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« Elles chargèrent leurs plénipotentiaires de remettre un projet de traité préliminaire renfermant toutes les bases qu'elles jugeoient nécessaires pour le rétablissement de l'équilibre politique, et qui peu de jours auparavant avoient été offertes par le gouvernement françois lui-même, dans un moment où il croyoit sans doute son existence compromise. Les principes de la reconstruction de l'Europe se trouvoient établis dans ce projet. La France, rendue aux dimensions que des siècles de gloire et de prospérité, sous la domination de ses rois, lui avoient assurées, devoit partager avec l'Europe les bienfaits de la liberté, de l'indépendance nationale et de la paix.

« Il ne dépendoit que de son gouvernement de mettre, par un seul mot, un terme aux souffrances de la nation, de lui rendre avec la paix ses colonies, son commerce et le libre exercice de son industrie.

« Vouloit-il plus? Les puissances s'étoient offertes à discuter, dans un esprit de conciliation, ses vœux sur des objets de possession d'une mutuelle convenance, qui dépasseroient les limites de la France, avant les guerres de la révolution.

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Quinze jours se passèrent sans réponse de la part du gouvernement françois. Les plénipotentiaires alliés fixèrent un terme péremptoire pour l'acceptation ou pour le refus desdites conditions. En laissant toutefois au plénipotentiaire françois la faculté de présenter un contre-projet, pourvu qu'il répondit à l'esprit des mémes conditions.

« Le terme du 10 mars fut fixé d'un commun accord. Le plénipotentiaire françois ne produisit, à l'échéance du terme, que des pièces dont la discussion, loin de

1814.

1914.

rapprocher du but, n'eût fait que prolonger de stériles négociations. Le 15 mars, il remit un contre-projet qui ne laissa plus de doute que les malheurs de la France n'avoient pas encore changé les vues de son gouverne

ment.

« Revenant sur ce qu'il avoit proposé lui-même, le gouvernement françois demanda dans ce nouveau projet que des peuples étrangers à l'esprit françois, des peuples que des siècles de domination ne fondroient pas dans la nation françoise, continuassent à en faire partie. La France devoit conserver des dimensions incompatibles avec l'établissement d'un système d'équilibre, et hors de toute proportion avec les autres grands corps politiques en Europe.

« Elle devoit garder les positions et les points offensifs au moyen desquels son gouvernement, pour le malheur de l'Europe et de la France, avoit amené la chute de tant de trônes dans les dernières années, et opéré tant de bouleversements. Des membres de la famille régnante en France devoient être replacés sur des trônes étrangers; le gouvernement françois, enfin, devoit rester l'arbitre des rapports intérieurs et du sort des puissances de l'Europe.

«En continuant la négociation sous de tels auspices, les cours alliées eussent manqué à tout ce qu'elles se doivent à elles-mêmes; elles eussent, dès ce moment, renoncé au but glorieux qu'elles se proposent; leurs efforts n'eussent plus tourné que contre leurs peuples. En signant un traité sur les bases du contre-projet françois, les puissances eussent déposé leurs armes entre les mains de l'ennemi commun: elles eussent

trompé l'attente de leurs peuples et la confiance de

leurs alliés.

« C'est dans un moment aussi décisif pour le salut du monde que les souverains alliés renouvellent l'engagement solennel qu'ils ne poseront pas les armes avant d'avoir atteint le grand objet de leur alliance. La France ne peut s'en prendre qu'à elle-même des maux qu'elle souffre. La paix seule pourra fermer les plaies que l'esprit de domination universelle de son gouvernement lui a faites. Cette paix ne sera plus que celle de l'Europe. Il est temps enfin enfin que les princes puissent, sans influence étrangère, veiller au bien-être de leurs peuples; que les nations respectent leur indépendance réciproque; que les institutions sociales soient à l'abri de bouleversements journaliers, les propriétés assurées et le commerce libre.

L'Europe entière ne forme qu'un vœu ce vœu est l'expression du premier besoin de tous les peuples. Tous sont réunis pour le soutien d'une seule et même cause. Cette cause triomphera du seul obstacle qui lui reste à vaincre. »

Napoléon ne répondit pas à ce manifeste. Il est même probable qu'il n'en eut jamais connoissance. Il étoit trop pressé par les armes de ses ennemis pour s'occuper de leurs vues diplomatiques.

