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pagne enfin, nous avons pris 120 pièces de canon, 7 drapeaux; tue, blessé ou fait prisonniers 60,000 Russes; enlevé à l'armée ennemie, tous ses magasins, ses hôpitaux, ses ambulances; la place de Koenigsberg, les 300 bâtimens qui étaient dans ce port chargés de toute espèce de munitions; 160,000 fusils que l'Angleterre envoyait pour armer nos ennemis.

Des bords de la Vistule, nous sommes arrivés sur ceux du Niémen avec la rapidité de l'aigle. Vous célébrâtes à Austerlitz l'anniversaire du couromement; vous 'avez cette année dignement célébré celui de la bataille de Marengo qui mit fin à la guerre de la seconde coalition.

Français, vous avez été dignes de vous et de moi. Vous rentrerez en France couverts de tous vos lauriers, et après avoir obtenu une paix glorieuse qui porte avec elle la guarantie de sa durée. Il est tems que notre patrie vive en repos, à l'abri de la maligne influence de l'Angleterre. Mes bienfaits vous prouveront ma reconnaissance et toute l'étendué de l'amour que je vous porte.

Au camp impérial de Tilsit, le 22 Juin, 1807.

9 Juillet, 1807.

S. M. l'empereur et roi, par sa lettre du 22 Juin au prince archi-chancelier, avait ordonné que le corps de S. A. I. Napoléon-Charles, prince-royal de Hollande, décédé à la Haye le 5 Mai dernier, serait déposé dans une chapelle de l'église de Notre-Dame, pour y être gardé jusqu'au moment où l'église impériale de Saint-Denis, entièrement réparée, et pour ainsi dire reconstruite, permettrait de l'y transporter. En conséquence de ces ordres, que sur l'invitation de S. A. S. Mgr. le prince archi-chancelier de l'Empire, le ministre de l'intérieur avait transmis à M. de Caulaincourt, grand écuyer de la couronne de Hollande, chargé de la conduite de ce précieux dépôt, le corps du prince défunt a été conduit à Saint-Leu, le 7 Juillet, il est parti de Saint-Leu dans une des voitures de S. M. où se trouvait un aumônier de S. M. le roi de Hollande, toujours sous la garde de M. de Caulaincourt, qui suivait dans une autre voiture. Le convoi était escorté par un piquet de la garde-impériale à cheval; il est arrivé à deux heures et demie à la grande porte de l'église métropolitaine qu'occupait un détachement de la garde-impériale à pied. Là s'étaient rendus S. A. S. Mgr. le prince archi-chancelier de l'empire, assisté des deux ministres de l'intérieur et des cultes, ainsi que S. Em. le cardinal-archevêque accompagné de son clergé.

S. Exc. le grand écuyer de Hollande, en faisant, la remise du corps, s'est adressé au prince archi-chancelier, et lui a dit: "Monseigneur, par les ordres de S. M. le roi de Hollande, je remets entre les mains de V. A. S. le corps de S. A. 1.

r

Napoléon-Charles, prince royal de Hollande, lequel est contenu dans cette bierre; dans ces deux boîtes de plomb que je remets également à V. A., sont renfermés le cœur et les entrailles de ce prince."

S. A. S. a répondu: "Monsieur, je reçois de vos mains le dépôt précieux dont vous avez été chargé ;" et se retournant vers S. Em. le cardinal-archevêque, il lui a dit: "Monsieur le cardinal, par les ordres de S. M. l'empereur et roi, je remets entre les mains de V. Em. le corps de S. A. I. Napoléon-Charles, prince royal de Hollande, qui doit être gardé dans votre église, jusqu'à sa translation dans celle de Saint-Denis:" S. Em. a répondu, "qu'elle et son chapitre veilleraient avec soin à la conservation du précieux dépôt dont S. M. voulait bien les honorer."

Après quoi, tout le cortége s'est rendu dans la chapelle de Saint Gérand, située à droite, derrière le chœur, qui avait été préparée pour recevoir le corps du prince.

Il a été déposé sur une estrade en face de l'autel; la chapelle a été fermée, et S. A. S. le prince archi-chancelier, S. Em. le cardinal-archevêque. LL. EE. les ministres de l'intérieur et des cultes, et le grand écuyer de S. M. le roi de Hollande se sont retirés dans le palais archi-épiscopal pour y signer le procès-verbal de la translation et du dépôt provisoire du corps du prince royal de Hollande.

