

Le lendemain, les deux empereurs, le roi de Prusse et le grand-duc Constantin dînèrent sur la rive gauche, dans le palais de Napoléon. Pendant les dix-huit jours qui suivirent, les deux empereurs se firent réciproquement des visites, dînèrent ensemble, passèrent des revues, se promenèrent à cheval, et ne cessèrent de se donner tous les témoignages d'une bonne et sincère amitié. Le 30 juin, la garde impériale françoise donna un repas de corps à la garde impériale russe. Le 8 juillet, la paix fut conclue et signée entre les trois sou

verains.

Deux jours auparavant, la reine de Prusse étoit arrivée à Tilsitt; le jour même, Napoléon alla lui rendre

visite.

Les deux empereurs, après avoir séjourné pendant vingt jours à Tilsitt, où les deux maisons impériales, situées dans la même rue, étoient à peu de distance l'une de l'autre, se séparèrent le 9 à trois heures après midi, en se donnant de nouvelles marques d'amitié. Ce jour-là les ratifications du traité de paix furent échangées. En voici les articles principaux:

Traité de I. L'empereur Napoléon, par égard pour l'empereur de Russie, et voulant donner une nouvelle preuve du desir sincère qu'il a d'unir les deux nations par les liens d'une confiance et d'une amitié inaltérables, consent à restituer au roi de Prusse tous les pays, villes et terri

toire conquis, à l'exception toutefois des provinces qui faisoient partie de l'ancien royaume de Pologne, et qui ont passé à diverses époques sous la domination prus

sienne.....

II. Ces provinces seront possédées, en toute propriété et souveraineté, par sa majesté le roi de Saxe (1), sous le titre de duché de Varsovie.

III. La ville de Dantzick, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection des rois de Prusse et de Saxe.

IV. Les ducs de Saxe-Cobourg, d'Oldembourg et de Meklembourg seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ses états; mais les ports des duchés de Meklembourg et d'Oldembourg continueront d'être occupés par des garnisons françoises jusqu'à la paix définitive entre la France et l'Angleterre.

V. L'empereur Napoléon accepte la médiation de l'empereur de Russie, à l'effet de négocier et conclure un traité de paix entre la France et l'Angleterre.

VI. De son côté, l'empereur de Russie voulant prouver combien il desire d'établir entre les deux empires les rapports les plus intimes et les plus durables, reconnoit sa majesté le roi de Naples, Joseph Napoléon : sa majesté le roi de Hollande, Louis Napoléon: et son altesse impériale le prince Jérôme Napoléon, comme roi de Westphalie.

VII. L'empereur de Russie reconnoît pareillement la

(1) Cet article explique les longs ressentiments du roi de Prusse contre le malheureux roi de Saxe.

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1807.

confédération du Rhin, l'état actuel de possession de chacun des souverains qui la composent.

VIII. Le royaume de Westphalie sera composé des provinces cédées par le roi de Prusse, à la gauche de l'Elbe, et d'autres états actuellement possédés par l'empereur Napoléon.

IX. Toutes les hostilités cesseront immédiatement sur terre et sur mer entre l'empereur de Russie et le grandseigneur.

X. Les troupes russes se retireront des provinces de Valachie et de Moldavie.

XI. L'empereur de Russie accepte la médiation de l'empereur des François, à l'effet de négocier et conclure une paix avantageuse et honorable aux deux empires de Russie et de Turquie.

XIII. L'empereur des François et l'empereur de toutes les Russies se garantissent mutuellement l'intégrité de leurs possessions et celles des puissances comprises au présent traité.

XIV. Le cérémonial des deux cours des Tuileries et de Saint-Pétersbourg, à l'égard des ambassadeurs, ministres et envoyés, qu'elles accréditeront l'une près de l'autre, sera établi sur le principe d'une réciprocité et d'une égalité parfaites, etc., etc.

Fait à Tilsitt, le 7 juillet 1807.

Signé Ch. M. TALLEYRAND, prince de Bénévent.
Le prince Alexandre KOURAKIN.

Le prince LABANOF DE ROSTOFF.

Deux jours après, le traité entre la France et la Prusse 1807.

fut également signé entre le prince de Bénévent et le maréchal comte de Kalkreuth. Par ce traité, le roi reconnoît les rois de Naples, de Hollande, de Westphalie et la confédération du Rhin; renonce à perpétuité aux provinces de l'ancien royaume de Pologne, qui, à diverses époques, ont passé sous sa domination, ainsi qu'à la possession de la ville de Dantzick.....

Ces deux traités furent présentés au sénat le 24 juillet par M. l'archichancelier Cambacérès, qui à ce sujet prononça le discours suivant:

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« Messieurs,

Le cours rapide des victoires de sa majesté l'empereur et roi offroit le présage infaillible d'une paix glo

rieuse.

« Ces espérances sont accomplies par les deux traités de paix que j'apporte au sénat. Sa majesté n'a point permis qu'ils fussent rendus publics avant que vous en ayez reçu la communication.

« Le sénat appréciera avec reconnoissance cette réserve délicate, et y verra une nouvelle preuve de l'attention de notre auguste souverain à maintenir les formes consacrées par nos usages et par nos lois.

« Au milieu des grands résultats que présentent ces transactions politiques, il en est un qui intéressera vos plus vives affections. Dévoués, comme vous l'êtes, messieurs, à la gloire de la dynastie impériale, avec quelle satisfaction ne verrez-vous pas sa splendeur toujours croissante porter au trône de Westphalie un jeune

1897.

Retour de

Tempe

reur à Paris.

prince dont la sagesse et le courage viennent de se si-
gnaler par
de si nobles travaux (1)!

« Dans cette disposition, comme dans toutes celles qui composent ces traités, vous retrouverez, messieurs, les soins constants du fondateur de l'empire pour consolider le grand système dont il a posé les bases.

« Votre cœur applaudira aux conceptions d'un génie ami de l'humanité, dont toutes les vues, dont toutes les précautions ont pour objet d'éloigner l'effusion du sang humain.

« Le continent peut enfin se promettre une paix durable. Les entrevues mémorables qui viennent d'avoir lieu sur les bords du Niémen sont les gages d'une lonque tranquillité. Les rapports d'estime et de confiance qui se sont établis entre les souverains des deux plus puissantes nations de l'Europe, offrent une garantie contre laquelle désormais tous les efforts de la haine et de l'ambition viendront échouer. »

L'empereur suivit de près le courrier qui avoit apporté à Paris le traité de Tilsitt. Il arriva à Saint-Cloud le 27 juillet, à cinq heures du matin, en fort bonne santé. Soixante coups de canon annoncèrent son arrivée. A huit heures du soir, il reçut les ministres, convoqua le conseil d'état pour le lendemain à sept heures du matin ; et à onze heures, il reçut le sénat et tous les grands corps de l'état. Il vouloit paroître aussi grand et

(1) En parlant du courage et de la sagesse du jeune prince Jérôme le prince archichancelier croyoit apparemment que tout le monde avoit perdu la mémoire, et que personne ne se souvenoit de sa conduite indécente et pusillanime avec un acteur du théâtre Feydeau en 1801.

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