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les mêmes malheurs que ceux de Louis XIV. Mais en 1815, cette cause de revers n'existait pas; d'où proviennent donc ceux qui eurent lieu à cette époque? De la trahison: les faits vont le prouver. Pour mettre à même de bien apprécier ces faits, je vais dire quelques mots sur Fouché, et citer ensuite deux passages d'un des ouvrages de Mme de Staël qui, avec Lafayette, était à la tête de la faction orléaniste.

Fouché, comme Talleyrand et Lafayette, voulait être le plus en évidence, avoir une influence supérieure à celle des autres, en un mot, jouer le rôle du cardinal de Richelieu, en ayant dans le gouvernement la première place, quoique le titre en fût porté par un autre. Sous l'homme dont le génie civil était égal au génie militaire, il ne pouvait point y avoir un premier ministre ; Fouché désirait donc la chute de Napoléon, et pour amener cette chute, lui aussi ne comptait que sur l'intervention étrangère, qui n'était possible qu'autant que nos armées seraient anéanties ou paralysées. Fouché ménageait adroitement les factions orléaniste, légitimiste et républicaine, faisant croire à chacune d'elles qu'il lui était entièrement dévoué, se réservant ainsi les moyens de se déclarer pour celle qui, avec les meilleures chances de réussite, lui offrirait le plus de certitude d'y occuper la place prépondérante. Fouché, dès 1814, avait eu des relations avec les Bourbons des deux

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pranches, et depuis le mois d'avril 1815, il entreenait des correspondances avec nos ennemis, ntre autres avec le duc de Wellington.

Mme de Staël dit, dans son ouvrage, Dix ans exil, page 20: « Je souhaitais que Bonaparte fût battu (lors de la campagne de Marengo), parce que c'était le seul moyen d'arrêter les progrès de sa tyrannie; toutefois, je n'osais avouer cedésir, et le préfet du Léman, M. d'Eymar, ancien député à l'Assemblée constituante, se rappelant le temps où nous chérissions ensemble 'espoir de la liberté, m'envoyait des courriers toutes les heures, pour m'apprendre les progrès des Français en Italie. Il m'eût été difficile le faire concevoir à M. d'Eymar, homme fort ntéressant d'ailleurs, que le bien de la France xigeait qu'elle eût alors des revers, et je recevais es prétendues bonnes nouvelles qu'il m'envoyait, 'une façon contrainte qui s'accordait mal avec

e n'était point un simple vou; un courrier, ti de Marengo au moment où la bataille paraisperdue, étant arrivé en toute hâte à Paris, la erie de Mme de Staël et celle des républicains se issaient déjà pour renverser Napoléon, lorsrriva la nouvelle de la décisive victoire. toire de France, par M. Bignon, tome Ier, 204.) Et lorsque d'indignes Français vout en agir ainsi, il n'y avait que sept mois que

Napoléon avait arraché notre patrie à une affreuse guerre civile, à une complète anarchie, qui avait détruit nos finances, ce nerf de la guerre, anéanti toutes nos ressources militaires, et par là rendue imminente, pour 1800, l'invasion de la France par ses ennemis.

Une chose qu'il faut bien remarquer, c'est que, dans le même ouvrage (Dix ans d'exil, page 9), Mme de Staël, parlant de l'opposition de la minorité du Tribunat qu'elle avait beaucoup contribué à faire naître, et qui ne se manifesta que deux ans après la bataille de Marengo, dit : « Bonaparte » n'avait rien fait de précisément coupable; » mais elle ajoute, « qu'on pressentait son despotisme. » Si, sur de simples soupçons, les cotteries orléaniste et républicaine réunies désiraient que la France eût des revers, et agissaient pour lui procurer ce bonheur, ces actions et ces vœux devaient être portés à l'extrême, lorsque la gloire civile et militaire dont se couvrit Napoléon, de 1800 à 1815, avait tout à fait jeté dans l'ombre les réputations acquises par la plume ou la parole, et non par des services réels rendus à la France.

Comme toujours, comme maintenant, c'était en profanant le nom de la liberté, que les ambitieux sans capacité gouvernementale, cherchaient à assouvir leur jalouse haine contre celui qui la possédait la guerre civile, le triomphe des ennemis leur en offraient le seul moyen aussi faisaient-ils

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tout ce qu'ils pouvaient pour désunir les Français, afin d'encourager par là nos ennemis de vingt-cinq ans à nous attaquer de nouveau.

Les puissances étrangères, comme en 92, avaient repoussé toutes les avances qui leur furent faites par le gouvernement français pour que la paix fût maintenue. Napoléon fut donc forcé à faire la guerre. Deux partis s'offraient à lui. Se tenir sur la défensive en concentrant l'armée principale dans les environs de Paris, qu'il avait fait fortifier, ou bien prendre l'initiative de l'attaque. Attendre les ennemis, c'était leur donner le temps nécessaire pour réunir toutes leurs armées; c'était, en outre, livrer à la dévastation une partie de la France; de plus, la défensive ne convient pas du tout au ca ractère français, excellent, au contraire, pour l'attaque. Sous tous les rapports, l'Empereur devait donc se décider pour la guerre offensive.

Les prodiges faits depuis le 21 mars jusqu'à juin 1815, pour créer de nouvelles armées et les pourvoir, ainsi que les places fortes réparées de tout le matériel qui leur était nécessaire, prouvent que son génie organisateur était toujours aussi grand que par le passé. Les faits vont démontrer qu'il en était de même pour son génie militaire.

En juin 1815, les armées autrichienne et russe étaient éloignées; près de nos frontières du Nord, dans des cantonnements séparés, se trouvaient

celles de la Prusse, de l'Angleterre, et les contingents du roi de Hollande et de divers princes.

Notre armée était à peu près égale à chacune des armées anglaise et prussienne; si Napoléon leur laissait le temps de se réunir, nous combattions un contre deux; si, au contraire, par la rapidité de ses mouvements, il les attaquait auparavant, la disproportion était moins grande, deux contre trois, car dans ce cas là, il fallait qu'un tiers de notre armée tînt en échec l'une des deux armées ennemies, tandis qu'avec les deux tiers restants on tomberait sur l'autre.

Si les armées anglaise et prussienne avaient opéré leur retraite pour aller à la rencontre des armées autrichienne et russe, qui arrivaient à marches forcées, l'avantage que nous aurions trouvé dans l'occupation de la Belgique n'eût point compensé l'immense inconvénient d'avoir affaire à tous nos ennemis réunis, ce qui nous aurait obligé de combattre un contre cinq ou six. L'Empereur devait donc employer tous les moyens pour engager ou forcer les Anglais et les Prussiens à combattre et non point à se retirer.

L'Empereur, le 14 juin, ouvre la campagne de 1815. Le général Jomini, qui, depuis 1813, combattait contre nous, et qui est reconnu comme un des premiers écrivains militaires, dit dans son Précis de la campagne de 1815, p. 146: « Cette » entrée en campagne de Napoléon et son premier

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