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non pervenerit ad locum destinatum '. On ne confondait pas, d'ailleurs, le crime notoire et le crime flagrant: la notoriété faisait preuve complète, tandis que le flagrant délit ne constituait qu'un commencement de preuve; la notoriété excluait toute défense et toute excuse, tandis que le flagrant délit n'avait pour effet que d'abréger les délais et de supprimer les solennités de la procédure".

L'ordonnance de 1670 n'adopta pas toute cette doctrine des légistes, mais elle maintint la double décision, puisée dans le droit romain, relative à l'arrestation de l'accusé sans mandat et à la poursuite du juge. L'art. 4 du tit. 2 enjoignait aux prévôts des maréchaux « d'arrêter les criminels pris en flagrant délit ou à la clameur publique. » L'art. 4 du titre 6 autorisait les juges à entendre les témoins d'office et sans assignation en cas de flagrant délit. L'art. 9 du tit. 10 ajoutait : « Après qu'un accusé pris en flagrant délit ou à la clameur publique aura été conduit prisonnier, le juge ordonnera qu'il sera arrêté et écroué. » Enfin, l'art. 14 du tit. 14 déléguait aux commissaires du Châtelet le pouvoir d'interroger pour la première fois les accusés pris en flagrant délit, et l'art. 3 du même titre portait même que accusés pouvaient être interrogés dans le premier lieu qui serait trouvé commode.

les

Les commentateurs de cette ordonnance se sont attachés, en expliquant ces dispositions, à remplir

Guazzinus, loc. cit., num. 2.

Julius Clarus, lib. V, quæst. 9.

la lacune qu'elles ont laissée en ce qui concerne la définition des cas de flagrant délit. Jousse s'exprime en ces termes : « Le cas de flagrant délit est lorsqu'un crime vient de se commettre et est exposé à la vue de tout le monde, comme lorsqu'une maison vient d'être incendiée ou un mur percé, ou qu'un homme vient d'être tué ou blessé dans une rue, ou lorsqu'il arrive une émotion populaire et que les témoins sont encore sur le lieu; alors, comme il arrive le plus souvent que l'information requiert célérité, et qu'il est nécessaire d'entendre promptement les témoins, ou de recevoir la déclaration du blessé, le juge doit sur-le-champ se transporter sur les lieux, en dresser son procès-verbal et entendre d'office ces témoins, sans attendre qu'on lui rende aucune plainte pour raison de ce délit . Jousse ajoute plus loin : « Un accusé est pris en flagrant délit lorsqu'il est surpris volant ou dérobant, ou qu'il est surpris avec les effets dérobés dans le lien où s'est fait le vol ou auprès et immédiatement après le vol commis, ou, en fait de meurtre, lorsqu'il est pris dans l'action même, ou qu'il a été pris sur le lieu l'épée à la main et ensanglantée, dans l'instant du meurtre ou immédiatement après 2. » Rousseaud de la Combe déclare également : « Qu'un accusé est censé être pris en flagrant délit lors, par exemple, qu'en fait de vol, l'accusé a été pris volant ou dérobant, ou dans le lieu dans lequel le vol a été fait,

Traité de just. crim., t. II, p. 15. * Ibid., t. II, p. 16.

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ou bien lorsque le voleur a été trouvé avec la chose volée ou dérobée; en fait de meurtre et assassinat, lorsque le meurtrier a été pris dans l'action ou qu'il a été vu dans le lieu où le crime a été commis, avec l'épée, lui ensanglanté ou son épée'. » Serpillon pense aussi que : Le flagrant délit, c'est quand le cas est notoire, que le crime a été commis en présence du peuple; par exemple, un voleur qui a été surpris en dérobant ou saisi de la chose volée, un assassin qui a été vu l'épée à la main et ensanglantée dans le lieu où le meurtre a été commis 2. >>

De tout ce qui précède, il résulte que, dans notre ancien droit, il n'y avait flagrant délit que lorsque l'accusé était surpris, soit dans l'exécution même du crime, soit dans les actes qui suivaient immédiatement cette exécution et qui s'y rattachaient étroitement: Il en résulte également que le flagrant délit avait un double effet: 1o de donner au juge le droit d'informer d'office, sans être saisi par la plainte de la partie lésée ou du ministère public; 2° de donner à toute personne le droit d'arrêter le coupable pour le conduire devant le juge.

$ 295.

Définition du flagrant délit dans notre droit actuel.

La loi du 16-29 septembre 1791 avait évidemment puisé dans notre ancien droit les art. 1, 2 et 3 du

Mat. crim., p. 252.

2 Code crim., t. I, p. 553.

titre 4, ainsi conçus : « Art. 1o. Lorsqu'un officier de police apprendra qu'il se commet un délit grave dans un lieu, ou que la tranquillité publique y aura été violemment troublée, il sera tenu de s'y transporter aussitôt, d'y dresser procès-verbal détaillé du corps du délit, quel qu'il soit, et de toutes ses circonstances, enfin de tout ce qui peut servir à conviction ou à décharge. Art. 2. En cas de flagrant délit ou sur la clameur publique, l'officier de police fera saisir et amener devant lui les prévenus, sans attendre les déclarations des témoins, et si les prévenus ne peuvent être saisis, il délivrera un mandat d'amener pour les faire comparaître devant lui. — Art. 3. Tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen sera tenu de s'employer pour saisir un homme trouvé en flagrant délit, ou poursuivi par la clameur publique comme coupable d'un délit et de l'amener devant l'officier de police le plus voisin. >>

Voici dans quels termes l'instruction du 29 septembre 1791 expliquait ces articles : « Dans le cas de flagrant délit, tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, doit, pour l'intérêt de la société, s'employer de lui-même à saisir le délinquant; car tous les bons citoyens doivent former sans cesse une ligue sainte et patriotique contre les infracteurs de la Constitution et des lois, concourir à empêcher qu'un délit ne se commette, et à remettre entre les mains des ministres de la loi les délinquants qu'ils ont surpris troublant l'ordre public. On doit considérer comme équivalent au cas de flagrant délit,

celui où un délinquant, surpris au milieu de son crime, est poursuivi à la clameur publique, ou celui où un particulier est trouvé saisi d'effets volés ou d'instruments propres à commettre le crime; car si ces indices sont trompeurs et peuvent accuser parfois un moment une personne innocente, ils exigent du moins que le fait de l'innocence soit éclairé : l'homme ainsi arrêté doit être conduit aussitôt devant l'officier de police le plus voisin. »

Les art. 61, 62 et 63 du Code du 3 brumaire an Iv n'ont fait que reproduire les termes de ces lois : « Art. 61. Un prévenu peut être traduit sans mandat d'amener devant le juge de paix, lorsqu'il a été surpris en flagrant délit. Art. 62. En cas de flagrant délit, tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, est tenu de saisir le prévenu et de l'amener devant le juge de paix. Art. 63. A cet égard, la loi assimile au cas de flagrant délit celui où le délinquant, surpris au milieu de son crime, est poursuivi par la clameur publique, et celui où un homme est trouvé saisi d'effets, armes, instruments et papiers servant à faire présumer qu'il est l'auteur d'un délit.»

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Nous arrivons au Code d'instruction criminelle. Le premier projet de ce Code avait un art. 41 ainsi conçu : « En cas de flagrant délit, il (le procureur impérial) fera saisir les prévenus, sans attendre d'autres renseignements, si le délit est tel qu'il emporte peine afflictive ou infamante. Sera réputé flagrant délit le cas où le prévenu sera poursuivi par la clameur publique et celui où, dans un temps voisin

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