Page images
PDF
EPUB

hison dont les annales du monde n'offrent pas d'exemple. Cette trahison a appelé l'étranger dans le cœur de la France. Chaque jour me révèle un désastre nouveau. Je dois, pour la dignité de mon trône, pour l'inrérêt de mes peuples, pour le repos de l'Europe, excepter du pardon les instigateurs et les auteurs de cette trame horrible. Ils seront désignés à la vengeance des lois par les deux chambres, que je me propose d'assem

bler incessamment.

« Francois! tels sont les sentiments que rapporte au milieu de vous celui que le temps n'a pu changer, que le malheur n'a pu fatiguer, que l'injustice n'a pu abattre. Le roi, dont les pères régnent depuis huit siècles sur les vôtres, revient pour consacrer le reste de ses jours à vous défendre et à vous consoler. »

Quel étoit l'objet de ces manifestes. d'engager la nation à déposer les armes. Elle y avoit consenti; elle avoit déposé les armes; et dès-lors, devenue étran gère à la vengeance des alliés, elle devoit compter sur la bienveillance, sur la protection et principalement sur les promesses de leurs généraux. Jamais promesses ne furent plus volontaires, plus solennelles et plus unanimes. Il y avoit de leur part autant de justice que de générosité à déclarer qu'une seule victime suffisoit à leur ressentiment.

Comment se fit-il que tout cela fut oublié le lendemain du jour où tout cela fut promis? Quels furent les motifs qui changèrent tout-à-coup les dispositions favorables des alliés à notre égard? Nous n'avons pu acquérir à cet égard que des documents trop incertains pour émettre une opinion: mais nous devons croire que ces motifs furent bien puissants, puisqu'ils expo

1815.

1815.

soient les souverains au reproche d'avoir manqué de parole, et que, par cette conduite, ils compromettoient avec ses sujets le roi, qu'ils s'étoient chargés de ramener dans sa capitale.

L'abdication de Buonaparte n'avoit changé l'état des choses ni à l'intérieur, ni à l'extérieur. Dans l'intérieur, le gouvernement paroissoit exactement le même; il n'y avoit qu'un homme de moins. A l'extérieur, la guerre continuoit aux portes de Paris, dans les plaines de Saint-Denis et de Vaugirard, comme si Buonaparte eût encore été sur le trône.

Ses lieutenants avoient rallié les débris de l'armée vaincue à Waterloo; et de ces débris ils en avoient formé une autre non moins redoutable par son indiscipline que par son courage. Le maréchal Davoust (1), ministre de la guerre, en avoit pris le commandement. Il paroissoit avoir l'intention de se renfermer avec elle dans Paris, et de s'y défendre jusqu'à l'extrémité.

Des affiches nombreuses annonçoient ce projet aussi affreux qu'insensé: des fédérés et des soldats ivres parcouroient les rues en criant: Vive l'empereur, à bas les royalistes. Des journaux atroces soulevoient les faubourgs, et invitoient les habitants à s'ensevelir sous les ruines de leurs maisons. De la chambre des députés, comme d'un foyer volcanique, sortoient tous les soirs

(1) Le maréchal Davoust, né en Bourgogne d'une famille noble, avoit étudié au collège de Brienne avec Buonaparte. Il étoit souslieutenant au régiment de Royal-Champagne en 1789. Il prit parti pour la révolution; et un caractère particulier de bravoure et d'andace le fit avancer rapidement dans les armées de la république. Il fut nommé maréchal de l'empire en 1804, duc d'Auerstaedt en 1807, et prince d'Eckmühl en 1809.

des laves enflammées, qui menaçoient d'embraser Pa

ris et la France.

Notre principal devoir, disoit le 25 juin un membre de cette chambre (1), est d'exalter le zèle des hommes qui se dévouent au salut de la patrie. Aujourd'hui les fédérés dévoués à la belle cause dans laquelle nous sommes tous engagés se sont mis à la disposition de la représentation nationale, et sont prêts à la défendre, soit contre les malveillants de l'intérieur, soit contre les ennemis de l'extérieur. »

« Je

propose, disoit un autre (2), d'envoyer aux armées des commissaires pour en diriger l'esprit. »

« Je demande, disoit un troisième (3), que la cocarde tricolore soit déclarée nationale, et la cocarde blanche incivique et criminelle. »

Tandis qu'on faisoit ces motions dans la chambre des députés, quatre des commandants de la garde nationale juroient de conserver à jamais les couleurs de la révolution.

