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1809.

Bataille

avec les mêmes ménagements et les mêmes égards dont il avoit usé en 1805. La capitulation fut signée. Une heure après, la proclamation suivante fut mise à l'ordre de l'armée françoise.

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Soldats, un mois après que l'ennemi a eu passé l'Inn, au méme jour, à la même heure, nous sommes entrés dans Vienne. Ses landwers, ses levées en masse, ses remparts créés par la voix impuissante des princes de la maison de Lorraine n'ont point soutenu vos regards. Les princes de cette maison ont abandonné leur capitale, non comme des soldats d'honneur qui cédent aux circonstances et aux revers de la guerre, mais comme des parjures que poursuivent leurs propres remords. En fuyant de Vienne, leurs adieux à ses habitants ont été le meurtre et l'incendie. Comme Médée, ils ont de leurs propres mains égorgé leurs enfants! (1)

« Le peuple de Vienne, selon l'expression de la députation des faubourgs, délaissé, abandonné, veuf, sera l'objet de vos égards. J'en prends les bons habitants sous ma spéciale protection. Quant aux hommes turbulents et méchants, j'en ferai une justice exemplaire.

« Soldats ! soyons bons pour les pauvres paysans, pour ce bon peuple qui a tant de droits à notre estime. Ne conservons aucun orgueil de nos succès, voyonsy une preuve de cette justice divine qui punit l'ingrat et le parjure.

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Signé NAPOLEON. »

Cependant le prince Charles, à la tête d'une armée d'Esling de cent trente mille hommes, étoit retranché sur la

(1) Quelles images! quel style!

rive gauche du Danube, vis-à-vis d'Ebersdorfs, au-dessous et à deux lieues de Vienne. Il étoit maître du cours du fleuve. Il connoissoit parfaitement les localités, et il avoit tous les habitants pour lui. Dans cette position, il pouvoit, sans combattre, ruiner l'armée françoise, et lui faire chèrement payer la témérité de son chef.

Maître de Vienne, Napoléon craignit un moment d'y rester prisonnier; il vit le danger, prit son parti soudain, et, par une de ces résolutions hardies qui ne peuvent sortir que d'une tête forte, et qui ont souvent rétabli les affaires désespérées, il change son plan de campagne, passe le Danube sur des ponts volants, n'attend pas que toute son armée l'ait suivi, attaque le prince Charles dans ses retranchements et livre cette fameuse bataille d'Esling, qui dura trois jours, qui fut terrible, sanglante et sans résultat. Le troisième jour une crue subite du Danube ayant rompu tous les ponts et toutes les communications avec la rive droite, les cartouches à canon et d'infanterie manquèrent à l'armée françoise; l'armée couroit les plus grands risques, et pouvoit être anéantie, si d'une part elle avoit été conduite par des chefs moins savants et moins audacieux que les généraux Montebello, Oudinot, Saint-Kilaire, Boudet, Durosnel, etc., qui firent des prodiges ; et si de l'autre, le prince Charles avoit moins ménagé ses hommes, et s'il n'avoit pas craint de pousser les François au désespoir, en les plaçant dans l'alternative de vaincre ou de périr. Le prince ralentit sa marche et son feu, et donna à son ennemi le temps de se rallier, de rétablir ses ponts et de repasser le Danube.

La perte fut immense des deux côtés, mais plus grande du côté des François; là périrent les généraux

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Réunion

d'Espagne et Saint-Hilaire, et le maréchal Lannes, surnommé avec raison le brave des braves. Il eut la cuisse emportée par un boulet, et mourut le lendemain, une heure après l'amputation: son corps fut embaumé, envoyé à Paris, et déposé au Panthéon, avec des honneurs tels qu'aucun souverain peut-être n'en reçut jamais d'aussi pompeux. Ainsi l'avoit ordonné Napoléon, par une politique assortie à son caractère et à ses desseins.

Cette bataille ne changea rien à l'état des choses. Le prince Charles resta maître de la rive gauche du Danube, et Napoléon resté maître de Vienne fit de nouvelles dispositions pour une seconde bataille.

