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bien-aimé de l'imagination de Cervantes ne cesse pas d'être aimable; l'auteur, tout en le livrant à notre gaîté, a su lui faire une place dans notre cœur ; et par une inconcevable magie, plus nous nous divertissons à ses dépens, plus nous nous sentons disposés à l'aimer. C'est en même temps le triomphe du génie de Cervantes et la preuve que lui-même sympathisait avec ces déceptions qu'il savait rendre si bouffonnes. Celui qui regardait avec orgueil sa main mutilée à la bataille de Lépante; qui, captif dans Alger, ne songeait à rien moins qu'à provoquer un soulèvement général de tous ses compagnons d'infortune, cet homme avait du don Quichotte en lui. Ce mélange de tristesse dans la donnée fondamentale et de comique dans l'expression fait, à nos yeux, le premier mérite de son livre ; nous n'y trouvons pas seulement la source intarissable du rire, mais encore celle des réflexions profondes. Ajoutez-y la vérité des caractères, la vie puissante dont ils sont doués, à commencer par don Quichotte et Sancho, créations immortelles; la manière toujours naturelle et toujours plaisante dont le maître et l'écuyer contrastent ensemble; et l'étendue de cette œuvre, vaste et variée comme la vie, où Cervantes nous raconte sa patrie tout entière, mœurs, coutumes, religion, littérature, profession de toutes sortes; la facilité avec laquelle se déroule ce tissu d'innombrables aventures, les romanesques et touchans épisodes qui y sont de temps en temps rattachés; enfin, le style où se rencontrent les beautés les plus nobles et les graces les plus naïves du langage castillan: voilà ce livre dont on a depuis long-temps renoncé à faire l'analyse parce qu'il est peut-être le plus connu de tous les livres. Il rendit à sa naissance un important service à la littérature par le ridicule qu'il jeta sur les romans de chevalerie. Ce fut là, on le sait, le premier but de Cervantes; mais son génie dépassa la tàche qu'il s'était imposée. Il ne s'en tint pas à détruire, il créa; il donna le premier modèle du roman de mœurs, modèle dont Fielding et Lesage se sont approchés depuis, mais qu'ils n'ont pas toujours égalé.

La première traduction que nous possédions du Don Quichotte fut faite par François de Rosset en 1618. En 1639, César Oudin, secrétaire interprète des langues étrangères, essaya de nouveau de faire passer cet ouvrage dans notre langue. Beaucoup d'autres l'ont encore tenté après lui; mais toujours avec un succès bien imparfait. La plus malheureuse de ces tentatives est assurément celle de Florian; non content de ne donner dans son style qu'un pâle reflet de celui de Cervantes, il s'est permis de changer, de retrancher; enfin il a mutilé un chef-d'œuvre. Dans la traduction de M. BouchonDubournial publiée en 1807-8, et la seule qui soit complète, le style est loin d'être à la hauteur de l'original, et cette version ne se place pas beaucoup au-dessus de celle de Filleau de Saint-Martin (1гe édit., 1696, 5 vol. in-12).

Les autres productions de Cervantes sont bien loin du Don Quichotte; cependant il y a des beautés dans le roman pastoral de la Galatée; Florian l'a imité, et là il est au moins l'égal de son modèle. Les 12 Nouvelles, qui ont été traduites par Saint-Martin de Chassonville (1768) et par Lefebvre de Villebrune (1775), sont pleines d'intérêt: on y reconnaît la même imagination féconde, la même vivacité de couleurs que dans le Captif et dans le Curieux impertinent. Quant aux pièces de théâtre, d'ailleurs peu estimées, qui nous restent de Cervantes, on trouve dans Numance et dans la Vie d'Alger une grande énergie, des tableaux d'une horrible vérité, un sentiment brûlant de patriotisme; mais le plan est imparfait; on pourrait même dire que dans la Vie d'Alger l'auteur n'a pas songé à en faire un: ce n'est qu'une suite de tableaux représentant l'état des captifs, sans aucune espèce de liaison entre eux. Le roman de Persiles et Sigismonde, cet objet des derniers travaux et des dernières sollicitudes de Cervantes, renferme des aventures amusantes, des passages bien écrits; mais l'ensemble n'offre qu'une confusion d'événemens qu'on ne saurait débrouiller sans ennui. Les deux dernières traductions françaises sont celles de Mme Le Givre de Richebourg (1738, 4 v. in-12) et de Dubournial (6 v. in-18).

