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blique, dans le sens de la loi, lorsqu'elle suit la découverte du crime. Toutefois, il ne faut pas confondre cette clameur, qui consiste dans une sorte d'accla mation à la fois précise et énergique, soit avec la rumeur publique, qui n'est qu'un bruit sourd qui se répand vaguement et sans preuves, soit avec la notoriété publique qui vient donner à la rumeur une certaine consistance, mais seulement quelque temps après la consommation du crime. Cette rumeur et la notoriété qui la suit doivent éveiller la sollicitude de la justice et peuvent motiver une instruction ; mais elles ne constituent pas le flagrant délit.

Il y a flagrant délit lorsque le prévenu est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit. Cette quatrième hypothèse est celle qui peut soulever le plus de difficultés. On a vu, dans la discussion du conseil d'État', que ces derniers mots : dans un temps võisin du délit, avaient été ajoutés pour restreindre la disposition générale; mais le conseil ne voulut pas, pour ne pas trop enchaîner la police judiciaire, fixer une limite précise à son action; il n'adopta pas, en conséquence, la limite de vingt-quatre heures, que M. Berlier lui proposait, comme étant en parfaite harmonie avec l'esprit de la loi. Cependant, si ce délai de vingt-quatre heures ne peut strictement circonscrire l'intervention des officiers de police judiciaire, puisque le législateur ne l'a pas explicitement

' Voy. suprà, p. 676.

consacré, il est certain qu'ils ne doivent pas, en général, et sans quelques circonstances extraordinaires, excéder cette limite. En effet, si la possession, soit des objets volés, soit des instruments qui ont servi à commettre le crime, soit des papiers qui en constatent la perpétration, forme contre le possesseur une preuve tellement formelle que la police doive le saisir immédiatement, comme au cas de flagrant délit, c'est lorsqu'un intervalle très-court sépare le crime et l'arrestation; c'est lorsqu'il est impossible d'admettre que ces effets lui soient arrivés par l'intermédiaire d'un tiers; c'est lorsque cette possession l'accuse comme le ferait la clameur publique ellemême. Il faut donc que cette saisie, pour ouvrir le flagrant délit, soit faite, comme le veut la loi, dans un temps voisin du délit ; c'est-à-dire, dans un temps tellement rapproché qu'elle en continue la flagrance. Il importe d'ajouter, d'ailleurs, que ce n'est pas assez, pour que le prévenu soit réputé en état de flagrant délit, qu'il soit trouvé porteur d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est auteur ou complice d'un crime quelconque; il faut que cette présomption se rattache à un crime dont la perpétration récente provoquait les recherches actuelles de la police judiciaire '.

Enfin, il y a flagrant délit lorsque le chef d'une maison dans laquelle un crime ou un délit a été commis, requiert la police judiciaire de le constater. La loi a

Conf. Mangin, De l'instr. écrite, no 212; Duverger, Manuel, no 113.

assimilé cette réquisition à un cas de flagrant délit parce qu'il est nécessaire de protéger immédiatement la famille contre les attentats qui éclatent dans son sein lorsque le chef de cette famille invoque lui-même la protection de la justice. Aussi, comme l'ont déjà remarqué quelques auteurs', le chef de la maison, dans le sens de l'art. 46, signifie le chef de la famille, et c'est dans ce sens que l'art. 171 de l'ordonnance du 29 octobre 1820 porte: « Les officiers de gendarmerie défèrent à la réquisition qui leur est faite, soit par le propriétaire de la maison, soit par le principal locataire ou par le chef d'un appartement.

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Tels sont les cas que la loi répute cas de flagrant délit. Elle a démontré, par cette énumération évidemment restrictive, qu'en dehors de ces cas, le flagrant délit n'existe plus, et que, dès-lors, les attributions qui y sont attachées ne peuvent plus être exercées. Ainsi, par exemple, le seul fait de la découverte d'un cadavre ne constitue point, comme l'ont pensé quelques auteurs 2, un cas de flagrant délit, à moins qu'il n'y ait présomption, conformément à l'art. 44 du C. d'instr. crim., que la cause de cette mort ne soit un crime qui vient d'être commis.

Maintenant, il faut ajouter qu'il ne suffit pas, pour qu'il y ait flagrant délit dans le sens de la loi, que le fait se produise avec les circonstances qui viennent d'être énumérées, il faut encore que ce fait

1

Bourguignon, t. Ier, p. 142; Carnot, t. I, p. 263; Duverger, t. I, p. 360.

Duverger, no 114.

soit de nature à entrainer une peine afflictive ou infamante. Cette condition, impérieusement prescrite par les art. 32, 40 et 106 du C. d'instr. crim., est absolue et n'admet aucune restriction: ce n'est qu'à raison de la gravité des faits que la loi a qualifiés crimes, qu'elle a consenti, par une exception aux règles générales de la compétence, à intervertir les attributions judiciaires et à déléguer temporairement aux officiers de police les pouvoirs du juge, et au juge lui-même les pouvoirs du ministère public; cette double dérogation au principe qui sépare les droits de la poursuite et les droits de la juridiction, est fondée, comme on l'a vu précédemment, sur l'intérêt social, qui veut la protection des personnes dans tous les cas où leur sûreté est menacée, et sur l'intérêt de la justice, qui sollicite la prompte constatation des crimes. Mais lorsque le fait n'est passible que d'une peine correctionnelle, ces motifs n'existent plus, ou, du moins, ne se présentent plus avec la même force; il n'y a donc plus de raison suffisante de s'écarter des règles ordinaires, qui laissent au ministère public ou aux parties elles-mêmes la poursuite, et au juge le droit d'informer. L'art. 157 de l'ordonnance du 29 octobre 1820, a nettement établi cette distinction : « Toute infraction qui, par sa nature, est seulement punissable de peines correctionnelles, ne peut constituer un flagrant délit. Les officiers de gendarmerie ne sont point autorisés à faire des instructions préliminaires pour la recherche de ces infractions. Le flagrant délit doit être un véritable crime contre lequel une peine afflictive où infa

mante est prononcée. » Nous verrons, dans le paragraphe suivant, comme cette règle doit être entendue dans la pratique.

Elle reçoit une seule exception dans le cas de réquisition d'un chef de maison. L'art. 46, en effet, veut que les attributions faites à la police judiciaire pour les cas de flagrant délit aient lieu toutes les fois que, s'agissant d'un crime, ou délit, même non flagrant, le chef de cette maison requiert cette police de le constater. Ainsi, dans ce cas seulement, la police judiciaire exerce les droits extraordinaires que lui donne le flagrant délit, non-seulement quand il s'agit d'un crime, mais encore quand il s'agit d'un simple délit. La commission de législation du Corps Législatif avait proposé de restreindre cette disposition au cas où le fait entraînerait une peine afflictive ou infamante'. Cette proposition ne fut pas admise « parce que le chef de la maison peut avoir intérêt à faire constater à l'instant même un délit purement correctionnel 2. ».

$ 296.

Attributions générales des officiers de police judiciaire en cas de flagrant délit.

Le Code d'instr. crim. définit les attributions extraordinaires des procureurs de la République dans

Locré, t. XXV. p. 220. * Locré, t. XXV, p. 78.

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