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1892.

Projets de

parte sur

I supposoit un traité avec l'Autriche, dont voici les principales conditions.

<< La France restitue sans indemnité toutes les con

Buona- quêtes qu'elle a faites sur la maison d'Autriche depuis T'Italie. 1792, jusqu'à la ratification dudit traité, à l'exception de ses possessions, aujourd'hui comprises sous le nom de république italienne.

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Napoléon Buonaparte, président de ladite république italienne, en sera déclaré et reconnu souverain sous le nom de roi de Lombardie.

« Sa majesté l'empereur s'engage et promet de le faire reconnoître en cette qualité par les électeurs qui composent le corps germanique. Le royaume de Lombardie sera héréditaire dans la dynastie de Napoléon.

« Voulant mettre un terme aux factions qui désolent la France, Louis-Stanislas-Xavier, frère du dernier roi, est rappelé au trône des François.

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Napoléon, roi de Lombardie, s'engage, si besoin est, d'appuyer de la force de ses armes la rentrée de Louis XVIII dans ses états, et, de concert avec S. M. l'empereur d'Allemagne, de l'aider à s'affermir sur le trône de ses pères.

« S. M. Louis XVIII s'engage, de son côté, à reconnoître Napoléon Buonaparte en qualité de roi de Lombardie, et d'employer ses bons offices pour le faire reconnoître par les cours étrangères.

« La France restera nantie du Hanovre jusqu'à la conclusion de la paix avec l'Angleterre.

« Tous les états envahis rentreront sous la domination de leurs anciens maîtres. >>

En lisant ce projet, il se présente une foule de réflexions ;.nous n'en ferons qu'une seule : c'est qu'avec

le caractère de Buonaparte il étoit impraticable. Ce 1802. traité, signé en 1802, eût été rompu par lui-même en 1804.

mé prési

dent de la

que cisal

pine.

Il y avoit dans la république cisalpine, plus qu'en Il est nomFrance, des hommes qui ne voyoient pas de bon œil l'essor prodigieux que prenoit l'autorité du premier républi consul, et qui avoient deviné ses projets. Il importoit de les gagner ou de les intimider. Les principaux citoyens de la Lombardie reçurent l'ordre de se rendre à Lyon, et de s'y former en consulte extraordinaire, que Buonaparte voulut présider lui-même. La moitié des membres lui étoit vendue, et l'autre trembloit en arrivant.

De tous les peuples de l'Europe, l'Italien est celui qui sait le mieux contraindre ses affections. On peut le gagner par des caresses, on peut l'intimider par des menaces, mais jamais on ne le soumettra par la force. Buonaparte, qui devoit connoître ce caractère, devoit donc avoir recours au seul moyen de se l'attacher: il devoit étre doux et caressant avec eux ; il fut dur et impérieux. Jamais représentants d'un peuple ne furent traités avec plus de hauteur et de sévérité.

Quelques jours avant l'ouverture de l'assemblée générale, il réunit dans son palais ceux dont il redoutoit le plus ou les lumières ou les opinions, et leur tint le discours suivant :

« Messieurs, depuis que je vous ai formés en corps d'état, je n'ai reçu de vous que tribulations et chagrins. Vous regorgez d'intrigants, de factieux et de laches soudoyés par l'Autriche. Je vous déclare, messieurs, que vous avez à choisir ou d'être pays conquis, ou d'être un peuple indépendant. Dans le premier cas, je saurai conserver ma conquête; dans le second, je pro

1802.

tégerai, je ferai respecter la puissance que j'ai créée, et de laquelle je me propose d'être le chef, chose que je n'aurois point faite si j'avois trouvé parmi vous des hommes dépouillés de préjugés, et un homme assez ferme pour vous présider.

« Veuillez donc, messieurs, transmettre à vos collégues cet extrait de mes intentions, qui toutes ne tendent qu'au bonheur de votre pays. Ce sera préparer leurs réponses à ce que j'aurai l'honneur de leur exposer dans l'assemblée générale. »

L'auditoire resta muet de surprise autant que de crainte. Le consul ne recevant point de réponse, reprit d'un ton plus modéré : « Vous paroissez étonnés, messieurs; je n'ai point entendu vous blesser. Mais vous touchez à l'époque qui va vous placer au premier rang des secondes puissances de l'Europe. Tout ce qui suit ou précéde ce grand acte doit étre marqué au coin de l'énergie et de la fermeté. »

Cette seconde partie du discours, quoiqu'elle fût adoucie et dans le style et par le ton de l'orateur, ne fut pas mieux accueillie que la première. Quelques uns des députés se retirèrent fort mécontents; mais leur mécontentement ne changea rien aux déterminations du consul: quatre jours après, il fut nommé président de la république cisalpine, qui prit alors le nom de république italienne.

