Page images
PDF
EPUB

suffisent point pour convaincre tout homme impartial, un très-petit nombre de réflexions prouvera que l'Angleterre ne croit pas à ces engagemens secrets pris par la Russie contre elle.

En effet, si le cabinet de Londres croyait qu'il existait de tels engagemens entre la France et la Russie, pourquoi dans le moment même où il avait fait cette découverte, qui le portait à attaquer Copenhague, ne faisaitil pas attaquer l'escadre russe dans la Méditerranée, et lui permettait-il de franchir librement le détroit de Gibraltar ? Pourquoi trois vaisseaux russes, qui venaient de la mer du nord, traversaient-ils l'escadre anglaise qui bloquait Copenhague ? Pourquoi, s'il était vrai que des conditions secrètes eussent été stipulées à Tilsit au désavantage de l'Angleterre, le cabinet de Londres recourait-il à la médiation de la Russie pour concilier ses différends avec le Danemarck? Que ces ministres soient aumoins d'accord avec eux-mêmes, et qu'ils ne disent pas quelques pages plus bas, ces propres mots :" "Et cependant jusqu'à la publication de la déclaration russe, c'est à dire jusqu'en Novembre) S. M. n'avait aucune raison de soupçonner que, quelle que put être l'opinion de l'empereur de Russie sur les événemens de Copenhague, elle pût empecher S. M. I. de se charger, à la demande de la Grande-Bretagne, de ce même rôle de médiateur. Ainsi les

Anglais ont eu recours à la médiation de la Russie pour s'arranger avec le Danemarck plus de trois mois après le traité de Tilsit, et ils prétendent, comme on le verra encore plus bas, n'avoir fait l'expédition de Danemarck que pour s'opposer à l'exécu tion des arrangemens de Tilsit, et pour déjouer un des objets de ces arrangemens. Ils se sont emparés des vaisseaux danois à cause des arrangemens que l'empereur de Russie avait faits à Tilsit; ils ont laissé passé librement les vaisseaux de l'empereur de Russie; ils étaient en paix avec la Russie puisqu'ils

avaient recours à sa médiation; il n'est donc pas vrai qu'ils croient aujourd'hui que ces arrangemens ont existé. Que cette malheureuse nation est déchue! par quels misérables conseils ses affaires sont-elles dirigées! Ses ministres, en arrêtant un manifeste de quelques pages, n'ont pas même assez de bon seus et de réflexion pour éviter des contradictions aussi grossières.

(2) La bonne foi du cabinet de Londres paraît ici dans tout sou jour : il esperait que l'empereur de Russie après avoir pris des enga à l'Angemens contraires gleterre, y manquerait presqu'aussitôt. Le gouvernement anglais en juge sans doute d'après ses propres sentimens.

Il révèle son secret à toute la terre. Les traités qu'il signe ne sont que des actes, éventuels; les obligations qu'il contracte ne sont que

C'est à cet espoir qu'il faut attribuer la patience et la modérations apportées par sa majesté dans toutes ses relations diplomatiques avec la cour de St. Petersbourg depuis la paix de Tilsit. Sa majesté avait de fortes raisons de concevoir des soupçons et

des engagemens simulés qu'il tient ou qu'il viole au gré de ses caprices ou de ses intérêts. Nous le répétons, l'empereur de Russie n'a rien signé à Tilsit qui fût contraire aux intérêts de l'Angleterre ; mais s'il l'eût fait, son caractère, sa loyauté n'autorisaient pas l'Angleterre à penser qu'il aurait aussitôt violé ses engagemens. Nous ne releverous pas le ton de tout ce paragraphe où on représente la Russie cédant à un moment d'alarme et d'abuttement: les Russes y répon dront mieux que nous. Nous remarquerons seulement la differénce qui existe entre la déclaration de la Russie et la réponse de l'Angleterre. On trouve dans la première le noble langage d'un prince qui respecte le rang suprême et la dignité des nations; qui, s'il dit des faits houteux pour un état, ne les dit que parce qu'il y est forcé pour exposer ses motifs de plainte. Nous voyous, au contraire, dans la réponse de l'Angleterre, la grossière insolence d'un club oligarque qui ne respecte rien; qui cherche à humilier par ses expressions, et qui, au défaut de bonnes raisons, à recours à des imputations calomnieuses et à des sarcasmes outrageans;

