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1815.

Mécompte du roi.

jours auprès de la multitude, quand le gouvernement ne saura pas en attaquer les causes avec prudence, et en punir les auteurs avec sévérité.

Lorsque le roi rentra la première fois dans son royaume, il n'y vit que des sujets fidéles. Tout favorisoit cette illusion. Les témoignages d'amour qui l'accueillirent sur sa route, depuis les côtes de la Manche jusqu'à son château des Tuileries, ne pouvoient cacher ni des sentiments de haine, ni des projets de révolte. Sa confiance honora son cœur, mais mit en défaut sa pénétration. On sait quel en fut le prix.

En y rentrant la seconde fois, le roi devoit savoir qu'il marchoit sur un terrain miné; qu'il ne pouvoit y faire un pas sans prendre des précautions pour sa sûreté; que la première de toutes les précautions étoit de s'entourer d'amis sûrs, courageux, à l'épreuve de toutes les trahisons, et décidés à se renfermer avec lui dans l'enceinte de la charte, comine dans une citadelle imprenable.

La France alors ne demandoit que du repos, des garanties et un gouvernement. Fatiguée de gloire, de licence, et de tyrannie, elle auroit vu avec plaisir et reconnoissance le trône de Henri IV occupé par un prince qui, comme lui, eût allié la fermeté à la bonté.

L'expérience de tous les temps nous a convaincus que les peuples n'aiment à obéir qu'aux princes qui savent commander.

Si du haut de son trône constitutionnel Louis XVIII avoit déployé contre les deux partis qui l'attaquoient avec aussi peu de bonne foi, mais avec autant d'acharnement l'un que l'autre, la même fermeté que Charles V déploya contre les Bourguignons et les Arma

gnacs, ou Henri IV contre les ligueurs et les calvinistes, ou Buonaparte lui-même contre les royalistes et les jacobins, il auroit obtenu les mêmes succès; il auroit réduit au silence tous les libellistes, et à l'inaction tous les factieux qui, en dénaturant les actes de son régne, et en altérant ses meilleures intentions, ont jeté tant d'alarmes dans les esprits, et ont prolongé pendant si long-temps les troubles de son royaume.

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tente

ments

Au reste, les projets des factieux furent merveilleu- Causes de sement secondés par la conduite que tinrent les alliés pendant les quatre mois qu'ils occupèrent la France. Long-temps après la rentrée du roi, c'est-à-dire longtemps après que toute cau se de guerre eut cessé, les départements restèrent exposés à toutes les horreurs de la guerre. Villes assiégées, villages brûlés, campagnes dévastées, réquisitions, contributions, violences de toute espéce, rien ne fut épargné de la part des étrangers pour exciter la mauvaise humeur des peuples, et pour grossir la foule des mécontents.

En vain le drapeau blanc flottoit sur les remparts, en vain les assiégés demandoient à se rendre au roi, en vain les peuples réclamoient la foi des traités et le texte des proclamations; les assiégeants n'écoutoient rien, ne voyoient que des ennemis dans les François, et paroissoient avoir pris la résolution de mettre pour toujours la France hors d'état de se relever de ses humiliations. On parloit même de la démembrer. On lisoit dans plusieurs feuilles étrangères que, par les mots d'anciennes limites, stipulées dans les traités précédents, il ne falloit plus entendre celles de 1789, mais bien celles de 1150. Dans cette supposition, le Roussillon devoit être rendu à l'Espagne, la Lorraine à l'Autriche, l'Alsace à

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l'Allemagne, et la Bourgogne aux Pays-Bas. On alloit jusqu'à dire que le royaume d'Aquitaine seroit rétabli, et que, pour ôter aux François le goût et les moyens de troubler désormais le repos de l'Europe, la France seroit réduite à l'état où elle étoit à la fin de la seconde

race.

La funeste impression que produisoient ces bruits, vrais ou faux, mais généralement répandus, étoit encore augmentée par la haine violente que nous portoient les Prussiens, par la hauteur que montroient les Anglois, par le silence que gardoient l'Autriche et la Russie. Ces craintes populaires étoient exagérées, mais n'étoient pas sans quelque fondement.