1803. Cette importante affaire terminée, ses regards se Confédé- portèrent sur la Suisse, qui refusa quelque temps d'ahelveti dopter ses projets. Il y fit marcher des troupes; et, que. après de légers combats et de plus longues discussions,

ration

la force contraignit la justice. Toute résistance cessa, et la Suisse fut constituée, sans sou consentement, en con

fédération helvétique; Buonaparte s'en fit déclarer le protecteur, et lui donna M. d'Affry pour landamman.

Avant d'entrer dans le récit des événements qui vont encore une fois changer la forme du gouvernement françois, nous devons rappeler sommairement quelques faits isolés qui ont signalé la fin de cette année 1803, et le commencement de celle de 1804.

En prenant les rênes du gouvernement, Buonaparte trouva tout à faire, et ne parut pas effrayé de la tâche que sa situation lui imposoit.

Il réorganisa le notariat, les écoles de médecine et celles de pharmacie. Il rétablit l'ordre et une sage police dans les fabriques et les manufactures. Il donna des codes au commerce, à la procédure criminelle et à la procédure civile, et choisit pour les rédiger des hommes connus par leurs lumières et leur probité. Il voulut qu'on revisât les lois qui régissoient la banque de France.

En accordant à ce grand et utile établissement le privilege exclusif d'émettre des billets de banque, il en consolida la fortune. Il créa, sous le nom d'auditeurs, un troisième degré dans la hiérarchie des pouvoirs du conseil d'état. Il nomma M. de Fontanes président du corps législatif, M. Lacepède grand-chancelier de la légion d'honneur, M. Barbé-Marbois ministre du trésor public, etc., etc.

le

Louis I et dernier roi d'Étrurie (1) mourut à Florence, 29 mai 1803, à l'âge de trente et un ans, et M. Necker à Genève, le 9 avril 1804, à l'âge de soixante-huit

(1) Ce jeune prince, fils de don Ferdinand, duc de Parme, et de Marie-Amélie d'Autriche, fut dépossédé de ses états héréditaires par Buonaparte, qui lui accorda pour indemnité le grand duché de Toscane, sous le nom de royaume d'Etrurie.

1803.

1803.

tion de

et de Pi

chegru.

ans. Ces deux personnages s'éteignirent également sans
bruit ;
mais le second en avoit beaucoup trop fait dans
le cours de sa vie. Son nom est désormais et irrévoca-
blement attaché à la révolution françoise. Nous sommes
loin de l'accuser de tous les maux qui sont sortis de
cette malheureuse boîte, de Pandore; mais il est per-
mis de croire, et nous devons dire qu'il fut au moins
coupable d'une grande témérité lorsqu'il y porta la main
pour la découvrir.

nir,

1804. A mesure que le premier consul s'approchoit du Conjura- terme où tendoient tous ses vœux, ses partisans et ses Georges ennemis redoubloient d'efforts, les uns pour le souteles autres pour le renverser. De là vinrent les deux conspirations, dont on a tant parlé sans en expliquer l'amalgame et la cause; l'une en faveur de Buonaparte, l'autre en faveur de Louis XVIII; l'une formée par les royalistes, l'autre par la police; l'une allant droit et franchement au but, par les princes et par les émigrés ; l'autre ayant le double but de tendre un piége à ceux-ci, en paroissant les encourager, et d'élever sur leurs ruines le trône du nouveau monarque.

Que les princes et les émigrés eussent formé le projet de rentrer en France avec le secours des Anglois et des royalistes de l'intérieur, rien n'étoit plus naturel; et cela étoit possible avec un peu d'adresse.

Mais que, pour arriver à ce but, les princes et les émigrés se soient concertés avec leurs plus grands ennemis, aient accordé leur confiance à des bruits vagues, à des libelles mensongers, à des inconnus, à des espions de la police de Buonaparte, voilà ce qui confond tous les calculs de la prudence humaine, et ce qui n'est pas malheureusement moins vrai.

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