Quoique cette cérémonie n'ait eu aucune solemnité, l'objet n'a pu en être ignoré; elle a occasionné autour de l'église, dont les portes ont été fermées au public, un grand concours de peuple, et il a été facile de lire sur le visage des spectateurs l'impression douloureuse qu'ils éprouvaient en voyant le convoi de ce jeune prince, objet de tant d'affections, et déjà sujet de tant d'espérance, enlevé à sa famille, à la France, à la Hollande à qui il était également cher. La douleur publique s'accroissait de la douleur connue de ses augustes parens, et cette première perte d'une illustre famille à qui la France doit sa gloire et sa prospérité, à qui l'Europe devra le repos, était justement considérée comme une calamité publique.

Tilsit, le 9 Juillet, 1807.

L'échange des ratifications du traité de paix entre la France et la Russie, a eu lieu anjourd'hui à neuf heures du matin. A onze heures, l'empereur Napoléon, portant le grand cordon de l'ordre de Saint-André, s'est rendu chez l'empereur Alexandre, qui l'a reçu à l'a tête de sa garde, et ayant l'a grande décaration de la légion d'honneur. L'empereur a demandé de voir le soldat de la garde russe qui s'etait le plus distingué ; il lui a été présenté. S. M. en témoignage de son

estime pour la garde impériale russe, a donné à ce brave l'aigle d'or de la légion d'honneur.

Les empereurs sont restés ensemble pendant trois heures, et sont ensuite montés à cheval. Ils se sont rendus au bords du Niémen, où l'empereur Alexandre s'est embarqué. L'empereur Napoleon est demeuré sur le rivage jusqu'à ce que l'empereur Alexandre fût arrivé à l'autre bord.

Les marques d'affection que ces princes se sont données en se séparant, ont excité la plus vive émotion parmi les nombreux spectateurs qui s'étaient rassemblés pour voir les plus grands souverains du monde offrir dans les témoignages de leur union et de leur amitié un solide garant du repos de la

terre.

L'empereur Napoléon a fait remettre le grand cordon de la légion d'honneur au grand-duc Constantin, au prince Kourakin, au prince Labanoff et à M. de Budberg.

L'empereur Alexandre a donné le grand ordre de SaintAndré au prince Jérôme-Napoléon, roi de Westphalie, au grand-duc de Berg et de Cièves, au prince de Neufchatel, et au prince de Bénévent.

A trois heures d'après-midi, le roi de Prusse est venu voir l'empereur Napoléon. Ces deux souverains se sont entretenus pendant une demi-heure. Immédiatement après, l'empereur Napoléon a rendu au roi de Prusse sa visite. Il est ensuite parti pour Koenigsberg.

Ainsi les trois souverains ont séjourné pendant vingt jours à Tilsit. Cette petite ville était le point de réunion des deux armées. Ces soldats qui naguères étaient ennemis, se donnaient des témoignages réciproques d'amitié qui n'ont pas été troublés par le plus léger désordre.

Hier, l'empereur Alexandre avait fait passer le Niémen à une dixaine de bachirs qui ont donné à l'emperenr Napoléon un concert à la manière de leur pays.

L'empereur en témoignage de son estime pour le général Platow, hetman des cosaques, lui a fait présent de son portrait.

Les Russes ont remarqué que le 27 Juin (style russe, 9 Juillet du calendrier grégorien) jour de la ratification du traité de paix, est l'anniversaire de la bataile de Pultawa qui fut si glorieuse, et qui assura tant d'avantages à l'empire de Russie. Ils en tirent un augure favorable pour la durée de la paix et de l'amitié qui viennent de s'établir entre ces deux grands empires.

Koenigsberg, le 12 Juillet, 1807.

Le empereurs de France et de Russie, après avoir séjourné pendant vingt jours à Tilsitt, où les deux maisons impériales, sittués dans la même rue, étaient à peu de distance l'une de

Pautre, se sont séparés le 9, à trois heures aprés midi, en se donnant les plus grandes marques, d'amitié. Le journal de, ce qui s'est passé pendant la durée de leur séjour, sera d'un véritable intérêt pour les deux peuples.

Après avoir reçu, à trois heures et demie la visite d'adieu du roi de Prusse, qui est retourné à Mémel, l'empereur Napoléon est parti pour Koenigsberg, où il est arrivé le 10 à quatre, heures du matin.

Il a fait hier la visite du port dans un canot qui était servi par les marins de la garde. S. M. passe aujourd'hui la revue, du corps du maréchal Soult, et part demain à deux heures du matin pour Dresde.

Le nombre des Russes tués à la bataile de Friedland, s'éleve à 17,500; celui des prisonniers et de 40,000; 18,000 sont passés à Koenigsberg; 7,000 sont restés malades dana les hôpitaux; le reste a été dirigé sur Thorn et Varsovie. Les ordres ont été donnés pour qu'ils fussent renvoyés en Russie sans délai; 7,000 sont déjà revenus à Koenigsberg, et vont être rendus. Ceux qui sont en France, seront formés en régimens provisoires. L'empereur a ordonné de les habiller et de les armer.

