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organisation donnée au conseil d'état instituait, pour la revision des affaires contentieuses, une discussion lente et solennelle; une suite de formes protectrices et sévères offrait à la partie plaignante toutes les facilités pour la production de ses titres, et créait pour les dépositaires de l'autorité publi que, un nouveau tribunal, dont la censure doit s'exercer sur les actes et les abus que les lois positives ne peuvent atteindre. Une commission placée dans le palais même de l'empereur, et composée de ceux qu'il appelle à discuter avec lui les plus grandes affaires de l'état, ouvrait près du trône un libre accès à tous les genres de plaintes ou de demandes, chargée de faire parvenir aux oreilles du souverain la voix de tous ses sujets dans la pauvreté et le malheur; institution touchante, qui annonce que celui dont l'indéfatigable vigilance soigne si bien les grands intérêts de l'état, n'est pas moins jaloux dans sa sollicitude pateruelle de pourvoir aux moindres besoins ou aux plus légers griefs de tous ceux sur lesquels s'étend son empire.

Mais le traité de Presbourg, qui avait rendu la paix au Continent, ne l'avait pas rendue aux mers, et l'Angleterre, constante à chercher sa propre sûreté dans les malheurs de l'Europe, s'efforcait de faire continuer la guerre par la Russie, et de déterminer la Prusse à des démarches hostiles. Ces trames furent déjouées, le traité de Vienne et la convention de Paris dissipèrent tous les nuages. Il semblait que la paix du Continent ne devait plus être troublée. La Russie ellemême en avait senti le besoin, et son ministre revêtu de ses pleins-pouvoirs, venait d'arriver à Paris.

L'Angleterre, entraînée par la force de ces circonstances, se montra disposée à la paix, ou plutôt, ainsi que l'ont révélé depuis ses discussions publiques, à une trève qui aurait à peine suspendu un moment les effets de la haine et de la jalousie qui l'animent contre nous. En même tems qu'elle ouvrait des négociations, elle préparait de nouvelles intrigues, bien résolue à tout rompre, si elle parvenait à rallumer le flambeau de la guerre continentale, Elle vit triompher ses coupables espérances; la paix faite avec la Russie ne fut pas ratifiée.

La Prusse fut de nouveau agitée: une exultation sans motif et sans but, excitée par les ennemis de son repos, prévalut sur les combinaisons du cabinet. Des cris hostiles se firent entendre, et la guerre fut déclarée contre l'opinion des ministres, et peut-être contre l'opinion du roi lui-même; fatal exemple de la faiblesse des princes, influence plus fatale encore d'un ministère qui soudoie les intrigans et les libellistes, qui sème la terreur et la calomnie, qui soulève toutes les passions dont l'exaltation lui peut être utile, et qui, au milieu de toutes ces menées, calcule froidement les avantages qui peuvent résulter pour les intérêts, des dangers, de la ruine même de ceux qu'il appelle ses amis.

L'empereur partit; le plénipotentiaire anglais qui, plusieurs fois avait annoncé son départ, ne tarda pas à l'effectuer, et les fusées incendiaires, lancées par ses compatriotes, dévoraient quelques maisons de Boulogne, lorsque ce ministre de paix y faisait son entrée avec une escorte française qui veillait à sa sûreté, et rendait ce dernier hommage au carac tère dont il avait été si inutilement revêtu.

La France a été pendant plus de dix mois affligée par l'absence par du prince, auquel s'attachent toutes ses affections comme tous ses destins. Mais l'empereur lui est resté présent en esprit, et son génie a veillé sur elle; sa pensée des bords de la Sprée et de la Vistule, de la Pregel et du Niémen, n'a point cessé d'embrasser tous les besoins intérieurs de l'empire: sa pensée a tout animé, a maintenu partout l'ordre et la régularité qui sont son ouvrage, et nous ne nous sommes apperçus de son éloignement qui par le bruit de ses exploits et par les regrets qu'il laissait dans tous les cœurs. Pendant qu'il visitait la tente du soldat, dressée sur les neiges de la Lithuanie, son regard veillait en France sur la chaumière du pauvre, sur l'atelier du fabricant. Dans ce long intervalle, on n'a eu à gémir d'aucun trouble, on n'a pas même eu la plus légère agitation à redouter. La France, à l'époque d'une guerre entreprise pour l'accabler, a conservé au-dedans le calme le plus profond, son territoire n'a pas été violé un seul instant; le bruit des armes n'est pas arrivé jusqu'à elle; sous la sauve-garde de la victoire, elle a vu passer loin de ses frontières l'orage que l'envie et la haine avaient dirigé sur elle; elle a vu cet orage fondre sur les contrées où il s'était formé. Les lois exécutés partout avec fidélité et sans efforts, privilège des bonnes lois; les contributions régulièrement acquittées, les routes parcourues avec sécurité, les administrateurs redoublant de zèle, nos jeunes soldats entrant avec joie dans les sentiers de l'honneur; les gardes nationales veillant autour de nos foyers, et se montrant par la regularité du service, par leur attitude et leur discipline, également propres à leur double fonction de protecteurs de l'ordre public et de défenseurs de l'état, tous les services exécutés avec facilité ; l'opinion publique constamment fidèle aux institutions que ses vœux avaient rappelées, tel est le spectacle qui s'est offert à vos regards dans vos provinces respectives, et sur lequel nous pouvons ici rappeler votre témoignage: tel est le spectacle que présentait cette France que désormais on désespère d'agiter, comme on désespère de la vaincre.

