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crée par un capitulaire de 813: Si quis intra pagum latronem comprehenderit, et ante comitem eum non adduxerit aut ante suum centenarium, solidos LX componere faciat'. Si l'auteur de l'arrestation avait mis le détenu en liberté sans l'ordre du juge, la même peine lui était applicable: Si quis ingenuus Ripuarius furem ligaverit, et eum absque judicio principis solvere præsumpserit, LX sol. culpabilis judicetur2.

Lorsque le malfaiteur, surpris en flagrant délit, se défendait contre celui qui voulait l'arrêter, celui-ci, en le tuant, n'encourait aucune responsabilité. Il en était ainsi si le crime avait été commis pendant la nuit, et lors même que le malfaiteur n'aurait opposé aucune résistance: Fur nocturno tempore captus in furto, dum res furtivas secum portat, si fuerit occisus, nulla ex hoc homicidio querela nascatur*.

Ce droit d'arrestation n'appartenait pas seulement aux parties offensées, mais à tous les hommes libres du lieu. Ce principe, qui résulte déjà de tous les textes qui viennent d'être cités, avait été particulièrement développé par l'institution des centaines.

Le territoire soumis à l'autorité des Francs, déjà divisé en comtés, fut subdivisé par le pacte entre Childebert et Clotaire, de 593, en petits districts appelés centaines, Chacune de ces centaines avait pour chef un officier élu par les hommes libres du lieu et

1 Baluze, I, 513.

Lex Rip., tit. 73, art. 1.

3 Lex Rip., tit. 77: Si quis hominem super rebus suis comprehenderit, et non prævaluerit ligare, sed eum interfece rit, conjuret quòd eum de vitâ forfactum interfecisset.

Lex Bavar., tit. 8, c. 5. Baluze, I, 117.

nommé centenier'. Les habitants de chaqne centaine étaient responsables des vols qui s'y commettaient, mais ils avaient en même temps l'obligation de poursuivre les voleurs et de les arrêter 2. Il est à présumer que quelques-uns des habitants, ou chacun à leur tour, étaient chargés d'exercer une surveillance continue; c'est ce que le pacte et les édits rendus pour son exécution appellent vigilia. C'était là évidemment une institution de police judiciaire : la responsabilité imposée aux hommes du lieu n'avait pour but que de provoquer leur vigilance dans la découverte des crimes et leur concours pour l'arrestation des coupables; chacun devenait l'auxiliaire de la justice et avait une mission publique pour aider ses actes. La loi du 10 vendémiaire an iv a puisé dans cette institution la responsabilité des communes à raison des attentats commis sur leur territoire, mais elle n'a point donné à leurs habitants les droits de police qui sembleraient néanmoins devoir être la conséquence nécessaire de leur responsabilité.

Enfin, à côté de ces droits de police attribués soit aux personnes lésées, soit à tous les hommes du lieu du crime, il ne faut pas omettre de placer le droit du juge. A toutes les époques, le chef de la justice a été

1

Capit. ann. 809, art. 22. Baluze, I, 466: Ut centenarii, cùm comiti et populo eligantur et constituantur ad sua ministeria exercenda.

2

Decretum est, quia in vigilias constitutas nocturnos furis non caperent, centenas fieri. In quâ centenâ qui aliquid deperierit, capitale recipiat, et latro insequatur....

Pardessus, Loi Salique, p. 405. Capit. Childebert, ann. 595, art. 9 et 11. Baluze, t. I, p. 19, et t. II, p. 1305.

investi du pouvoir de poursuivre les malfaiteurs et d'ordonner leur arrestation. Nous avons précédemment constaté ce pouvoir qui s'exerçait d'office et sans autre provocation que la perpétration même du crime'; il serait inutile de reproduire ici nos observations sur ce point.

Vers le xir siècle, ces éléments de police se modifient. Nous retrouvons, à la vérité, le droit d'accusation que les parties lésées continuent d'exercer 2. La conséquence de ce droit était le pouvoir de rechercher et de saisir le coupable: « Cascuns peut penre » en son héritage ou fere penre celi qui il y trueve » meffesant, comment qu'il tiengne heritage de sègneur, ou en fief ou en vilenage; mais si le prise » est fete en ce qu'il tient en vilenage, il le doit tan»tost faire mener en la prison du segneur de qui il tient l'heritage, et doit requerir du segneur qu'il » li fasse restorer son damace 3.

