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dire autant du conseil de l'usurpateur; tout est mensonge et fourberie dans cette accusation.

En effet à qui persuadera-t-on que le prince qui aima mieux abandonner son trône que de le défendre au péril d'une guerre civile, ait volontairement provoqué le meurtre, le pillage et l'incendie dans son royaume;

Que le même monarque qui, le 10 mars, avoit refusé un secours de trente mille hommes que le prince régent d'Angleterre lui avoit offert contre l'usurpateur, ait sollicité cinq cent mille sauvages du Nord à venir relever son trône sur des cendres et des cadavres ;

Que Louis XVIII, qui régnoit paisiblement depuis dix mois, qui ne vouloit vivre et régner que pour nous faire jouir plus long-temps des douceurs de la paix, ait changé tout-à-coup de caractère, soit devenu un guerrier farouche, un conquérant sanguinaire, un émule de Buonaparte....?

L'absurdité d'une telle imputation saute aux yeux. Personne ne croira que c'est lui qui a déclaré la guerre à tous les princes de la terre, afin de venir ensuite avec eux tom ber sur la France de tout le poids de leurs armes et de leurs vengeances.

Non, personne ne le rendra responsable des affreuses calamités que la seconde croisade européenne attira sur Paris, du sang qui fut versé sous les murs de cette ville, et dans les champs de Waterloo, du pillage de nos bibliothèques et de nos musées, des énormes contributions qui nous ont épuisés, et du traité de paix du mois de novembre 1815, dont les conditions nous ont paru si dures et si humiliantes.

Celui-là seul doit être accusé de nos maux, qui rompit le traité de Fontainebleau, qui viola son ban à l'île

1815.

1815,

d'Elbe, qui vint débarquer en France comme un forban, qui débaucha l'armée de Louis XVIII, qui souleva la populace des villes et des campagnes, qui s'associa les bonnets rouges, les sans-culottes et les fédérés, tous les hommes du régime de 1793; qui, dans ses manifestes, ne prêcha que la révolte et l'impiété, et qui, depuis sa rentrée dans Paris, ne s'occupa qu'à lever des troupes, à fabriquer des armes, à inquiéter les peuples par ses mensonges politiques et par ses manœuvres militaires.

Mais en repoussant ces outrages, c'est leur donner trop d'importance: laissons parler le roi lui-même; son langage simple et touchant le défendra mieux que les plus éloquentes apologies.

MANIFESTE DU ROI,

24 avril 1815.

Manifeste du roi.

« Le roi étoit impatient de parler à ses peuples. Il lui tardoit de leur témoigner tout ce qu'avoient fait éprouver à son cœur ces marques de fidélité, ces consolations inexprimables qui lui ont été prodiguées dans toutes les villes, dans les villages, sur toutes les routes qu'il a traversées, lorsqu'il cherchoit un point de réunion pour les fidèles défenseurs de sa personne et de son état, lorsqu'il demandoit, sans pouvoir le trouver, un rempart derrière lequel ils eussent le temps de s'armer avec lui contre une trahison trop noire, trop basse pour n'avoir pas été imprévue.

<< Mais plus le roi se sentoit profondément ému de cette immense population françoise, et plus il se disoit à lui-même que son premier soin devoit être d'empêcher

que, parmi les nations étrangères, la France ne fût calomniée, déshonorée, exposée à un mépris injuste, à une indignation non méritée, peut-être même à des dangers et à un genre d'attaque qui auroient pu paroître un châtiment juste d'une déloyauté supposée.

« Ce premier soin est rempli. Il l'a été avec un succès digne de la sollicitude de sa majesté, du zèle de ses ministres et de la magnanimité de ses alliés.

« Les ambassadeurs et envoyés du roi près des diverses cours européennes, ses représentants au congrès de Vienne ont, d'après les instructions directes de sa majesté, établi par-tout la vérité des faits et prévenu jusqu'à leur exagération.

