De cette double observation découlent deux principes qui doivent dominer l'organisation de la police judiciaire. Elle doit nécessairement, dans l'intérêt de la justice, être investie de tous les moyens d'action indispensables à l'accomplissement de sa mission. Elle doit, en même temps, dans l'intérêt des droits qu'elle peut froisser, être entourée de formes tutélaires qui se rapprochent le plus possible des formes de l'action judiciaire. La police judiciaire doit être investie des moyens d'action nécessaires à l'accomplissement de sa mis. sion. En effet, elle est l'œil de la justice; il faut que son regard plane partout, qu'elle soit partout présente, que ses moyens de surveillance, comme un vaste réseau, couvrent le territoire. Elle est, en outre, la sentinelle chargée de donner l'alarme et d'avertir le juge; il faut donc que ses agents, toujours prêts à recueillir les premiers bruits, les premiers indices des faits punissables, puissent se transporter, visiter les lieux, interroger les traces, désigner les témoins, et transmettre à l'autorité compétente tous les renseignements qui peuvent servir d'éléments à l'instruction. Enfin, elle édifie dans certains cas une procédure préparatoire de la procédure judiciaire; il faut donc qu'elle puisse, en attendant l'intervention du juge, prendre les mesures provisoires qu'exigent les circonstances; il faut donc qu'elle soit investie d'un certain pouvoir et qu'elle puisse employer quelques moyens de vérification et d'action qui n'appartiennent, en général, qu'au pouvoir judiciaire. Mais, en même temps, puisqu'elle est une délé gation de la justice, puisqu'elle participe de son caractère, elle doit présenter dans ses actes quelques-unes des garanties judiciaires. Il faut donc que des conditions spéciales soient apportées au choix de ses agents; que leur compétence soit réglée; que les attributions de chacun d'eux soient définies; que les cas de leur intervention soient prévus; que leurs actes, dans chacun de ces cas, soient formellement autorisés; que les formalités qui doivent accompagner, soient prescrites; enfin, que les les effets de ces actes et leur influence sur les décisions de la justice soient mesurés suivant la nature des faits et l'autorité dont les agents sont investis. Telles sont les règles générales qui dominent cette matière nous ne les indiquons ici que pour embrasser dans un premier coup d'œil ses différents points de vue; nous rechercherons, en examinant l'organisation que notre législation lui a donnée, si ces règles ont été fidèlement appliquées. $ 206. Division des matières contenues dans ce volume. La matière de la police judiciaire est plus vaste qu'elle ne paraît à la première vue. Non-sculement elle comprend les droits et les attributions de chacun des nombreux agents qui participent à son action, soit d'une manière générale, soit d'une manière spéciale, mais elle enveloppe encore, pour les préciser et les définir, tous les actes qu'ils peuvent accomplir dans leurs fonctions, toutes les mesures qu'ils sont autorisés à prendre, toutes les formalités qu'ils sont tenus de suivre et d'appliquer. Il faut donc examiner successivement les titres des différents agents, fixer les limites de leur compétence, déterminer les actes de leurs fonctions, tracer les formes de ces actes et leurs effets. Nous exposerons, en premier lieu, l'organisation générale de la police judiciaire. Nous examinerons ensuite quels sont les fonctionnaires qui participent à la police judiciaire et quels sont les droits et les attributions de chacun d'eux. Nous ajouterons l'énumération des nombreux agents qui, dans certaines matières spéciales, ont quelques-uns des droits des officiers de police judiciaire. Après avoir établi les titres de chacun de ces agents et les règles de leur compétence, nous rechercherons quels actes ils peuvent accomplir dans l'exercice de leurs fonctions et quelles formes ils doivent observer dans l'accomplissement de ces actes. Cet examen aura successivement pour objet: La saisie des choses en délit; Les différentes mesures qui sont la conséquence du droit de recherche; Enfin, les pouvoirs extraordinaires qu'ils exercent dans les cas de flagrant délit. CHAPITRE II. ORGANISATION DE LA POLICE JUDICIAIRE. § 207. Objet et division de ce chapitre. 208. Recherches sur l'organisation de la police judiciaire dans la législation romaine. § 209. Exposé de cette organisation aux différentes époques de la législation française. § 210. Dans la législation de 1791 et de l'an iv. $211. Organisation de la police judiciaire dans le Code d'instruction criminelle. § 212. Examen de cette organisation. $ 207. Objet et division de ce chapitre. Nous venons de voir que la police judiciaire pose, dans chaque procédure, la première base de la poursuite, la première pierre de l'édifice juridique. Ce n'est, en général, que lorsqu'elle a constaté les faits et qu'elle les a livrés à la justice que celle-ci commence son examen et prépare son jugement. Il suit de là que son concours doit être actif, sa vigilance incessante, son action énergique. Le moyen le plus efficace de réfréner les crimes et les délits, consiste moins dans la sévérité que dans la certitude de la peine. La police judiciaire a pour mission de rendre la poursuite certaine et d'en faire une conséquence inévitable de toute infraction à la loi. Le premier fondement de la législation pénale est donc l'organisation de la police judiciaire. Il faut que cette police, par l'étendue et la perfection de ses moyens d'investigation, par l'activité et la puissance de son action, puisse, en embrassant tout le territoire, saisir toutes les infractions qui s'y commettent. Pour atteindre ce but, quelle organisation doitelle recevoir? de quels moyens d'action doit-elle disposer? Ce sont là les problèmes que la loi pénale doit avant tout résoudre. Il nous paraît utile de rechercher, d'abord, quelle a été cette organisation sous les diverses législations qui ont précédé la nôtre et qui lui ont fourni ses principaux éléments. Nous exposerons ensuite quel est le système de notre législation actuelle. Nous examinerons enfin si ce système répond suffisamment à toutes les exigences de la justice pénale. $ 208. De la police judiciaire dans la législation romaine. A toutes les époques de la législation romaine, mais avec une différente mesure d'autorité, la police judiciaire fut exercée à la fois par les citoyens euxmêmes et par les magistrats. Les citoyens, qui avaient le droit d'accusation, avaient à plus forte raison le droit de rechercher les crimes et de les dénoncer. Ils étaient investis d'une |