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L'art. 106 n'exige aucune réquisition: suivant les termes de l'arrêt du 30 mai 1823, « cet article a établi une réquisition légale et permanente qui dispense de la réquisition écrite des magistrats civils, dans les circonstances urgentes qui n'ont pu être prévues et qu'il détermine.» Car tous les bons citoyens, porte l'instruction du 29 septembre 1791, « doivent former sans cesse une ligue sainte et patriotique contre les infracteurs de la Constitution et des lois, concourir à empêcher qu'un délit ne se commette et à remettre entre les mains des ministres de la loi les délinquants qu'ils ont surpris troublant l'ordre public. » L'art. 106 prescrit de conduire le prévenu dans tous les cas devant le procureur de la République; mais cette mesure serait trop rigoureuse et souvent impraticable lorsque l'arrestation a lieu en dehors du chef-lieu d'arrondissement: il faut alors le conduire devant l'officier auxiliaire le plus voisin, et cet officier statuera comme au cas de flagrant délit.

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Des visites domiciliaires au cas de flagrant délit.

L'art. 36 du C. d'instr. crim. est ainsi conçu : « Si la nature du crime ou du délit est telle que la preuve puisse vraisemblablement être acquise par les papiers ou autres pièces et effets en la possession du prévenu, le procureur du roi se transportera de suite dans le domicile du prévenu, pour y faire la perqui

sition des objets qu'il jugera utiles à la manifestation de la vérité. »

Cet article attribue, tant au procureur de la Répu blique qu'à ses auxiliaires, le droit de visite domiciliaire.

II y a lieu de rappeler, d'abord, que ce droit, l'un des plus importants dont ils soient investis, ne peut être exercé, aux termes de l'art. 32, que dans les cas de flagrant délit, et lorsque le fait est de nature à entraîner une peine afflictive ou infamante. Ce sont là les deux conditions qui constituent le droit de la police judiciaire ; si elles n'existaient pas l'une et l'autre, la visite domiciliaire serait une violation de domicile.

Cela posé, il faut examiner dans quelles circonstances l'officier de police, qui agit dans les cas de flagrant délit définis par la loi, peut opérer une visite domiciliaire.

L'art. 359 de la Constitution du 5 fructidor an III renfermait une disposition ainsi conçue Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi, et pour la personne et l'objet expressément désignés dans l'acte qui ordonne la visite. »> Cette disposition, qui soumettait chaque visite à la condition d'une ordonnance préalable, n'existe plus : au cas de flagrant délit, la visite est l'une des mesures que l'officier de police judiciaire peut prendre d'office, et par cela seul qu'il la juge utile à la manifestation de la vérité.

Mais l'art. 76 de la Constitution du 22 frimaire an VIII n'a point cessé d'être en vigueur; cet article

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porte La maison de toute personne habitant le territoire français est un asile inviolable. Pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie, d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur d'une maison. Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé par une loi ou par un ordre émané d'une autorité publique.: L'art. 3 de notre Constitution, que le législateur a considérée comme secondaire, s'est borné à reproduire le principe général : « La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable; il n'est permis d'y pénétrer que selon les termes et dans les cas prévus par la loi. »

De ces textes il faut conclure que l'officier de police judiciaire ne peut opérer une visite domiciliaire pendant la nuit. L'art. 36, quoiqu'il porte que cet officier se transportera de suite dans le domicile, n'a point dérogé au principe général de la loi du 22 frimaire an VIII; mais que faut-il entendre par la nuit? Le temps qui compose la nuit, quand il s'agit de régler l'introduction des officiers de police dans le domicile des citoyens, est déterminé par l'art. 1037 du C. de pr. civ., l'art. 1" du décret du 4 août 1806, et l'art. 181 de l'ordonnance du 29 octobre 1820'.

Une autre règle est que la visite domiciliaire ne peut être opérée que dans le seul domicile du prévenu c'est le texte formel de l'art. 36. Le juge d'instruction seul, aux termes des art. 87 et 88, a le pouvoir de se transporter dans les lieux, autres que

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le domicile du prévenu, pour y faire les recherches qu'il juge utiles à la découverte de la vérité. La loi a pensé que le droit des officiers de police, qui ne présentent pas les garanties du juge, devait être circonscrit à la maison du prévenu; la prévention fait leur titre; l'étendre au domicile des autres citoyens eût été livrer ce domicile à des investigations vexatoires et le plus souvent inutiles. On doit, toutefois, excepter les lieux ouverts au public, tels que les cafés et cabarets, pendant tout le temps qu'ils sont publics'.

Enfin, la visite domiciliaire ne doit avoir lieu, même dans le domicile du prévenu, que lorsqu'il existe déjà des indices et lorsqu'il est vraisemblable que la preuve du crime peut résulter des papiers et effets qui sont en sa possession. Il faut qu'il existe déjà des indices, car la visite est une mesure grave qui ne doit être opérée qu'à l'égard d'un citoyen déjà suspect à la justice et contre lequel s'élèvent des présomptions de crime: la loi énonce énergique ment cette règle en n'ouvrant à la visite que le domicile du prévenu; il est donc nécessaire qu'une prévention pèse sur lui. Il faut, ensuite, qu'il soit vraisemblable que la visite de son domicile amènera la preuve du crime: tels sont les termes précis de l'art. 36; la visite, si elle n'était pas fondée sur cette présomption, ne serait qu'une mesure vexatoire : l'intérêt de la justice fait sa seule légitimité.

L. 19-22 juill. 1791, tit. I", art. 8, 9 et 10; L. 28 germ. an vi, art. 129; Ord. 29 oct. 1820, art. 161 et 162; Carnot, t. I, p. 228; Legraverend, t. I, p. 186; Bourguignon, t. I.. p. 142.

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Des saisies au cas de flagrant délit.

L'art. 35 du C. d'instr. crim. est ainsi conçu : « Le procureur du roi se saisira des armes et de tout ce qui paraîtra avoir servi ou avoir été destiné à commettre le crime ou le délit, ainsi que tout ce qui paraîtra en avoir été le produit, enfin de tout ce qui pourra servir à la manifestation de la vérité. » L'art. 37 ajoute: «S'il existe dans le domicile du prévenu, des papiers ou effets qui puissent servir à conviction ou à décharge, le procureur du roi en dressera procès-verbal et se saisira desdits effets ou papiers.

Ces deux articles, en attribuant aux officiers de police judiciaire le droit de saisie, dans les cas de flagrant délit, soumettent l'exercice de ce droit à deux règles générales qu'ils ne doivent pas perdre de vue.

La première est que la saisie, telle qu'elle est prescrite par le Code, a pour but unique de fournir à la justice les moyens d'arriver à la manifestation de la vérité. Dans les matières fiscales la saisie peut être considérée comme une mesure répressive '; en matière ordinaire, elle n'est qu'une mesure de conviction; elle ne s'empare des papiers, pièces, armes ou effets qu'en les considérant comme des indices ou des preuves et pour en faire plus tard des pièces de décharge ou de conviction. Cette règle domine toutes les saisies faites par les officiers de lice judiciaire et doit les diriger dans ces opérations

Voy. suprà, chap. 7, p, 404.

po

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