Le cabinet de Russie n'avoit aucun intérêt à nous déDispositions des truire, ni même à nous affoiblir: l'empereur Alexandre grands cabinets. en mettoit beaucoup, au contraire, à nous relever, à

nous conserver, à nous rendre notre ancienne influence dans le midi de l'Europe: il pensoit, avec les plus célébres publicistes, que la grandeur de la France est nécessaire à la prospérité du monde, et qu'elle seule peut balancer le poids de l'Autriche sur le continent, et celui de l'Angleterre sur les deux mers.

Que l'Angleterre cherche à retenir en ses mains le trident de Neptune, ce n'est plus une question; qu'elle prétende faire de ce trident le sceptre du monde, cela n'est pas aussi facile à établir: mais les apparences étoient contre elle(1); et si la plupart des François dé

(1) De toutes les nations de l'Europe, les Anglois sont la seule qui ait trouvé dans la révolution françoise des sources de prospérité et des moyens d'agrandissement. Sa marine s'est agrandie de toutes les pertes de la nôtre. Le faux système continental de Buonaparte n'a profité qu'à son commerce. Par les acquisitions des îles de Malte, de

testoient son orgueil, craignoient son influence, se défioient de sa politique, ce n'étoit pas tout-à-fait sans

raison.

La Prusse avoit été traitée par Buonaparte avec une rigueur insupportable et un mépris plus insupportable encore. Il dut rester dans l'esprit des habitants une profonde irritation et le desir d'une vengeance proportionnée aux injures qu'ils croyoient en avoir reçues. Il n'est donc pas étonnant que de toutes les armées des alliés, celle de Prusse ait commis le plus de dégâts, et laissé le plus de ressentiments en France, et que le cabinet de Berlin ait été en même temps celui qui inspira le plus d'inquiétudes au nôtre.

L'Autriche ne partageoit ni l'animosité de la Prusse, ni la jalousie de l'Angleterre suffisamment agrandie, et amplement dédommagée en Allemagne, en Pologne, et en Italie, elle n'avoit plus rien à demander à la France; elle n'avoit plus d'intérêt à prolonger ses douleurs; elle vouloit assurer le repos de ses sujets sur la foi des traités ; et la foi des traités sur les garanties que lui promettoit une alliance sincère et durable avec la France et la Russie.

Il en faut conclure que la Russie et l'Autriche durent apporter dans les négociations, qui s'ouvrirent à Paris au commencement du mois de septembre 1815, un esprit de sagesse et de fermeté, qui modéra les prétentions de l'Angleterre, calma la fougue des Prussiens, et mit un terme aux malheurs de la France.

Voici le traité qui, en conséquence de ces disposi

Ceylan, de France, et du cap de Bonne-Espérance, l'Angleterre s'est assurée de positions militaires, du haut desquelles elle domine les mers des quatre parties du monde.

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Négocia

tions de paix.

1815.

Traité de paix de 1815.

tions, fut signé à Paris le 20 novembre de la même

année.

« Au nom de la très sainte et indivisible Trinité,

« Les puissances alliées, ayant, par leurs efforts réunis et par le succès de leurs armes, préservé la France et l'Europe des bouleversements dont elles étoient ménacées par le dernier attentat de Napoléon Buonaparte, et par le système révolutionnaire reproduit en France pour faire réussir cet attentat;

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<< Partageant aujourd'hui avec sa majesté très chrétienne le desir de consolider pour le maintien inviolable de l'autorité royale, et la remise en vigueur de la charte constitutionnelle, l'ordre des choses heureusement rétabli en France, ainsi que celui de ramener entre la France et ses voisins ces rapports de confiance et de bienveillance réciproque que les funestes effets de la révolution et du système de conquête avoient troublés pendant si long-temps;

« Persuadées que ce dernier but ne sauroit être atteint que par un arrangement propre à leur assurer de justes indemnités pour le passé et des garanties solides pour

l'avenir;

« Ont pris en considération, de concert avec sa majesté le roi de France, les moyens de réaliser cet arrangement; et ayant reconnu que l'indemnité due aux puissances ne pouvoit être ni toute territoriale, ni toute pécuniaire, sans porter atteinte à l'un ou à l'autre des intérêts essentiels de la France, et qu'il seroit plus convenable de combiner les deux modes de manière à prévenir ces deux inconvénients, leurs majestés impériales et royales ont adopté cette base pour leurs transactions

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