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Toutefois, certaines contraventions, quoiqu'elles ne soient pas rurales par leur nature, peuvent le devenir quand elles s'appliquent à des propriétés rurales. Les contraventions à la voirie urbaine, par exemple, quand elles sont commises dans les campagnes et qu'elles deviennent des obstacles à la circulation sur les chemins ruraux, peuvent être considérées comme des infractions à la police rurale. En effet, d'une part, elles nuisent à l'exploitation des biens ruraux, elles portent atteinte à ces propriétés, et, d'un autre côté, commises dans les campagnes, les gardes champêtres peuvent seuls les constater. C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé qu'un garde champêtre peut constater valablement le fait d'avoir gêné la libre circulation des voitures sur la partie d'un chemin situé dans la campagne: «Attendu que les art. 2, 3 et 40 du tit. 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 mettent au nombre des délits ruraux la détérioration et l'usurpation des chemins publies dans les campagnes; qu'on doit placer dans la même catégorie, et par les mêmes raisons, les embarras qui empêchent ou diminuent la liberté du passage sur ces mêmes chemins; que, dans l'espèce, le garde champêtre a constaté par un procès-verbal que Gouvel avait, en répandant de la bauque sur la voie publique, au devant de son moulin, empêché les charettes chargées de pouvoir passer; qu'il résulte tant du procèsverbal que de l'instruction, que la partie du chemin ainsi embarassée n'est pas située dans l'intérieur du bourg, mais hors de ce bourg, dans la campagne,

qu'il ne s'agissait donc pas d'une contravention de voirie urbaine, mais d'une véritable contravention rurale que le garde était compétent pour constater '. >>

Quelques lois spéciales ont attribué, en outre, aux gardes champêtres le droit de rechercher et de constater: 1° les délits et contraventions relatifs à la police de la pêche 2; 2° les délits de chasse '; 3° le délit de circulation illicite des tabacs ".

Les actes auxquels ils peuvent procéder dans l'exercice de leurs fonctions pour constater toutes les infractions qu'ils sont chargés de surveiller, sont définis par l'art. 16 du C. d'inst. crim. Ces actes sont les mêmes que ceux qui sont attribués aux gardes forestiers et nous les avons énoncés dans le paragraphe précédent.

Il est nécessaire d'ajouter cependant, relativement aux attributions extraordinaires qu'ils exercent en cas de flagrant délit, que les gardes particuliers en sont investis aussi bien que les gardes des communes. L'assimilation faite par la loi n'a point de restriction. La Cour de cassation a jugé dans ce sens: « Qu'il résulte des art. 16 et 20 du C. d'inst. crim. et des art. 187 et 189 du C. for. combinés, et d'après la relation nécessaire qu'ont entre elles ces dispositions, que les gardes champêtres et forestiers des particuliers sont compris dans les dispositions.

↑ Arr. Cass. 1er décembre 1827 (Bull., p. 906).

2 L. 15 avril 1829, art. 36.

5 L. 30 avril 1790, art. 8; L. 3 mai 1844, art. 22. L. 28 avril 1816, art. 223.

de l'art. 16; qu'ils sont soumis à l'obligation, nonseulement de rechercher et de constater les délits et contraventions qui ont porté atteinte aux propriétés rurales dont la conservation leur est confiée, mais qu'ils ont encore le devoir de constater les infractions à la sûreté publique ou particulière, et d'en arrêter les auteurs qu'ils saisissent en flagrant délit ou que dénonce la clameur publique; qu'ils se trouvent ainsi par la nature de leurs fonctions assi milés aux agents de la force publique'.

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Les gardes champêtres sont tenus de remettre leurs procès-verbaux « dans les trois jours au plus tard, suivant les termes de l'art. 15 du C. d'inst. crim., y compris celui où ils ont reconnu le fait sur lequel ils ont procédé. » L'art. 20 qui ordonne cette remise est ainsi conçu: « Les procès-verbaux des gardes champêtres des communes et ceux des gardes champêtres et forestiers des particuliers, seront, lorsqu'il s'agira de simples contraventions, remis par eux, dans le délai fixé par l'art. 15, au commissaire de police de la commune chef-lieu de la justice de paix ou au maire dans les communes où il n'y a point de commissaire de police. »

L'article ajoute: « Et lorsqu'il s'agira d'un délit de nature à mériter une peine correctionnelle, la remise sera faite au procureur de la République.» Il ne s'agit ici que d'un délit rural qui, par la nature des peines dont il est frappé, rentre dans la compétence de la juridiction correctionnelle; car les

↑ Arr. Cass. 2 juill. 1846 (Bull, no 171), rapp. M, Jacquinot,

gardes champètres n'ont point de pouvoir pour constater par des procès-verbaux les délits qui sortent du cercle de leur compétence spéciale. Ils peuvent seulement, relativement à ces délits, quand ils les reconnaissent dans l'exercice de leurs fonctions, prendre les deux mesures qui sont prévues par les art. 46 et 29. La première consiste, comme on l'a vu tout à l'heure, non point à constater le délit, mais à saisir, en cas de flagrant délit, le délinquant, dans les cas indiqués par l'art. 16, et à le conduire devant le juge de paix ou devant le maire qui seul prescrit les mesures que les circonstances peuvent exiger. La seconde est de donner avis au procureur de la République de tout crime ou délit dont ils acquièrent la connaissance et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui s'y rattachent.

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Droits, et attributions des préfets.

Les préfets ne sont point officiers de police judiciaire; ils ne sont, en conséquence, placés à ce titre ni sous l'autorité des cours d'appel, ni sous la surveillance du procureur général. Mais ils sont investis, accidentellement et dans un intérêt de haute police, des mêmes droits que ces officiers.

L'art. 10 du C. d'inst. crim., qui a établi cette

attribution extraordinaire, est ainsi conçu: « Les préfets des départements et le préfet de police à Paris pourront faire personnellement, ou requérir les officiers de police judiciaire, chacun en ce qui le concerne, de faire tous les actes nécessaires à l'effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d'en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir, conformément à l'art. 8 cidessus.

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Il est nécessaire d'étudier avec soin l'esprit et les termes d'une disposition qui peut présenter dans son application quelques périls à la justice, et dont le sens et la portée sont d'ailleurs contestés.

Cette disposition fut une pensée de Napoléon. Soit qu'il craignît l'indépendance d'une magistrature, mutilée cependant et presque détruite par l'Assemblée constituante, en expiation de la puissance des parlements, soit qu'il pensât plutôt que les corps ju diciaires, faibles et disséminés à cette époque, n'avaient pas une énergie suffisante pour maintenir l'empire de la loi, il voulut, sans s'inquiéter de la règle qui divise les pouvoirs, que la police administrative concourût activement à des actes qui n'appartiennent qu'à la justice. Cette pensée toutefois, qui se produisit d'abord dans des termes très-absolus et qui fut inspirée sans doute par l'état du pays à cette époque, fut ensuite restreinte et modifiée par les discussions du conseil d'État et par les termes mêmes de la loi qui l'a exprimée. Il importe de suivre et de constater ces modifications.

La question s'éleva pour la première fois dans la

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