Quoique dominé par l'espèce de phy

La plus belle édition espagnole du | Leurs perfides insinuations ne trouvèrent don Quichotte est de 1780, 4 vol. in-4°, point d'écho; la honte est retombée tout avec figures; elle sortit des fameuses entière sur eux. presses d'Ibarra. La traduction française des OEuvres complètes, par Bouchon-sique en vogue de son temps, Césalpin Dubournial (Paris, 1822 et années suivantes, 12 vol. in-8°) n'est pas encore complète. L. L. O. CERVEAU et CERVELET, voy. ENCEPHALE.

ne se soumit pas aveuglément aux dogmes qu'elle proclamait. Ainsi, dans son livre Dæmonum investigatio peripatetica(Florence, 1580, in-4°), il combat les folies de la magie et de la sorcellerie. Il devança son époque par des découvertes importantes, et, le premier, il eut le mérite de reconnaitre la circulation du sang. Cette découverte, que Harvey devait plus tard compléter par une imposante série d'expériences, appartient incontestablement à Césalpin; les preuves sont si claires, dit Bayle, qu'il n'y a point de chicane qui puisse les éluder. Elles se trouvent textuellement au liv. V, chap. 4, des Quaestiones peripateticæ, au liv. II, chap. 12, des Quæstionum medicarum, et liv. I, chap. 2 du traité De Plantis.

CERVOISE, voy. BIÈRE. CÉSALPIN (ANDREA CESALPINO) naquit en Toscane, dans la petite ville d'Arezzo, au commencement de l'année | 1519. On remarqua en lui d'abord peu d'aptitude au travail et surtout une grande répugnance à se soumettre aux modes étroits, lents et presque entièrement religieux adoptés dans les classes les plus ordinaires comme dans les plus élevées. Lorsqu'on se fut aperçu què les punitions ne servaient qu'à exalter son esprit, on s'attacha plus particulièrement à exploiter au profit de la raison les sentimens de son ame pure, indépendante et profondément sollicitée par le besoin de la gloire. Dès lors on le vit sans cesse, à la tête de ses condisciples, combattre avec les plus ha-gréses doctrines hardies, c'est aussi moins biles et embarrasser jusqu'aux professeurs dans les discussions qu'il élevait sur toutes les branches de l'arbre des connaissances humaines. Il fut bientôt après reçu médecin.

Malgré cette découverte très remar quable, dont Harvey ne fait pas mention, c'est moins comme physiologiste, et, mal

comme philosophe, que le nom de Césalpin est célèbre de nos jours. Il a vu la botanique livrée à une vaine pompe d'érudition et à l'exagération des vertus plus ou moins héroïques attribuées aux planUne fois débarrassé du joug de l'école, tes: il a voulu la ramener à une étude il donna un libre essor à sa pensée; il plus philosophique, la conduire sur la entra dans la carrière de l'observation, voie d'une exploration utile et combler la et, reprenant les doctrines philosophiques lacune immense laissée dans le champ de d'Aristote selon le vrai sens de l'auteur, l'observation depuis les immortels écrits il les arracha à l'ornière de la scolastique. de Théophraste. Pour classer les végétaux, Une foule de disciples curieux de l'en-il a inventé une méthode fondée sur leur tendre, d'adopter ses idées larges, de profiter de ses observations, se réunissaient autour de sa chaire. Le livre Quæstiones peripatetica (Florence, 1569, in-4°) eut une vogue extraordinaire, surtout après les sorties virulentes de Samuel Parker, archidiacre de Cantorbéry, et de Nicolas Taurel, médecin de Montbéliard. Ces deux antagonistes mirent tout en œuvre, paroles, écrits, dénonciations secrètes et manœuvres ténébreuses, pour déférer Césalpin au tribunal de l'inquisition, pour éloigner ses auditeurs, pour attenter à Ja haute considération dont il jouissait.

