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mais qu'ensuite il a déchiré le pacte qui l'unissoit au 1814. peuple françois, en levant des impôts arbitrairement, « En ajournant sans nécessité le corps législatif,

<< En entreprenant une suite de guerres sans fin, dans. l'intérêt de son ambition,

« En confondant tous les pouvoirs,

« En détruisant l'indépendance des corps judiciaires, et la responsabilité des ministres ;

« Considérant que la liberté de la presse, établie et consacrée comme l'un des droits de la nation, a été constamment soumise à l'action de sa police, et qu'en même temps il s'est servi de la presse pour remplir la France et l'Europe de faits controuvés, de maximes fausses, de doctrines favorables au despotisme et d'outrages contre les gouvernements étrangers;

"Que des actes du sénat ont subi par lui des altérations considérables;

Considérant qu'au lieu de régner dans l'intérêt du peuple françois, Napoléon a mis le comble aux malheurs de la patrie, par son refus de traiter à des conditions raisonnables, par l'abus qu'il a fait de tous les moyens qu'on lui a confiés en hommes et en argent, par l'abandon des blessés sans pansement, sans secours et sans subsistances, etc.

<< Par toutes ces causes, le sénat déclare, et décréte ce qui suit :

« Art. I. Napoléon Buonaparte est déchu du trône, et le droit d'hérédité établi dans sa famille est aboli.

« II. Le peuple françois et l'armée sont déliés du serment de fidélité envers Napoléon Buonaparte.

« III. Le présent décret sera envoyé au gouvernement provisoire, aux départements et aux armées, et

proclamé incessamment dans tous les quartiers de la capitale. »

1814.

Parisiens.

Quant au gouvernement qui devoit remplacer celui Joie des de l'empereur, les habitants de Paris n'attendirent pas le décret du sénat, dont nous parlerons bientôt ; ils prirent l'initiative dès le 31 mars, en arborant, ce jourlà, le drapeau blanc et la cocarde de la même couleur, et en criant de tous côtés: Vive Alexandre, VIVE LOUIS XVIII; la joie étoit universelle.

FIN DE LA SIXIÈME ÉPOQUE.

DE FRANCE

>

DEPUIS LA MORT DE LOUIS XVI
JUSQU'AU TRAITÉ DE PAIX DU 20 NOVEMBRE 1815.

SEPTIÈME ÉPOQUE.

DEPUIS LA RESTAURATION JUSQU'Au retour de buoNAPARTE
DE L'ILE D'ELBE.

1814.

L'HABITUDE de la souffrance et le poids de la tyrannie avoient endormi, et non pas étouffé au fond du cœur des François le sentiment de la fierté nationale. Il se réveilla le lendemain de l'invasion.

Le joug de fer que Napoléon leur avoit imposé venoit d'être brisé. Le premier moment de l'affranchissement fut donné tout entier à la joie, et ne craignons pas de le répéter, cette joie fut vive et universelle.

Mais si la présence de cette multitude de soldats étrangers, de ces Allemands, de ces Prussiens, de ces Cosaques... qui s'établissoient à Paris avec aussi peu de façon que dans leurs propres foyers, disoit aux Fran

çois quels étoient les auteurs de leur délivrance, elle leur rappeloit en même temps la source de leur humiliation; et, il faut le dire aussi, ce ressouvenir mêlé d'amertume ressembloit déja à un commencement d'ingratitude.

Tous les souverains d'ailleurs ne furent pas aussi généreux qu'Alexandre, et tous les soldats ne furent les Autripas soumis à une discipline aussi sévére que chiens. Les ordres qu'Alexandre et François II donnèrent à leur armée sauvèrent Paris du pillage et même des désordres inséparables de la conquête; mais ils ne purent empêcher les Cosaques, les Bavarois, les Wurtem→ bergeois, et sur-tout les Prussiens, de se regarder en France comme en pays conquis, de traiter leurs hôtes avec dureté, de lever des contributions énormes, et de vouloir faire payer par la nation les horribles dégâts que les armées de Napoléon avoient exercés chez

eux.

1814.

Examen

des repro

Il n'est pas défendu sans doute à des malheureux exposés sur la roue de se plaindre de leurs bourreaux; ches faits mais leur est-il permis de confondre avec leurs bour- àlanation françoise. reaux tous ceux qui n'ont pu les défendre ou les sauver? La nation françoise étoit-elle coupable des maux dont les Bavarois, les Wurtembergeois et les Prussiens avoient été les victimes? étoit-il juste de la rendre responsable de ceux que Napoléon et les siens avoient commis à Moscou, à Madrid et à Berlin? Allons plus loin, et puisque l'occasion s'en présente, osons dire que les rois de Prusse, de Bavière, de Wurtemberg et innocents pas tous les souverains de l'Europe n'étoient des excès et des malheurs dont ils accusoient avec rai

1814.

son la révolution, et à tort la nation françoise. C'est une question dont l'examen vient à propos, et ne sera pas sans intérêt.

"

Fausse « Attila, dit Montesquieu, faisoit un trafic continuel politique des cabi- de la frayeur des Romains; mais fit-on jamais des acnets. cords avec les tremblements de terre?»>

Les auteurs de la révolution avoient pour objet le bouleversement de l'Europe, et pour moyens la guerre et la division.

Quel étoit l'intérêt des princes ennemis de la révolution? de conserver l'ancien état des choses. Quels étoient leurs moyens? la guerre et l'union.

Il est difficile de concevoir une position plus fausse que celle où se réduisirent les princes qui firent alliance avec les auteurs et les chefs de la révolution.

L'empereur d'Autriche ne perdit pas une bataille, sans que le contre-coup ne portât sur le trône de Prusse, et chaque année de subsides que la Prusse reçut de la France ouvroit le chemin de Vienne, et préparoit le funeste mariage de Marie-Louise.

La peur paralysoit tous les cabinets, et telle étoit l'influence contagieuse de cette peur, que chacun plaçoit une espérance de salut personnel à côté du malheur général.

Loin d'ajourner leurs misérables rivalités, loin de se réunir contre l'ennemi commun et d'appeler l'univers entier à leur secours, pour s'en défendre et l'écraser, les souverains lui tendirent la main tour à tour, soumirent leur volonté à la sienne, sollicitèrent sa bienveillance, et voyoient avec une sorte d'insensibilité stoïque l'abyme où alloient se perdre tous les six mois tantôt une république et tantôt une monarchie.

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