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Le roi quitta Madrid le 1er Août, et toute l'armée rentra dans des quartiers de rafraîchissement.

Le 22 Août, les insurgés n'étaient point encore entrés à Madrid; ils paraissaient livrés au désordre et à la division.

Le 2o le roi était à Burgos, et les partis envoyés à 15 et 20 lieues n'avaient eu connaissance de l'ennemi dans aucune direction.

Tous les hommes d'un sens droit voient avec douleur l'Angleterre obtenir le triste succès d'établir au milieu des espagnols une guerre civile dont l'issue ne saurait être dou

teuse.

Mais que peuvent les lumières et la raison de la classe intermédiaire sur un peuple ignorant, en proie à toute la séduction du fanatisme, des illusions populaires, et de la corruption étrangère !

Le général Duhesme est rentré à Barcelone pour réunir son corps et contenir cette ville importante dont il occupe tous les forts.

La croisière anglaise étant parvenue à jeter quelques agens à Bilbao, le peuple de cette ville avait été assez insensé pour se porter à une insurrection, à laquelle les négocians et les hommes honnêtes n'avaient pris aucune part. Le général Merlin à marché sur cette place avec deux escadrons et deux régimens d'infanterie ; il a enlevé deux couvens de vive force, a désarmé les insurgés et a rétabli le gouvernement de la province. La perte des insurgés a été de 500 hommes. Nous avons eu trois hommes tués et douze blessés.

Tel est le récit exact des événemens de la campagne d'Espagne. Il n'y a pas eu un combat pas une seule action où le courage des troupes ne se soit signalé avec avantage.

Si le général Dupont avait tenu ses troupes réunies, il aurait sans effort culbuté les insurgés, puisque leur armée n'était composée que de trois divisions formant à peine 20,000 hommes.

Les rassemblemens des insurgés méritent à peine de compter dans cette guerre. Ils se défendent derirère un mur, une maison, mais ils ne tiennent jamais en pleine campagne, et un escadron ou un bataillon suffit pour en disperser plusieurs milliers. La principale armée des insurgés était celle que le maréchal Bessières a détruite à Medina-del-Rio-Secco.

Tout ce que les papiers anglais ont publié sur les affaires d'Espagne est faux et absurde. L'Angleterre sait fort bien à quoi s'en tenir à cet égard: elle sait aussi ce qu'elle peut espérer de tous ses efforts: son but est d'agiter les Espagnes pour se saisir ensuite de quelques positions à sa convenance.

Paris, le 7 Septembre, 1808.

Le sénat s'est réuni, hier 5 Septembre, sous la présidence de S. A. S. le prince archi-chancelier. Le prince archi-tré

sorier, le prince vice grand électeur, et le prince vice connétable assistaient à la séance.

Les minstres des rélations extérieures et de la guerre ont donné communication des rapports ci-après.

Un message de S. M. a été aussi lu au sénat.

Rapport du ministre des relations extérieures à S. M. I. et R. Bayonne, le 24 Avril, 1808,

Sire, La sûrete de votre empire, l'effermissement de sa puissance, la nécessité d'employer tous les moyens pour forcer à la paix un gouvernement qui se faisant un jeu du sang des hommes et de la violation de tout ce qu'il y a de plus sacré parmi cux, a mis en principe la guerre perpétuelle imposent à V. M. l'obligation de mettre un terme à l'anarchie qui menace l'Espagne et aux dissentions qui la déchirent. La circonstance est grave, le choix du parti à prendre extrêmement important, il tient à des considérations qui intéressent au plus haut degré et la France et l'Europe.

De tous les états de l'Europe, il n'en est aucun dont le sort soit plus nécessairement lié à celui de la France que l'Espagne. L'Espagne est pour la France, ou une amie utile, ou une ennemie dangereuse. Une alliance intime doit unir les deux nations, ou une immitié implacable les séparer. Malheureusement la jalousie et la défiance qui existent entre deux nations voisines ont fait de cette inimitié l'état le plus habituel des choses. C'est ce qu'attestent les pages sanglantes de l'histoire. La rivalité de Charles V. et de François I. n'était pas moins la rivalité des deux nations que celle de leurs souverains; elle fut continuée sous leurs successeurs. Les troubles de la ligue furent suscités et fomenté par l'Espagne: elle ne fut point étrangère aux désordres de la fronde, et la puissance de Louis XIV. ne commença à s'élever que, forsque après avoir vaincu l'Espagne, il forma avec la maison alors régnante dans ce royaume, une alliance qui dans la suite, fit passer cette couronne sur la tête de son petit-fils. Cet acte de sa prévoyante politique a valu aux deux coutrées un siécle de paix, après trois-siécles de guerre.

