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donner aux François une charte constitutionnelle, appropriée à leurs desirs comme à leurs besoins.

« Il faut à la France une autorité royale protectrice, sans qu'elle puisse devenir oppressive. Il faut au roi des sujets aimants et fidéles, toujours libres et égaux devant la loi. L'autorité doit toujours avoir assez de force pour déjouer tous les partis, comprimer toutes les factions, en imposer à tous les ennemis qui menaceroient son repos et son bonheur.

« La nation peut en même temps desirer une garantie contre tous les genres d'abus dont elle vient d'éprouver les excès.

<< La situation momentanée du royaume, après tant d'années d'orages, exige enfin quelques précautions, peut-être même quelques sacrifices, pour apaiser toutes les haines, prévenir toutes les réactions, consolider toutes les fortunes; amener, en un mot, tous les François à un oubli généreux du passé et à une réconciliation générale.

« Tel est, messieurs, l'esprit vraiment paternel dans lequel a été rédigée cette grande charte que le roi m'ordonne de mettre sous vos yeux.

« Je ne doute pas qu'elle n'excite parmi vous un enthousiasme de reconnoissance, qui, du sein de la eapitale, se propagera bientôt jusqu'aux extrémites du

royaume. »

Après ce discours, M. Ferrand, ministre d'état, fut chargé de lire la charte et la déclaration du roi qui la précède. En voici le texte.

1814.

« Louis 'par la grace de Dieu, roi de France et de Charte

Navarre,

« A tous ceux qui ces présentes verront, salut:

donnée par le roi.

1814.

« La divine Providence, en nous rappelant dans nos états, après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La paix étoit le premier besoin de nos sujets, nous nous en sommes occupés sans relâche; et cette paix, si nécessaire à la France, comme au reste de l'Europe, est signée.

« Une charte constitutionnelle étoit sollicitée par l'état actuel du royaume, nous l'avons promise et nous la publions. Nous avons considéré que, bien que l'autorité tout entière résidât en France dans la personne du roi, nos prédécesseurs n'avoient point hésité à en modifier l'exercice, suivant la différence des temps; que c'est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis-le-Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à saint Louis et à Philippe-le-Bel; que l'ordre judiciaire a été établi et développé par les lois de Louis XI, de Henri II et de Charles IX; enfin que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de l'administration publique par différentes ordonnances, dont rien encore n'avoit surpassé la sagesse.

« Nous avons dû, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, apprécier les effets du progrès toujours croissant des lumières, les rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demi-siècle, et les graves altérations qui en sont résultées. Nous avons reconnu que le vœu de nos sujets pour une charte constitutionnelle étoit l'expression d'un besoin réel; mais, en cédant à ce vou, nous avons pris toutes les précautions pour que cette charte fùt digne de nous et du peuple auquel nous sommes fiers de commander. Des hommes sages pris dans les premiers corps de l'état se sont réunis à des

commissaires de notre conseil, pour travailler à cet important ouvrage.

« En même temps que nous reconnoissions qu'une constitution libre et monarchique devoit remplir l'attente de l'Europe éclairée, nous avons dû nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples étoit de conserver pour leur propre intérêt les droits et les prérogatives de notre couronne. Nous avons espéré qu'instruits par l'expérience, ils seroient convaincus que l'autorité suprême peut seule donner aux institutions qu'elle établit la force, la permanence et la majesté dont elle est elle-même revêtue qu'ainsi lorsque la sagesse des rois s'accorde librement avec le vœu des peuples, une charte constitutionnelle peut être de longue durée; mais que, quand la violence arrache des concessions à la foiblesse du gouvernement, la liberté publique n'est pas moins en danger que le trône même. Nous avons enfin cherché les principes de la charte constitutionnelle dans le caractère françois et dans les monuments vénérables des siècles passés.

« Ainsi nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale et qui doit lier tous les souvenirs à toutes les espérances, en réunissant les temps anciens et les temps modernes. Nous avons remplacé par la chambre des députés ces anciennes assemblées des champs de Mars et de Mai, et ces chambres du tiers-état qui ont si souvent donné tout à-la-fois des preuves de zéle pour les intérêts du peuple, de respect et de fidélité pour l'autorité des

rois.

En cherchant ainsi à renouer la chaîne des temps, que de funestes écarts avoient interrompue nous avons

1814.

1814.

effacé de notre souvenir, comme nous voudrions qu'on pût les effacer de l'histoire, tous les maux qui ont affligé la patrie durant notre absence. Heureux de nous retrouver au sein de la grande famille, nous n'avons su répondre à l'amour, dont nous recevons tant de témoignages, qu'en prononçant des paroles de paix et de consolation! le vœu le plus cher à notre cœur, c'est que tous les François vivent en frères, et que jamais aucun souvenir amer ne trouble la sécurité qui doit suivre l'acte solennel que nous leur accordons aujourd'hui.

« Sûrs de nos intentions, forts de notre conscience, nous nous engageons, devant l'assemblée qui nous écoute, à être fidéle à cette charte constitutionnelle nous réservant d'en jurer le maintien avec une nouvelle solennité devant les autels de celui qui pèse dans la même balance les rois et les nations.

« A ces causes, nous avons volontairement, et par le libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait concession et octroi à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, de la charte constitutionnelle qui suit.

DROITS PUBLICS DES FRANÇOIS.

Art. Ier « Les François sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs.

II. «Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'état.

III. «Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.

IV. « Leur liberté individuelle est également garan

que

tie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté 1814.

dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit.

V. « Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et obtient pour son culte la même protection. VI. « Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'état.

VII. « Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine et ceux des autres cultes chrétiens reçoivent seuls des traitements du trésor royal.

VIII. « Les François ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté.

IX. « Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence entre elles.

X. « L'état peut exiger le sacrifice d'une propriété, pour cause d'intérêt public, légalement constaté, mais avec une indemnité préalable.

XI. « Toutes recherches des opinions et votes émis jusqu'à la restauration, sont interdites. Le même oubli est commandé aux tribunaux et aux citoyens.

XII. « La conscription est abolie; le mode de recrutement de l'armée de terre et de mer est déterminé par une loi.

FORMES DU GOUVERNEMENT.

XIII. « La personne du roi est inviolable et sacrée; ses ministres sont responsables. Au roi seul appartient la puissance exécutive.

XIV. « Le roi est le chef suprême de l'état. Il commande les forces de terre et de mer. Il déclare la guerre

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