organisation, et principalement en se servant des diverses parties de la fleur et du fruit, du nombre et de la position des graines. Les affinités et les rapprochemens naturels qu'il a obtenus dans cette marche absolument nouvelle lui ont donné la clé des familles adoptées par la science moderne et l'idée des caractères essentiels nécessaires à l'établissement d'une classification vraie, d'une nomenclature sage et progressive. On lui doit aussi d'avoir jeté les bases de l'anatomie et de la physiologie végétales par ses travaux consciencieux sur l'organisation des grai→

nes, qu'il comparait, avec Empédocle et le naturaliste d'Eresos, à l'œuf des ani- | maux, et sur leurs évolutions depuis l'apparition de la radicule et des feuilles séminales ou cotylédons jusqu'à l'entier développement de la plante.

Parfois il reconnait le sexe dans les organes de la fleur, fait que plus tard Linné devait établir de la manière la plus heureuse et la plus poétique. Il appelle la moelle la force vitale de la plante. C'est elle qui donne particulièrement le fruit, dit-il, comme les autres parties de la fleur proviennent de l'écorce et du bois: autres faits que le législateur de la botanique moderne a constatés et développés sous le titre de Prolepsis plantarum, tom. VI de ses Amœnitates academicæ.

milles et d'une méthode essentiellement naturelle.

Ce que Césalpin a fait pour les plantes, il l'a tenté pour les minéraux dans son livre De Metallicis (Romæ, 1596, in-4°); mais il n'a pas eu le même bonheur. On ne peut pas dire ici qu'il ait servi de guide à Romé de l'Isle, encore moins à l'illustre Haŭy.

La vie du botaniste d'Arezzo s'est écoulée tout entière dans le silence du cabinet, dans l'étude des végétaux qu'il cultivait pour les soumettre plus exactement à une investigation scrupuleuse de tous les instans, et dans ses fonctions de professeur à l'université de Pise. Sa sobriété, le bon emploi de son temps et de ses hautes facultés, le mirent à l'abri des infirmités; il atteignit sa 84° année sans se douter que la mort devait le frapper peu de temps après son établissement à Rome. Il a cessé de vivre le 23 février 1603, et non pas le 26 mars 1602, comme on l'a répété d'après une erreur de Tournefort.

Un genre de plantes a été dédié par Plumier à Césalpin. Il est heureusement choisi : ce sont des légumineuses de l'Amérique et de l'Inde, qui réunissent à la beauté du feuillage et de la couleur des fleurs l'utilité du bois que l'on emploie daus la teinture, sous le nom de brésillet et de bois de Sappan.

Césalpin divise les plantes d'après cinq sortes de considérations: 1 ola durée vitale, 2o la situation de la radicule, 3o le nombre des graines existant dans le fruit, soit | isolément, soit renfermées dans des loges, une ou plusieurs à la fois, 4° la forme et la nature des racines, et 5o l'absence des fleurs et des fruits. Ces cinq classes, expliquées en 47 sections et 940 chapitres dans son traité De Plantis libri XVI | (Florentiæ, 1583, in-4°), présentent des groupes si bien caractérisés qu'ils sont adoptés sans restriction. C'est là que Tournefort nous dit avoir puisé les élémens du genre dont on lui doit la création; c'est là que l'Écossais Robert Morison et que l'Anglais Jean Rai sont allés prendre l'idée des rapports naturels des espèces dont ils s'attribuent tout l'honneur. C'est encore de là que sort la source de la carpologie que Gærtner, Correa de Serra, MM.Richard etMirbel ont poussée si loin. De l'observation régulière des parties de la fructification doit sortir le meilleur système de classification des plantes; cette classification est parfaite en plusieurs points, mais elle demande à être complétée. Elle ne le sera jamais qu'en présence de la nature vivante, lorsque l'on suivra le fruit dans tous ses développe-même était gendre de Cinna. Les élémens et dans les modifications que lui fait subir la loi des avortemens. Rien n'a encore été ajouté aux principes posés par Césalpin dans le premier livre de son traité De Plantis, relativement aux bases à suivre pour l'établissement des fa

On conserve religieusement l'herbier de Césalpin au cabinet d'histoire naturelle de Florence; il est composé de 768 espèces bien séchées, collées, et accompagnées du nom que Césalpin leur donné et du nom vulgaire qu'elles portent dans une et même dans plusieurs contrées de l'Italie. A. T. D. B.