Mais cet état de choses a cessé avec la cause qui l'avait fait naître. La révolution française a brisé le lien permanent qui unissait les deux nations. Et lors de la troisième coalition, lorsque l'Espagne prodiguait à la France les protestations d'amitié, elle promettait secrètement son assistance aux coalisés, comme l'ont fait connaître les pièces communiquées au parlement d'Angleterre. Le ministère anglais se détermina, par ce motif à ne rien entreprendre contre l'Amérique espagnole, regardant déjà l'Espagne comme son alliée, et l'Espagne, ainsi que l'Angleterre, prséageant la défaite de vos armées. Les événemens trompèrent cette attente et l'Espagne

reste amie.

A l'époque de la quatrième coalition, l'Espagne montra Ннн2

plus ouvertement ses dispositions hostiles et trahit, par un acte public, le secret de ses engagemens avec l'Angleterre. On ne peut oublier cette fameuse proclamation qui précéda de neuf jours la bataille d'Jena, par laquelle toute l'Espagne était appelée aux armes, lorsqu'aucun ennemi ne la menaçait, et qui fut suivie de mesures promptement effectuées, puisque l'établissement militaire de ce royaume fut porté de 118 mille hommes à 140 mille. Alors le bruit s'était répandu que l'armée de V. M. était cernée, que l'Autriche allait se déclarer contre elle, et l'Espagne crut pouvoir aussi se déclarer impunément. La victoire d'Jena vint confondre ses projets.

Le moment est arrivé de donner à la France du côté des Pyrenées, une sécurité invariable. Il faut que si jamais elle se trouve exposée à de nouveaux dangers, elle puisse, loin d'avoir à craindre l'Espagne, attendre d'elle des secours, te qu'au besoin les armées espagnoles marchent pour la défendre. Dans son état actuel, l'Espagne mal gouvernée sert mal, ou plutôt ne sert point la cause commune contre l'Augleterre. Sa marine est négligée; à peine compte-t-on quelques vaisseaux dans ses ports, et ils sont dans le plus mauvais état; les maga sins manquent d'approvisionnemens; les ouvriers et les matelots ne sont pas payés; il ne ses fait, dans se ports, ni radoubs, ni constructions, ni armemens. Il règne dans toutes les branches de l'administration le plus horrible désordre; toutes les ressources de la monarchie sont dilapidées; l'état, chargé d'une dette énormé, est sans crédit; les produits de la vente des biens du clergé, destinés à diminuer cette dette, ont une autre destination; enfin, dans la pénurie de ses moyens, l'Espagne, en abandonnant totalement sa marine s'occupe cependant de l'augmentation de ses troupes de terre. De si grands maux ne peuvent être guéris que par de grands changemens.

L'objet le plus pressant des sollicitudes de V. M. est la guerre contre l'Angleterre. L'Angleterre annonce ne vouloir se prêter à aucune accommodement. Toutes les ouvertures de V. M. ont été repoussées on négligées. L'impuissance de faire la guerre déterminera seule l'Angleterre à conclure la paix. La guerre contre elle ne peut donc être poussée avec trop de vigueur. L'Espagne a des ressources maritime qui sont perdues pour elle et pour la France. Il faut qu'un bon gouvernement les fasse renaître, les améliore par une judicieuse organisation et que V. M. les dirige contre l'ennemi commun, pour arriver enfin à cette paix que l'hu manité réclame, dont l'Europe entière a si grand besoin. Tout ce qui conduit à ce but est légitime. L'intérêt de la France, celui de l'Europe continentale ne permettent pas à V. M. de négliger les seuls moyens par lesquels la guerre contre l'Angleterre peut être poursuivie avec succès.

La situation actuelle de l'Espagne compromet la surêté de la France et le sort de la guerre contre l'Angleterre. Le pays de l'Europe qui offre le plus de moyens maritimes est celui qui en a le moins.

Sire, l'Espagne sera pour la France une amie sincère et fidèle, et la guerre contre l'Angleterre ne pourra être continuée avec l'espérance d'arriver à la paix, que lorsqu'un in. térêt commun unira les deux maisons régnant sur la France et sur l'Espagne. La dynastie qui gouverne l'Espagne, par ses affections, ses souvenirs, ses craintes, sera toujours l'ennemie cachée de la France, ennemie d'autant plus perfide qu'elle se présente comme amie, cédant tout à la France victorieuse: prête à l'accabler du moment où sa destinée deviendrait incertaine.

Il faut pour intérêt de l'Espagne comme pour celui de la France, qu'une main ferme vienne rétablir l'ordre dans son administration, dont le désordre a avili son gouvernement, et prévenir la ruine vers laquelle elle marche à grands pas. II faut qu'un prince ami de la France par sentiment, par intérêt, n'ayant point à la craindre, et ne pouvant être un objet de défiance pour elle, consacre toutes les ressources de l'Espagne à sa prospérité intérieure, au rétablissement de sa marine, au succès de la cause qui lie l'Espagne à la France et au Continent. C'est l'ouvrage de Louis XIV, qu'il faut recommencer.