Les couleurs ont été, dans tous les temps de révolution, le langage du peuple et le symbole des factions. On n'a point oublié les maux qu'ont produits en Angleterre les factions d'Yorck et de Lancastre, sous les noms de rose blanche et de rose rouge. Peu s'en est fallu que les mêmes couleurs, sous la forme d'œillets rouges et blancs, et sous les noms de royalistes et de patriotes, n'aient produit les mêmes désordres en France. Hors des barrières, le drapeau blanc, symbole de la

(1) M. Dumolard.

(2) M. Durbach, séance du 5 juillet. (3) M. Lefèvre, séance du 6 juillet.

1815.

1815.

Horrible

situation

de Paris.

monarchie héréditaire, flottoit sur tous les édifices: dans l'intérieur de la ville, sur tous les monuments publies, flottoit le drapeau tricolor, symbole de la révolution. Il étoit défendu aux hommes, sous peine des insultes les plus graves de la part d'une soldatesque mutinée, de porter à leurs chapeaux des cocardes

blanches.

La chambre des députés autorisoit ou encourageoit ces désordres par une affiche dans laquelle on lisoit:

« Tout gouvernement qui n'auroit d'autre titre que les volontés d'un parti, ou qui seroit imposé par la force, ou qui n'adopteroit pas les couleurs nationales, la liberté de la presse, l'abolition de la noblesse ancienne, ne sera reconnu ni par la nation ni par ses représentants (1). "

Une telle déclaration étoit effrayante pour les habitants de Paris, dans la position où ils se trouvoient. Ils étoient assiégés par une armée de 200,000 hommes, et menacés dans l'interieur d'un soulèvement populaire." D'un côté ils entendoient gronder le canon qui hattoit leurs foibles remparts; de l'autre ils voyoient aiguiser

(1) Si cette prétendue chambre de représentants n'étoit pas ellemême excitée ou encouragée par un parti puissant, mais caché dans l'ombre, il faudroit croire que tous ses membres avoient perdu la tête, et méritoient d'aller délibérer à Charenton.

"

« Le vertige de cette chambre étoit telle, dit le général Gourgaud, que, dans ces moments terribles, elle s'amusoit à de vaines discussions de principes constitutionnels. La postérité ne voudra jamais croire qu'elle porta l'aveuglement au point d'imaginer que des bataillons prussiens viendroient garantir l'exécution de ses décrets. La garde nationale, ayant la même confiance', déclaroit de son côté qu'elle vouloit conserver les couleurs nationales; et cela, le jour que deux cent mille étrangers entroient dans Paris. »

les poignards qui menaçoient leur poitrine. Leurs alarmes étoient grandes et fondées.

Pendant les quatre mortelles journées que dura cet état de choses la ville fut livrée aux plus affreux désordres de l'anarchie. Il n'y avoit plus ni tribunaux, ni administration, ni officiers de police, ni magistrats qui veillassent à la sûreté publique. Tout étoit permis, tout étoit à craindre. Voici le tableau qu'un rapport de la police secrète du temps a tracé de cette situation.

« Paris est abandonné à lui-même. L'embarras déja très grand de cet état de choses s'accroît encore par les tentatives du parti buonapartiste, avec ou sans l'aveu de Buonaparte. Les restes de ce parti s'agitent, excitent les militaires, irritent leurs regrets, et tournent jusqu'à leur désespoir du côté de l'empereur. »

"

Nous avons dit que des frénétiques armés de sabres nus parcouroient les rues, en vomissant des imprécations contre le roi, en appelant le peuple aux armes, en annonçant hautement une Vendée patriotique. Ajoutons qu'à ces cris forcenés, qui effrayoient les femmes et les enfants, se joignoient des voies de fait, et que des outrages grossiers, et des coups souvent mortels effrayoient tous les hommes qui, livrés à leurs affaires particulières, n'avoient ni la pensée ni le desir de partager le délire de ces affreuses saturnales. Aucun citoyen paisible, aucune femme honnête, n'osoient plus paroître dans les promenades, ni même traverser les rues. Les boutiques, les spectacles et les barrières étoient fermés.

Ce que vouloient les factieux, et à quel terme ils devoient s'arrêter, c'est ce que nous ignorons; mais il est probable ou qu'ils avoient été trompés par de faus

1815.

« PreviousContinue »