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1800.

consul de prendre le commandement des deux divisions de réserve restées à San-Juliano. Ce fut avec ces deux divisions qu'il arracha la victoire à l'ennemi. Sa mort glorieuse, et digne de toute sa vie, loin d'arrêter l'ardeur de ses soldats, ne fit que les enflammer davantage. Pour la venger, ils se précipitèrent dans les rangs ennemis.

Le premier consul, voyant les Autrichiens ébranlés, les fit charger par la brigade de Kellermann, qui exécuta cette manœuvre avec tant de vigueur et d'habileté, qu'on peut dire qu'après Desaix ce fut lui qui contribua le plus au gain de la bataille.

Le général Zachi, qui avoit cru n'avoir plus qu'un dernier coup à porter, s'étant trop avancé, et n'étant pas soutenu par le reste de la ligne, se trouva tout-àcoup enveloppé par les François, et forcé de mettre bas les armes avec quinze cents grenadiers. Alors les Autrichiens, saisis de terreur, s'enfuirent de toutes parts, et ne se rallièrent que derrière leurs retranchements sur la Bormida: il étoit dix heures du soir.

Pendant la nuit, le général Mélas repassa la rivière avec toute son armée, et alla reprendre son camp sous Alexandrie, Il pensoit que l'armée françoise, dont les pertes égaloient au moins les siennes, avoit, autant que la sienne, besoin de repos, et lui laisseroit le temps de former un autre plan de bataille. Mais il avoit affaire à un ennemi infatigable, qui, comme César, savoit vaincre et profiter de ses victoires. Pendant la nuit, Buonaparte s'étoit avancé sur la Bormida, se disposoit à enlever les têtes de pont, et engageoit déja une fusillade terrible dans les avant-postes,

lorsqu'un parlementaire arriva de la part du général Mélas, demanda une suspension d'armes et une entrevue. Buonaparte accorda l'une et l'autre.

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la bataille

de

Le général Berthier, muni d'instructions et de pleins Suites de pouvoirs, se rendit à Alexandrie, et revint, quelques heures après, avec une capitulation connue sous le Marengo. titre de convention entre les généraux en chef des armées françoise et impériale en Italie, en vertu de laquelle les forteresses de Tortone, de Milan, d'Alexandrie, de Turin, de Plaisance, de Coni, d'Urbain, etc., et les villes de Gênes (1) et de Savone devoient être remises à l'armée françoise.

Telle fut l'issue de la bataille de Marengo, l'une des plus décisives de toutes celles qui furent livrées dans le cours de la révolution, et celle qui a le plus influé sur la situation respective de la France et de l'Italie.

La perte en hommes fut à-peu-près égale des deux côtés. Les premiers fruits de cette victoire furent six mille prisonniers, un général, huit drapeaux, vingt bouches à feu, et les douze places fortes dont nous avons parlé plus haut.

L'heureux conquérant, pressé de cueillir les fruits de sa victoire, quitta le champ de bataille le 17 juin, et fit le même jour son entrée triomphante à Milan.

Les actions de grace qu'il alla rendre à la cathédrale, la pompe des cérémonies religieuses qui furent rétablies par ses ordres, le trône des Césars qu'il

(1) La ville de Gênes venoit d'être prise par les Autrichiens, après un siège long et meurtrier, que le général Masséna avoit soutenu avec autant de valeur que d'habileté. Vous valez seul une armée, lai dit le général ennemi après la capitulation.

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fit préparer dans le sanctuaire, et sur lequel il alla s'asseoir, fixèrent tous les regards, et durent être pour l'Europe un grand avertissement (1). »

Après avoir prescrit assez rapidement une nouvelle forme d'administration provisoire, tant pour le Piémont que pour la Lombardie, il laissa l'Italie dans une situation précaire, favorable à ses vues ultérieures, et se hata de revenir à Paris, où le succès de son expédition, entreprise et terminée en soixante jours, avoit ébloui tous les yeux, imposé silence à tous les partis, et affermi son gouvernement.

On s'attendoit à la paix. Buonaparte l'avoit proposée derechef sur les bases du traité de Campo-Formio. Mais l'Angleterre l'avoit devancé. Le jour même, et quelques heures seulement avant l'arrivée du courrier qui apportoit les nouvelles de la bataille de Marengo et de la convention d'Alexandrie ( le 20 juin 1800), le baron de Thugut et lord Minto avoient signé un nouveau traité de subsides, par lequel LL. MM. impériale et britannique s'engageoient, 1° à poursuivre la guerre contre la France avec vigueur et persévérance ; 2o à ne faire, pendant la durée de cette convention, aucune paix séparée et sans le consentement des deux parties.