Ce que la politique conseille, la justice l'autorise. L'Espagne s'est réellement mise en guerre avec V. M.: ses intelligences avec l'Angleterre étaient un acte hostile; sa proclamation du 5 Octobre une véritable déclaration de guerre qui aurait été suivie d'une agression, si V. M. n'avait pas vaincu à Jéna; alors les départemens de la gauche de la Loire que V. M. avait laissés sans troupes, auraient été obligés d'accourir pour repousser ce nouvel ennemi.

Les commerçans français en Espagne avaient perdu leurs anciens priviléges, les lois de douanes étaient dirigées principalement contre le commerce français; elles étaient remarquables par leur arbitraire et leur perpétuelle variation. Ces variations ne pouvaient être connues, elles n'avaient aucune publicité. Ce n'était que dans les bureaux des douanes que l'on apprenait que la loi de la veille n'était plus celle du lendemain. Les marchandises confisquées, souvent sans prétexte, n'étaient jamais rendues. Toutes les réclamations faites par des Français ou pour des intérêts frauçais, étaient repoussées. Pendant que l'Espagne faisait ainsi la guerre en détail aux Français, et à leur commerce tous ses ports, et principalement ceux du golfe de Gascogne, étaient ouverts au commerce anglais. Les lois de blocus proclamées en Espagne comme en France, n'étaient qu'un moyen de plus favoriser cette contrebande des Anglais dont les marchandises se répandaient de l'Espagne dans le reste de l'Europe.

Mais indépendamment des considérations que je viens de retracer, les circonstances actuelles ne permettent pas à votre Majesté de ne point intervenir dans les affaires de ce royaume. Le roi d'Espagne a été précipité de son trône. V. M. est a❤ pelé à juger entre le père et le fils. Quel parti prendra-t

elle? Voudrait-elle sacrifier la causse des souverains et permettre un outrage fait à la majesté du trône? Voudrait-elle laisser sur le trône d'Espagne un prince qui ne pourra se soustraire au joug des Anglais, qu'autant que V. M. entretiendra constamment une armée puissante en Espagne? Si au con traire V. M. se détermine à replacer Charles IV sur son trône, elle sait qu'elle ne peut le faire sans avoir à vaincre une grande résistance et saus faire couler le sang français ? Ce sang que la nation prodigue pour la défense de ses propres intérêts peutil être versé pour l'intérêt d'un roi étranger dont le sort n'importe nullement à la France? enfin V. M. peut-elle, ne prenant aucun intérêt à ces grands différends, abandonner la nation espagnole à son sort lorsque déjà une extrême fermentation l'agite, et que l'Angleterre y sème le trouble et l'anarchie? V. M. doit-elle laisser cette nouvelle proie à dévorer à l'Angleterre? non, non, sans doute. Ainsi, V. M. obligée de s'oc cuper de la régénération de l'Espague d'une manière utile pour ce royaume, utile pour la France, ne doit donc ni rétablir au prix de beaucoup de sang un roi détrôné, ni abandonner l'Espagne à elle-même; car dans ces deux dernières hypothèses, ce serait la livrer aux Auglais dont l'argent et les intrigues ont amené les déchiremens de ce pays.

J'ai exposé à V. M. les circonstances qui l'obligent à pren dre une grande détermination. La politique la conseille, la justice l'autorise, les troubles de l'Espagne en imposent la necéssité. V. M. doit pourvoir à la sûreté de son empire et sauver l'Espagne de l'influence de l'Angleterre.

Je suis avec respect

Sire,

De votre majesté impériale et royale le très-humble ser-
viteur, et le très-dévoué et très-fidèle sujet,
Le ministre des relations extérieures,

(Signé) CHAMPAGNY,

Rapport du ministre des relations extérieures. Sire, Paris, le 1er Septembre, 1808. J'ai l'honneur de proposer à V. M. de communiquer au sénat les deux traités qui ont mis la couronne d'Espagne entre ses mains (voyez ci-après), et la constitution que, sous ses auspices et éclairée par ses lumières, la junte rassemblée à Bayonne, après de mûres et libres délibérations, a adopté pour la gloire du nom Espagnol, et la prospérité de ce royaume et de ses colonies. (Voyez le No. 187, 15 Juillet.)

Si, dans les dispositions que V. M. a faites, la sécurité de la France a été votre soin principal, l'intérêt de l'Espagne lui a cependant été cher, et en unissant les deux états par l'alliance la plus intime, la prospérité et la gloire de l'un et de l'autre étaient également le but qu'elle se prosposait Les troubles ui se manifestaient alors en Espagne excitaient particulièrement la solicitude de V. M.; elle craignait les progrès; elle

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