A l'époque à laquelle nous sommes arrivés, si nous avons encore à vous entretenir d'institutions nouvelles, nous aurons bien plus à vous montrer les fruits des institutions qui existent; cette fonction n'est pas moins douce; en confirmant le passé, elle donne une nouvelle garantie à l'avenir. Les conseils électoraux, les conseils généraux de départemens se sont

montrés animés du meilleur esprit ; ils ont vu, dans le choix que l'empereur fait des hommes appelés à les présider, combien il désire que ces fonctions soient aussi honorées qu'elles 'sont par elles-mêmes honorables. Les conseils-généraux doivent être assurés qu'il n'est pas un des vœux que leur inspire le sentiment du bien public, qui ne devienne pour le gouvernement l'objet d'une attention particulière, et qui ne soit consulté avec soin dans l'examen des affaires auxquelles il se rapporte. L'administration des communes, cette administration que S. M. regarde comme une des plus importantes pour le bien être de ses peuples, a été améliorée sous plusieurs rapports; leur comptabilité a reçu des formes plus lumineuses et plus expéditives. L'empereur espère qu'elles préviendront à l'avenir tout arbitraire,ttoute dilapidation; que les dépenses seront rigoureusemen conformes aux budjets, que les récettes ne seront pas dénaturées, que les comptes rendus avec clarté et promptitude ne seront plus un sujet de discussion. Sa volonté est aussi que les octrois, cette principale source de la richesse communale, soient administrés dans l'intérêt des villes pour l'avantage de ceux qui les habitent, et que les préfets qui ne doivent pas en diriger l'administration, exercent néanmoins sur elle, une surveillance attentive et éclairée. L'empereur qui se regarde comme le père de ses sujets ne perdra pas de vue ces administrations municipales chargées de pourvoir à leurs premiers besoius, et ne tolérera ni les torts de la négligence, ni les entreprises de la cupidité.

Le gouvernement a été en général satisfait de la conduite des maires, non-seulement des maires des grandes villes dont S. M. s'est plu à relever les fonctions par des témoignages répétés de sa confiance, mais de tous les maires dont le noble dévouement, quelle que soit la sphère dans laquelle il s'exerce s'élève à la hauteur de leurs devoirs; il a connu et apprécié leurs services; et son intention est d'entourer d'une juste considération l'exercice de cette magistrature paternelle, par laquelle l'action de sa puissance arrive à la grande majorité de ses sujets.

Secours publics: établissemens de bienfaisance.

Honneur soit également rendu à ces administrations respectables qui, d'une extrémité de la France à l'autre se dévouent pour soulager le malheur. pour consoler la souffrance. Il est doux en cette circonstance solennelle de rendre hommage au zèle de ces pères du pauvre qui, en faisant le bien, ne cherchent d'autre récompense que dans la jouissance de l'avoir fait. Ils feront mieux encore, l'empereur l'attend de leur zèle; chaque jour, ils porteront nu ordre plus parfait dans le régime des hôpitaux, une nouvelle économie dans l'emploi des revenus, ils trouveront de nouvelles ressources dans ce travail dignement secondés par ces congrégations charitables, pieuses mes