Dans l'intervalle il donna quelques soins à l'admides états nistration de ses états; ce fut alors qu'il réunit les du pape à l'empire états du pape à l'empire françois, par un décret daté françois. de Vienne, le 17 mai, dont voici le considérant et les principales dispositions.

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Napoléon, etc...Considérant que, lorsque Charlemagne, empereur des François et notre auguste prédécesseur, fit don aux évéques de Rome de diverses contrées, il les leur céda à titre de fief, pour assurer le repos de ses sujets, et sans que Rome ait cessé pour cela d'être une partie de son empire;

« Considérant que, depuis depuis ce temps, ce temps, l'union des deux pouvoirs spirituel et temporel ayant été, comme elle l'est encore aujourd'hui, la source de continuelles discordes, que les souverains pontifes ne se sont que trop souvent servis de l'influence de l'un pour soutenir les prétentions de l'autre, et que, par cette raison, les affaires spirituelles qui, de leur nature sont immuables, se trouvèrent confondues avec les affaires tempo

relles, qui changent suivant les circonstances et la politique des temps;

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« Considérant enfin que tout ce que nous avons proposé pour concilier la sûreté de nos armées, la tranquillité et le bien-être de nos peuples, la dignité et l'intégrité de notre empire avec les prétentions temporelles des souverains pontifes, ayant été proposé en vain; nous avons décrété ce qui suit:

"

Art. I. « Les états du pape sont réunis à l'empire françois.

II. « La ville de Rome, premier siége du christianisme, et si célébre par les souvenirs qu'elle rappelle, et les monuments qu'elle conserve, est déclarée ville impériale et libre. Son gouvernement et son administration seront réglés par un décret spécial.

III. « Les revenus du pape seront portés jusqu'à deux millions de francs, libres de toute charge et redevance.

IV. «Une consulte extraordinaire prendra le 1er juin prochain possession en notre nom des états du pape, et fera en sorte que le gouvernement constitutionnel y soit en vigueur le 1er janvier 1810. "

Par un autre décret du même jour, la consulte in. stituée par le décret précédent fut composée de MM. Miollis, Salicetti, Jannet, Degerando, del Pozzo et de Balbe.

A peine établie, la consulte adressa aux habitants de la ville et des états de Rome la proclamation suivante :

« Romains! la volonté du plus grand des héros vous réunit au plus grand des empires. Il étoit juste que le premier peuple de la terre partageât l'avantage de ses lois et l'honneur de son nom avec celui qui jadis le précéda dans le chemin de la gloire.

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« Le seul desir de votre prospérité a dicté le décret de votre réunion. Depuis long-temps vos annales ne contiennent que le récit de vos infortunes. Votre foiblesse naturelle vous rendoit la facile conquête de tous les guerriers qui vouloient franchir les Alpes.

« Unis à la France, sa force devient la vôtre; tous les maux qui résultoient de votre foiblesse ont cessé.

« Rome continuera d'être le siége du chef visible de l'église; et le Vatican, richement doté et à l'abri de toute influence étrangère, présentera à l'univers la religion plus pure et entourée de plus de splendeur, etc. »

Ce fut dans un moment d'humeur qu'il se détermina à publier, dans la capitale du pays le plus catholique de l'Europe, le décret qui réunissoit à son empire Rome et les états du saint-père. On sent qu'il vouloit à-la-fois mortifier la maison d'Autriche, et braver les opinions religieuses des habitants de Vienne, dont l'esprit et lą conduite ne lui prouvoient pas assez de dévouement. On peut juger du mécontentement qu'il éprouvoit alors par la proclamation ci-jointe, qu'il fit publier et afficher le 27 juin.

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« Habitants de Vienne,

Depuis quelque temps l'esprit d'agitation et de désordre vous égare. Cet esprit séditieux s'est manifesté dans des groupes populaires, dans des attroupements contre la loi. Des prisonniers de guerre ont été enlevés avec violence; des armes, des munitions de guerre, des effets d'artillerie sont restés cachés ; des insultes, des provocations, des voies de fait, suites inévitables d'instigations perfides et d'espérances illusoires, menacent la tranquillité publique. La clémence de sa majesté ne s'est pas

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