1814.

de

Reims.

Afin de réparer l'échec qu'il venoit d'essuyer à Combat Laon, il fit un mouvement inattendu sur Reims, occupé par les Russes; il attaqua le corps d'armée qui couvroit cette ville, le mit en désordre, lui prit ses bagages, vingt-deux canons et quatre mille prisonniers. C'étoit la dernière faveur que la fortune lui réservoit.

1814.

Il s'en exagéra les effets. Il compara ce succès à la bataille de Dresde, et pour rendre le parallèle plus exact, il fit annoncer dans son bulletin que le même boulet qui avoit emporté le général Moreau en Saxe avoit tué le comte de Saint-Priest en Champagne. Il cherchoit à s'abuser.

Le fait est que le comte de Saint-Priest, émigré françois attaché au service de la Russie, fut emporté d'un coup de canon à la bataille de Reims.

Foible compensation pour toutes les pertes dont Napoléon recevoit chaque jour la fàcheuse nouvelle!

Ses lieutenants étoient battus de tous côtés. Le drapeau blanc venoit d'être arboré dans le département de l'Ain par les soins et le courage de MM. de Monthons et Perrault de Feuillasse. Lyon avoit ouvert ses portes au prince de Hesse-Hombourg. Bordeaux avoit ouvert les siennes au duc d'Angoulême. Le duc de Wellington entroit dans nos provinces méridionales, avec une armée victorieuse et des sentiments pacifiques. Le prince de Cobourg venoit de s'emparer de la manufacture et du dépôt d'armes de Saint-Étienne. Blücher, souvent battu, reparoissoit le lendemain d'une défaite avec des forces nouvelles. Le prince de Swartzemberg étoit maître des deux rives de la Seine. Les armées russes couvroient toute la Champagne..... Napoléon étoit trop éclairé pour voir le danger de sa position.

ne pas

Pour s'y soustraire, il prit une résolution désespérée, qui eût été une inspiration de génie, si elle eût réussi. Il écrivit à l'impératrice régente de l'empire, qu'ayant perdu l'espoir de couvrir Paris, il n'avoit d'autre moyen de le sauver qu'en se portant rapidement sur la Lorraine, où il espéroit attirer l'ennemi sur ses traces. Il ajoutoit qu'avec les garnisons que la

Lorraine, l'Alsace et la Flandre pouvoient lui fournir il se proposoit de marcher droit à Vienne, et de faire repentir les alliés des victoires faciles qu'ils remportoient en France, sur des vieillards, des femmes et des enfants.

Cette lettre fut interceptée. Soit qu'elle fût sincère en annonçant un projet réel, soit qu'elle ne fût qu'une ruse de guerre, afin d'éloigner les alliés de Paris, en, les attirant sur ses pas, elle produisit un effet auquel l'empereur étoit loin de s'attendre. Elle détermina les princes (1) à marcher droit et rapidement sur Paris.

Pour y arriver, ils n'avoient plus que trois journées de chemin à traverser, et à combattre deux foibles divisions, commandées, l'une par le maréchal Marmont, et l'autre par le maréchal Mortier, lesquelles réunies ne formoient pas une armée de plus de quinze mille hommes.

Cette peti te armée, cantonnée à Fère-Champenoise, eut à soutenir l'effort de cinquante-cinq mille hommes, se battit pendant quatre heures avec autant d'intrépidité que de succès, étonna et arrêta l'ennemi, et ne se retira qu'au moment où elle alloit être cernée. Elle se retira en bon ordre, et arriva le 28 mars sous les murs de Paris.

Les alliés, qui la suivoient de près, arrivèrent le 29 aux barrières, après avoir chassé devant eux les partis qui étoient allés les reconnoître jusqu'au Bourget et dans la forêt de Bondy. C'étoit la première fois depuis deux cent vingt-six ans que les Parisiens voyoient une armée étrangère à leurs portes.

1814.

Siège de

Il est reconnu depuis long-temps que les capitales Paris.

(1) Les empereurs d'Autriche et de Russie, et le roi de Prusse.

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