Les ratifications du traité de paix entre la France et la Russie avaient été échangés à Tilsit le 9; celles du traité de paix entre la France et la Prusse l'ont été ici aujourd'hui.

Les plénipotentiaires chargés de ces négociations étaient, pour la France, M. le prince de Bénévent; pour la Russie, le prince Kourakin et le prince Labanoff; pour la Prusse, le feld-maréchal comte Kalekreuth et le comte de Goltz.

Après de tels événemens, on ne peut s'empêcher de sourire quand on entend parler de la grande expédition anglaise et de la nouvelle frénésie qui s'est emparée du roi de Suède. On doit remarquer d'ailleurs que l'armée d'observation de l'Elbe et de l'Oder était de 70,000 hommes, indépendamment de la grande armée et nou compris les divisions espagnoles qui sont en ce moment sur l'Oder. Ainsi il aurait fallu que l'Angleterre mit en expédition toute son armée, ses milices, ses volontaires, ses fencibles pour opérer une diversion sérieuse. Quand on considère que, dans de telles circonstances, elle a envoyé 6,000 hommes se faire massacrer par les Arabes, et 7,000 hommes dans les Indes Espagnoles, on ne peut qu'avoir pitié de l'excessive avidité qui tourmente ce cabinet. La paix de Tilsit met fin aux opérations de la grande armée ; mais toutes les côtes, tous les ports de la Prusse n'en resteront pas moins ferinés aux Anglais. Il est probable que le blocus, continental ne sera pas un vain mot.

"

La Porte a été comprise dans le traité. La révolution qui vient de s'opérer à Constantinople, est une révolution antichrétienne qui n'a rien de commun avec la politique de l'Europe. L'adjutant-commandant Guilleminot est parti

TOME III.

G

pour la Bessarabie, où il va informer le grand-visir, de la paix, de la liberté qu'a la Porte d'y prendre part, et des conditions qui la concernent.

Paris, le 24 Juillet, 1807.

Aujourd'hui à quatre heures après midi, en exécution des ordres de S. M. l'empereur et roi, S. A. S. Mgr le prince archi-chancelier de l'empire, s'est rendu au sénat, à l'effet de fui communiquer les deux traités de paix signés avec la Russie. et avec la Prusse.

S. A. S. a été reçue avec le cérémonial ordinaire, et ayant pris séance, a dit:

"Messieurs,

"Le cours rapide des victoires de S. M. l'empereur et roi, offrait le présage infaillible d'une paix glorieuse.

"Ces espérances sont accomplies par les deux traités de paix que j'apporte au sénat. S. M. n'a point permis qu'ils fussent rendus publics, avant que vous en ayez reçu la communication.

"Le sénat appréciera avec reconnaissance cette réserve délicate, et y verra une nouvelle preuve de l'attention dé notre auguste souverain, à maintenir les formes consacrées par nos usages et par nos lois.

"Au milieu des grands résultats que présentent ces transactions politiques, il en est un qui intéressera vos plus vives affections. Dévoués, comme vous l'êtes, messieurs, à la gloire de la dynastie impériale, avec quelle satisfaction ne verrezYous pas sa splendeur toujours croissante, porter au trône de Westphalie un jeune prince dont la sagesse et le courage vienhent de se signaler par de si nobles travaux!

"Dans cette disposition, comme dans toutes celles qui composent ces traités, vous retrouverez, messieurs, les soins constans du fondateur de l'empire, pour consolider le grand systême, dont il a posé les bases.

"Votre cœur applaudira aux conceptions d'un génie, ami de l'humanité, dont toutes les vues, dont toutes les précautions, ont pour objet d'éloigner l'effusion du sang humain.

"Le continent peut enfin se promettre une paix durable. Les entrevues mémorables qui viennent d'avoir lieu sur les bords du Niémen, sont les gages d'une longue tranquillité. Les rapports d'estime et de confiance qui se sont établis entre les souverains des deux plus puissantes nations de l'Europe, offrent une garantie contre laquelle désormais tous les efforts de la haine et de l'ambition viendront inutilement échouer.”

S. A. S. a ensuite remis les deux traités qui ont été lus à la tribune par le sénateur Depère, l'un des secrétaires.

Sa majesté l'empereur des Français, roi d'Italie, protecteur de la confédération du Rhin, et sa majesté l'empereur de toutes les Russies, étant animés d'un égal désir de mettre fin

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