<< Toutes les puissances de l'Europe savent aujourd'hui que le roi de France et la nation françoise, plus unis que jamais par tout ce qui peut resserrer les liens d'un bon roi et d'un bon peuple, ont été subitement trahis par une armée infidèle à son prince et à sa patrie, à l'honneur et à ses serments: que cependant parmi les premiers généraux de cette armée, ceux dont les nons en faisoient la gloire, ou se sont ralliés aux drapeaux du roi, ou du moins ont abandonné ceux de l'usurpateur; que des chefs de corps et des officiers de tout grade suivent journellement cet exemple: que même, parmi cette multitude de soldats, entraînés à une défection inconnue dans les fastes militaires, il en est un grand nombre que l'inexpérience a livrés à la séduction, que la réflexion a déja ramenés au repentir, et dont l'égarement doit être mis tout entier à la charge de leurs corrupteurs. L'Europe sait enfin qu'excepté cette portion d'armée devenue indigne de sa gloire passée, et qui a cessé d'appartenir à l'armée françoise,

1815.

1815.

excepté une poignée de complices volontaires, qu'ont fournis à l'usurpateur des ambitieux sans mérite, des gens sans aveu et des criminels sans remords, la nation françoise tout entière, les bons habitants des campagnes, les corporations et les individus, tous les sexes et tous les âges ont suivi et rappelé le roi de tous leurs vœux, ont empreint sur chacun de ses pas un nouvel hommage de reconnoissance et un nouveau serment de fidélité.

« L'Europe sait que, dans Paris, dans Beauvais, dans Abbeville, dans cette grande et glorieuse cité de Lille (1), dont la trahison occupoit les portes et menaçoit d'ensanglanter les murs, à la face et sous le glaive même des traîtres, tous les bras se sont étendus vers le roi, tous les yeux lui ont offert le tribut de leurs larmes, toutes les voix lui ont crié : Revenez à nous, revenez délivrer vos sujets.

"

L'Europe sait et continue d'apprendre que ces invocations n'ont pas cessé de se renouveler ; que, chaque jour, elles arrivent au roi, non pas seulement de tous les points de cette frontière, si éminemment loyale, mais de toutes les parties de son royaume les plus éloignées. Ainsi les mêmes cris qui avoient retenti dans Lille se sont fait entendre dans Bordeaux, où la fille de Louis XVI a laissé le souvenir puissant (joint à tant d'autres) de son courage héroïque. Ainsi les mêmes contrées qui ont vu la première défection, ont vu aussi la première réunion de braves, restés fidéles, se rallier au panache de Henri IV.

(1) Ces paroles flatteuses du roi doivent être considérées comme le juste prix de la fidélité dont les habitants de cette ville lui donnèrent d'éclatants témoignages lors de sa retraite en Belgique.

« Un neveu du roi, le gendre de Louis XVI, a marché à leur tête, sans compter leur nombre. Il a couru combattre la tyrannie et la rebellion. Déja plusieurs succès brillants lui en promettoient un qui eût été décisif; si des traîtres se sont encore trouvés là pour tromper son courage, le signal et l'exemple qu'il a donnés n'ont pas été perdus. On a vu qu'un héritier du trône ne craignoit pas de mourir pour la défense de son pays; et les acclamations des peuples, le jour où il avoit été vainqueur, leurs signes d'affection le jour où il a été trahi, ne sont pas seulement la consolation du présent, mais l'espoir de l'avenir.

« Eh! qu'il soit permis au roi de le dire, comment les sentiments dont son cœur est animé pour ses sujets ne lui eussent-ils pas assuré de leur part un pareil retour? Qui osera démentir le roi, lorsqu'il jurera devant Dieu et devant son peuple que, depuis le jour où la Providence l'a replacé sur le trône de ses pères, l'objet constant de ses desirs, de ses pensées, de ses travaux a été le bonheur de tous les François, la restauration de son pays, plus précieuse pour lui que celle de son trône, le rétablissement de la paix intérieure et extérieure, celui de la religion, de la justice, des lois, des mœurs, du crédit, du commerce et des arts; l'inviolabilité de toutes les propriétés existantes, sans aucune exception, l'emploi de toutes les vertus et de tous les talents, sans autre distinction, la diminution présente des impôts les plus onéreux, en attendant leur prochaine suppression; enfin, la fondation de la liberté publique et individuelle, et l'institution d'une charte qui garantît à la nation ces biens inappréciables?

«Que si, dans des circonstances d'une telle diffi

1815.

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