sagères que la religion députe près de l'infortune, que pendant un tems la persécution exila loin de la douleur, et que le restaurateur de la France a rétablies dans cette dignité touchante. Vous les voyez, ces congrégations se multiplier à l'égal des besoins qui les invoquent, et pourvoir encore aux besoins à venir, par les élèves qu'elles forment. Comment la bienfaisance privée ne s'empresserait-elle pas de seconder des administrations ainsi dirigées? Les legs ou donations faits en faveur des hospices, se sont élevés en capital, pendant le cours de 1806 seulement, à 2 millions 300 mille fr., autorisées par 500 décrets successifs; la dotation de ces établissemens s'est encore accrue par un nouveau bienfait de S. M., d'un capital de 15 millions 600 mille fr. où d'un revenu annuel de 768 mille fr. par la mise en possession provisoire de divers domaines de l'état, désignés pour le remplacement de leurs biens aliénés pendant la révolution, bienfait que vous serez appelés à ratifier pendant le cours de cette session, par une conces sion définitive. Les anciens fondateurs des hospices ont été rétablis dans la jouissance de leurs droits les plus chers. Une noble émulation s'est emparée des âmes généreuses; elle a fondé des écoles, ouvert des ateliers; la voix de la morale a pénétré dans les prisons, précédée des secours de la bienfaisance; les classes laborieuses de la société, guidées par quel ques hommes de bien, ont formé elles-mêmes des associations utiles, qui servent à leur amélioration, en même tems qu'elles leur préparent des ressources dans le malheur. Il a fallu cependant prévoir l'abus que des spéculateurs avides et hypocrites pourraient faire d'une disposition si respectable, où les écarts auxquels pourrait se livrer un zèle imprudent; et il a été sagement réglé que les établissemens qui emploient les fouds des souscripteurs pour se charger de la destinée d'un certain nombre de malheureux ne pourraient contracter un tel engagement sans l'approbation de l'autorité publique.

Les fabriques ont été mises en jouissance de plusieurs sortes de revenus, les presbytères restaurés, de nombreuses donations ont augmenté leurs ressources.

Les victimes de la guerre maritime et des violences de l'en nemi ont reçu de S. M. des indemnités, dès le moment où elle a pu connaître leurs pertes.

La salubrité publique a été l'objet d'une vigilance continue; quelques maladies épidémiques se sont manifestées sur divers points. Le zèle des médecins envoyés par les préfets et quelquefois de la capitale même, dès la naissance du mal, en a arrêté les progrès; les boîtes de remèdes envoyées par le gouvernement ont assuré des ressources pour le traitement des pauvres. Le Mont de Piété de Paris a été organisé. D'au tres ont été établis dans les principales villes de France.

Le gouvernement commence à s'occuper de compléter le plan des établissemens destinés à la répression de la mendi cité. L'abbaye de Fontevrault, les Urselines de Montpelier

bont préparées pour recevoir des dépôts de plusieurs départe meus; celui de Villers-Cotterêts presque achevé suffira aux besoins de la capitale et de ses environs. Le travail continue

d'être introduit avec succès dans ces dépôts comme dans les prisons, et pendant qu'il fournit de nouvelles ressources pour l'économie intérieure de ces établissemens, il corrige les mœurs de cette classe que la société a justement repoussée de son sein, et rend la punition utile à ceux qui l'ont méritée. Dans presque toutes les maisons de détention et de réclusion, des oratoires ont été rétablis, et des chapelains nommés pour le service du culte, mesure qui tend également à opérer cette mesure salutaire.

L'administration attache à l'exécution complète de ce sys tème une véritable gloire. Si les prisons ne sont pas encore ce que le gouvernement désire, si les vues théoriques que de nobles sentimens avaient inspirées à l'assemblée constituante se sont trouvées inexécutables dans la pratique, ces sentimens sont trop généreux et trop humains pour que le gouvernement n'en soit pas constamment animé et ne tende pas sans cesse au but qu'ils indiquent. Autant qu'il est possible, les différentes classes de malfaiteurs seront séparées; on ne confondra pas avec celui qui par l'erreur d'un moment s'est exposé à la sévérité des lois sans encourir l'indignation de la société. On veillera surtout à la salubrité des lieux de détention et aux soins qu'exige la santé des détenus. La succession de tant d'années pendant lesquelles négliger on détruire étaient ce qu'on savait le mieux et ce qu'on voulait le plus, a laissé à cet égard un ouvrage immense, auquel on travaille depuis six ans, et dont le complètement sera un des premiers bienfaits de la paix.

Les prisonniers de guerre ou plutôt les armées captives que nous envoie la victoire, employés à des travaux utiles, ont fait servir leurs bras à féconder cette terre qu'elles prétendaient conquérir.

Travaux publics, ponts et chaussées.

Le système général des travaux publics, appliqué à la fois et en tant de manières sur tous les points de l'empire, se pour suit avec une persévérance et une activité que ne ralentissent point les circonstances du dehors. Treize mille quatre-cents lieues de route, à la charge du trésor public ont été sur divers points entretenues, réparées; les vingt-sept routes principales qui partent de la capitale, et se dirigeant à toutes les frontières de l'empire, ont été le théâtre spécial de ses opérations. Les deux plus grands ouvrages exécutés depuis plusieurs siè cles, les routes du Mont Cenis et du Simplon, monumens de l'art, dignes de ces monumens de la nature que l'art a vaincus, sont accomplis après six années. Parmi les routes d'un autre ordre, celle d'Espague en Italie par le mont Genèvre se pour suit et l'embranchement qui doit l'étendre au départment de l'Isère, offrira à une portion de la France un passage plus ra

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