de justes sujets de planites; mais elle s'est abstenue de tout reproche. Sa majesté a cru nécessaire de demander des explications relativement à certains arrangemens conclus avec la France, et dont le secret qu'on en faisait à sa majesté ne pouvait que la confirmer dans les soupçons qu'elle avait déjà conçus sur leur caractère et leur objet. Sa majesté n'en voulut pas moins que cette demande d'explication fût faite, nonseulement sans aigreur ou sans demonstrations hostiles, mais encore qu'elle fût accompagnée d'égards pour les sentimens et la situation de l'empereur de Russie, égards que commandaient le sonvenir d'une ancienne amitié et d'une confiance interrompue, mais non détruite. (3)

La déclaration de l'empereur de Russie prouve que le but de la patience et de la modération de S. M. a été manqué; elle prouve malheureusement que l'influence de cette puissance, également et essentiellement l'ennemie de la Grande-Bretagne et de la Russie, a pris un ascendant décidé dans les conseils du cabinet de Pétersbourg; et a pu exciter une inimitié sans cause entre deux nations, dont les anciennes liaisons et l'intérêt mutuel leur prescrivaient l'union et la co-opération les plus intimes.

S. M. déplore vivement l'extension des calamités de Ja guerre; mais forcée comme elle l'est, de se défendre contre un acte d'hostilité non provoqué, elle désire forte

(3.) Deux grandes nations égales en force, en courage, versaient des flôts du plus pur de leur sang pour le seul intérêt des oppresseurs des mers: ces calamités ont touché les deux souverains. Ils ont voulu les faire cesser, et l'empereur de Russie, lors même qu'il était animé par un si puissant motif, à désiré faire sentir à l'Angleterre des effets de son ancienne affection: il a demandé que la France acceptât sa médiation; condition que la générosité de l'empereur de Russie a rendu moins pénible à l'empereur des Français: elle pourait l'être cependant, puisque la médiation qu'il s'agessait d'accepter était celle d'un prince si nouvellement réconcilié avec la France; et cette médiation

ment de réfuter aux yeux du monde entier, les prétextes par lesquels on cherche à justifier cet acte.

La déclaration affirme que l'empereur de Russie a pris deux fois les armes dans une cause qui intéressait plus directement la Grande-Bretagne qu'elle-même, et fonde sur cette assertion le reproche qu'elle fait à l'Angleterre d'avoir négligé de seconder et d'appuyer les opérations militaires de la Russie.

la

S. M. rend volontiers justice aux motifs qui ont originuirement engagé la Russie dans la guerre contre France; S. M. avoue tout aussi volontiers l'interêt que la Grande-Bretagne a toujours pris au sort et à la prospérité des puissances du con❤ tinent; mais il serait sûrement difficile de prouver que la Grande-Bretagne, qui était elle-même en état de guerre avec la Prusse, lorsque les hostilités ont commencé entre la Prusse et la France, avait un intérêt et des obligations plus directes, que l'empereur de Russie, épouser la querelle de la Prusse, surtout lorsqu'on

ainsi proposée, ainsi accueillie, l'Angleterre, au lieu de l'accepter avec empressement, a répondu a tant de générosité avec une défiance insultante; elle a demandé qu'avant tout on lui communiquât les articles secrets du traité de Tilsit qui la concernaient; on lui a répondu qu'il n'existait point d'articles secrets qui la concernassent, et il aurait fallu sans doute que l'empereur de Russie en forgeât exprès pour dissiper un odieux soupçon, lui qui, dans les négociations, a eu toujours à cœur de laisser la porte ouverte aux arrangemens entre la France et l'Angleterre. il n'avait pas lieu de s'attendre à être si mal récompensé de soins si générenx. En vérité, il est dif ficile de porter plus loin l'oubli de toutes convenances, de tout sentiment et de toute raison.

« PreviousContinue »