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Nous retrouvons encore, mais dégagé de l'organisation des centaines, le droit de tout habitant de saisir les malfaiteurs surpris en flagrant délit: Ças» cuns pot porsuivir le larron qui est saisis et vestus, » soit de sa coze, soit de l'autrui, soit en se justice, » soit en l'autrui, et arester les et prendre, en quel» que liu qu'il le truist, hors du liu saint, et bailler »le à la justice du liu; car c'est li communs partis

1 Voy. notre tome I", p. 218 et suiv.

2

Voy. notre tome I, p. 320. Assises de la Cour des bourgeois, liv. II, ch. 39.

Beaumanoir, c. 30, n° 82, t. I, p. 440.

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⚫ que cascuns soit sergans et ait pooir de penre et d'arrester les malfeteurs'. »

Nous retrouvons enfin le droit du juge de poursuivre d'office, et sans le concours d'aucun accusateur, les crimes notoires: « Le viscomte est tenu par son office de faire prendre et arrester tous les maufaitours, soit homes ou femes, ou clercs et lais, ou de quelque condicion que ils soient, trouvant les avé la malefaite 2. » Beaumanoir ajoute « Car tel fet, qui sont si apert, doivent être vengés par l'office du juge, tout soit ce que nus ne s'en face partie droitement 3. »

Mais, auprès de ces différents droits qui, même en se modifiant, doivent nécessairement se perpétuer, parce qu'ils tiennent à la nature même des choses, de nouveaux élémens de police vont se développer. Les justices d'église introduisent, à côté de l'accusation, la voie de la dénonciation. Les justices royales amènent les officiers inférieurs et puis le ministère public qui vont concourir directement à la police judiciaire.

La simple dénonciation, dès qu'il fut admis qu'elle 'elle suffisait pour saisir le juge, devint un moyen très-actif de police. En dégageant les parties des formes et de la responsabilité de l'accusation, elle les porta à s'adresser plus fréquemment à la justice

Beaumanoir, c. 31, no 14, t. I, p. 463.

2 Assises de la Cour des bourgeois, liv. II, chap. 7. Ed. Beugnot, t. II, p. 240.

Coutumes de Beauvoisis, chap. 6, n°12; et notre tome I, p. 320.

et à provoquer son action. « La dénonciation, dit un ancien jurisconsulte, n'est proprement de la solennité de l'instruction du procès criminel, ains seulement elle fait ouverture au juge pour informer'. » L'information avait alors lieu d'office et sans le concours de la partie2.

Cette information, purement préparatoire, était, la plupart du temps, abandonnée aux soins des officiers subalternes des justices, tels que les sergents, les notaires et les greffiers. Jean Imbert, qui écrivait au commencement du seizième siècle, constate cet usage: « Le procureur du roy et la partie civile font faire information du cas commis par un sergent royal ou du seigneur haut-justicier, appelé avec luy un notaire royal ou de cour laye. Et en aucuns lieux on prend mandement du juge pour ce faire. En d'autres lieux on ne prend point. mandement du juge'. Cet usage s'était perpétué jusqu'au xvir siècle : « Dans l'origine primitive des choses, dit un légiste du xvII° siècle, et même avant l'ordonnance de 1670, une information se faisait aisément par un notaire, ou par un huissier ou sergent, en vertu de commission de juge'. » L'art. 145 de l'ordonnance de 1539 autorisait cette délégation expresse ou tacite : « Sitost que la plainte des dits crimes et excès et maléfices aura été faicte, ou qu'ils

»

1 Charondas le Caron, Notes sur le grand Coustumier, tit. 34, p. 406.

2 Jean Bouteiller, Grand Coustumier, p. 377.

3 Jean Imbert, Pratique civ. et crim., p. 633.

De la Man. de pours. les Crimes, I, 109.

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