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De l'écriture des procès-verbaux.

Tout procès-verbal doit, en général, être entièrement écrit de la main de l'officier public qui l'a dressé.

Le procès-verbal est un témoignage; or il importe que le témoin exprime lui-même les faits qu'il a vus et vérifiés; ces faits, en passant sous la plume d'un tiers, peuvent, par des expressions plus ou moins exactes, subir quelque altération. L'écriture du rédacteur est une garantie de la vérité de ses assertions; elle suppose plus de maturité et de réflexion dans ses déclarations; elle engage plus étroitement sa responsabilité. Il est donc nécessaire qu'il écrive lui-même son rapport,

Cependant cette formalité, quoique la loi la suppose en général accomplie, n'est pas prescrite par par toutes les législations relatives aux procèsverbaux. L'ordonnance du 17 avril 1839 porte que les vérificateurs des poids et mesures écrivent euxmêmes leurs procès-verbaux. Mais les lois des 19 brumaire an vi, 9 floréal an vi et Ier germinal an XIII, sur la garantie des matières d'or et d'argent, les douanes et les contributions indirectes, se bornent à supposer, sans le dire en termes exprès, que les rapports seront écrits par les agents eux-mêmes; la loi du 19 brumaire an vi porte que le procès-verbal sera

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dressé à l'instant même de la saisie par les préposés; la loi du 9 floréal an vir dispose qu'ils le rédigeront de suite; le décret du 1e germinal an XIII ne reproduit pas cette disposition; mais l'ordonnance du 9 décembre 1814, qui a été à peu près calquée sur ce décret, porte que les procès-verbaux pourront être rédigés par un seul préposé. Il faut conclure de ces dispositions que les rédacteurs des procès-verbaux doivent en général les écrire eux-mêmes; qu'en matière de poids et mesures, ils ne peuvent, à peine de nullité, les faire écrire par d'autres; mais que, dans les autres matières, en cas d'empêchement de leur part, ils peuvent recourir à l'écriture d'une autre personne, en faisant toutefois mention de l'empêchement. La Cour de cassation a déclaré, en matière de douanes, mais en s'appuyant sur un arrêté local de la colonie de la Réunion, du 30 fructidor an XII:

Que l'obligation, pour les préposés saisissants, de rédiger et d'écrire eux-mêmes les procès-verbaux des saisies, a pour objet de placer la vérité des énonciations de ces procès-verbaux sous la foi de la propre écriture des préposés qui opèrent les saisies, et qu'elle constitue une formalité essentielle établie dans l'intérêt et pour la garantie des parties saisies; que l'accomplissement de cette formalité ne cesse d'être obligatoire et qu'il n'y a faculté pour les préposés saisissants de recourir, pour la rédaction et l'écriture du procès-verbal, à l'employé principal du bureau où sont transportés les objets saisis, qu'autant que l'impossibilité de remplir la formalité est constatée par la déclaration des préposés eux-mêmes

qu'ils ne peuvent écrire; que cette déclaration, impérieusement prescrite dans ce cas, ne peut être suppléée par aucune preuve ni document extrinsèque au procès-verbal qui doit contenir en lui-même toutes les conditions qui constituent sa légalité'. Ces motifs sont généraux et peuvent s'appliquer à tous les procès-verbaux ; mais l'art. 79 de l'arrêté local du 30 fructidor an XII portait que les rapports seraient rédigés en présence du principal employé du bureau ou par lui, si les saisissants déclarent ne pouvoir écrire ni signer; or cette disposition spéciale, bien qu'elle ne soit point contraire à la législation générale, est plus explicite et a pu motiver la solution.

En matière forestière, cette règle est nettement posée. L'art. 165 du C. for. porte: « Les gardes écriront eux-mêmes leurs procès-verbaux; ils les signeront... Toutefois, si par suite d'un empêchement quelconque, le procès-verbal est seulement signé par le garde, mais non écrit en entier de sa main, l'officier public qui en recevra l'affirmation devra lui en donner préalablement lecture et fera ensuite mention de cette formalité. » Ainsi, la règle générale est que les gardes doivent écrire eux-mêmes leurs procèsverbaux. Ce n'est que par exception, et lorsqu'un empêchement quelconque s'oppose à ce qu'ils les écrivent, qu'ils peuvent avoir recours à une main étrangère; mais l'acte doit faire mention de l'empêchement, sans être tenu d'en expliquer la nature,

Arr. Cass. 2 octobre 1846 (Bull., no 265).

afin que la formalité de l'écriture soit remplacée par celle de la lecture.

Le Code forestier, n'ayant pas défini l'empêchement, admet toute espèce d'empêchement, même celui qui n'est qu'accidentel, et par conséquent l'ignorance du garde. La Cour de cassation a jugé dans ce sens : « Que le deuxième paragraphe de l'art. 165 a autorisé les gardes à faire écrire leurs rapports par une main étrangère, si par suite d'un empêchement quelconque ils ne les écrivaient pas en entier de leur main; que cette disposition est générale et absolue; que la loi n'a établi aucune distinction entre les divers empêchements qui pourraient mettre un garde dans l'impossibilité d'écrire lui-même son procès-verbal; qu'ainsi elle a compris, dans sa disposition, l'empêchement provenant de ce que le garde ne sait pas écrire, qui est même le premier des empêchements et celui qui a dû nécessairement se présenter à la pensée du législateur'.

Que,

Il n'est pas nécessaire que le garde relate dans le procès-verbal la nature de l'empêchement qui met obstacle à ce qu'il l'écrive lui-même. La Cour de cassation a reconnu ce point en déclarant : « d'après la généralité des expressions du deuxième paragraphe de l'art. 165, toutes les fois que, par suite d'un empêchement quelconque, le procèsverbal est seulement signé par le garde et non écrit en entier de sa main, deux conditions spéciales pour tout empêchement de cette nature sont à la fois

Arr. Cass. 12 févr. 1829 (Bull., p. 94.

nécessaires et suffisantes : la première, que l'officier public qui en reçoit l'affirmation en donne préalablement lecture au garde instrumentaire; la deuxième, qu'il fasse ensuite mention de cette formalité; que du moment où les deux seules conditions prescrites par la loi se trouvent remplies, l'exception établie indéfiniment pour tous les cas où, par suite d'un empêchement quelconque, le procès-verbal, signé seulement par le garde, n'est pas écrit en entier de sa main, subsiste dans toute sa force; que le nouveau Code n'ayant exigé aucune mention de l'espèce d'empêchement qui a pu mettre obstacle à ce que le procès-verbal fût écrit entièrement de la main même du garde instrumentaire, et s'étant borné à établir, pour tous les cas d'empêchement, des garanties et des formes particulières dont le concours est de nature à prévenir tout abus, les tribunaux ne peuvent rien exiger au-delà de ce que la loi exige, ni créer des nullités qu'elle n'a pas établies'. »

Il n'est pas nécessaire également que le garde s'adresse, comme l'avaient indiqué la loi du 27 décembre 1790-5 janvier 1791 et la loi du 28 floréal an x, au juge de paix', à ses suppléants ou à son greffier; le Code n'a point reproduit ces dispositions; toute personne est donc apte à cette rédaction. La Cour de cassation l'a reconnu : « Attendu que si, d'après la loi du 5 janvier 1791, les gardes forestiers qui ne savaient pas écrire étaient tenus de faire écrire leurs rapports par les officiers publics désignés par

Arr. Cass. 1" août 1828 (Bull., p. 685).

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