I

On dit, dans le temps, que M. de Thugut avoit eu des raisons particulières de se hâter de signer ce traité, trop désavantageux à son souverain. En prolongeant la guerre, en effet, l'empereur compromettoit évidemment le salut de ses états, lorsque l'Angleterre ne risquoit que de l'or. Renfermée dans son ile comme dans un fort inaccessible, elle pouvoit impunément troubler et soulever le continent. Elle y trouvoit même son intérêt.

(1) Précis des Evènements militaires, par M. Matthieu Dumas.

Tandis que son or pénétroit dans tous les cabinets, et attachoit les ministres à ses vues politiques, ses flottes balayoient les deux mers, faisoient le commerce du monde, et lui rapportoient les trésors qu'elle prodiguoit pour étendre son empire et son influence.

Cependant les choses n'alloient pas toujours selon ses desirs. Dans ce temps-là, plusieurs de ses expéditions échouèrent. Celle qu'elle tenta en Hollande fut même déshonorante pour ses armes. Vingt mille Anglois, débarqués au Helder sous la conduite du duc d'Yorck, furent attaqués et battus complétement par le général Brune. Leur position devint si pénible après cette bataille, qu'ils s'estimèrent trop heureux de pouvoir se rembarquer à des conditions très humiliantes, sur-tout après l'éclat qu'ils avoient donné à leur armement, et après s'être vantés qu'ils alloient non seule ment rétablir le stathouder en Hollande, mais enlever la Belgique à la France.

Ils ne réussirent pas mieux à Quiberon, où ils osèrent rísquer une seconde descente; ni au Ferrol, où ils essayèrent vainement de mettre le feu à l'arsenal, et de s'emparer d'une escadre de six vaisseaux de ligne prêts à mettre à la voile; ni à Cadix, où la fièvre jaune avoit fait d'épouvantables ravages. Sans pitié pour le malheur, sans respect pour le droit des gens, ils ne craignirent pas d'attaquer cette malheureuse ville, qu'ils croyoient sans défense. Ils s'en approchèrent avec une flotte de cent quarantetrois voiles chargée de vingt mille hommes de débarquement, et ils eurent la double honte d'avoir tenté une láche entreprise, et d'y échouer.

Comme port de guerre, Cadix a l'avantage de dominer les deux mers, et de renfermer des armaments qui

1801.

1801.

Fin de

l'expédi

ne peuvent être ni observés, ni retenus par les croiseurs.
Comme port
de commerce, cette même ville semble
avoir été destinée par la nature à devenir le centre de la
navigation des deux mondes, et le grand marché de
leurs productions. Les Anglois l'ont toujours convoitée:
leur projet alors étoit d'en faire un second Gibraltar,
de couper l'isthme, et d'ouvrir ou de fermer à leur gré
les portes de l'Océan et de la Méditerranée. Les Espa-
gnols se montrèrent, dans cette circonstance, ce qu'ils
furent toujours, lorsqu'ils se guident eux-mêmes, fer-
mes et intrépides. La fierté de leur attitude et l'activité
des préparatifs qu'ils firent pour leur défense imposèrent
à l'ennemi et le forcèrent de renoncer à ses desseins.

L'ennemi s'en dédommagea du côté de Malte et de
l'Égypte. Après un siège de deux ans, habilement et
courageusement soutenu par le général Vaubois, l'ile
de Malte venoit de tomber dans la main des Anglois.
Ce fut pour eux la conquête la plus importante de toute
la
guerre, et pour nous le fruit le plus amer que nous
ayons recueilli de l'expédition d'Égypte.

L'Égypte elle-même étoit perdue sans retour. Après la désertion de Buonaparte, les François s'y étoient encore maintenus avec honneur pendant plus d'une année.

Le général Kléber, à la tête de dix mille hommes, tion d'E- remporta, dans les plaines de la Coubée et aux portes gypte. du Caire, une victoire complète sur quatre-vingt mille

Ottomans, commandés par le grand-visir. Cette victoire étoit assurément glorieuse pour l'armée françoise; mais elle ne pouvoit la sauver dans la situation critique où elle se trouvoit. L'assassinat du général mit le comble à sa détresse. Un jeune fanatique nommé Souley-Man, excité par le zèle de sa religion et par les proclamations

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