CÉSAR (CAIUS JULIUS), né l'an de Rome 654, 100 ans avant J.-C., sortait d'une famille patricienne qui prétendait descendre d'un côté de Vénus, de l'autre d'Ancus Martius, roi de Rome. La tante de César avait épousé Marius, lui

mens divers dont se composait Rome, le vieux patriciat sacerdotal, le parti des chevaliers, celui des Italiens, semblaient donc résumés en César. C'était un jeune homme singulièrement éloquent, dissola et audacieux, qui donnait tout à tous,

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lever de l'arène: il n'eut pas de meilleurs soldats dans la guerre civile. Le monde ancien excluait les femmes de la cité : César donna le premier l'exemple de rendre, même aux jeunes femmes, les honneurs publics; il prononça solennellement l'éloge funèbre de sa tante Julia et de Cornelia, sa femme. Ainsi, par la libéralité de son esprit, par sa magnanimité, par ses vices mêmes, César était le représentant de l'humanité contre le dur et austère esprit de la république; il méritait de devenir le fondateur de l'empire qui allait ouvrir au monde les portes de Rome.

qui se donnait lui-même à ceux dont l'amitié lui importait. Ses mœurs étaient celles de tous les jeunes gens de l'époque; ce qui n'était qu'à César, c'était cette effrayante prodigalité, qui empruntait, qui donnait sans compter, et qui ne se réservait d'autre liquidation que la guerre civile. C'était l'audace qui le fit, seul, dans le monde, résister à 17 ans aux volontés de Sylla. Le dictateur voulait lui faire répudier sa femme; le grand Pompée, si puissant alors, s'était soumis à un ordre semblable: César refusa d'obéir et il ne périt point; sa fortune fut plus forte que Sylla. Toute la noblesse, les Vestales elles-mêmes intercédèrent auprès du dictateur et demandèrent en grace la vie de cet enfant indocile : « Vous le voulez, dit-il, je vous l'accorde; mais dans cet enfant j'entrevois plusieurs Ma

rius. »

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Depuis que les Gracques avaient violemment rompu l'équilibre de la république,Rome n'avait plus été que le jouet des factions. Sylla, vainqueur de Marius et spoliateur des Italiens, avait abattu et proscrit le parti démocratique au profit du sénat qui, attaqué lui-même par les chevaliers, vit tomber pièce à pièce l'œuvre du dictateur. Mais la domination des chevaliers, ces hommes d'argent, usuriers et grands propriétaires, était si oppressive qu'un changement devint bientôt imminent, quelles que fussent les difficultés. César donna le premier signal, par un acte de justice solennelle qui condamnait la longue tyrannie des chevaliers; déjà il avait flétri celle des nobles en punissant les sicaires de Sylla. Il accusa le vieux Rabirius, agent des chevaliers, qui 30 ans auparavant avait tué un tribun, un défenseur des droits des Italiens, Apuleius Saturninus. Les chevaliers accoururent de l'Apulie et de la Campanie, où ils possédaient toutes les terres, défendirent Rabirius par l'organe de Cicéron et toutefois ne purent le sauver qu'en rompant violemment l'assemblée. César comprit que la révolution n'était pas mûre et attendit dans un formidable silence. Il le rompit pour parler en faveur des amis de Catilina (63 av. J.-C.); il défendit habilement et sophistiquement la cause de l'humanité et de la loi (loi Porcia), et faillit être mis en pièces.

César n'accepta point ce pardon et n'obéit pas davantage; il se réfugia en Asie. Tombé entre les mains des pirates, il les étonna de son audace; ils avaient demandé 20 talens pour sa rançon : « C'est trop peu, dit-il, vous en aurez 50; mais une fois libre, je vous ferai mettre en croix. » Et il leur tint parole. De retour à Rome, il osa relever les trophées de Marius. Plus tard, chargé d'informer contre les meurtriers, il punit à ce titre les sicaires de Sylla, sans égard aux lois du dictateur. Ainsi, il s'annonça hautement comme le défenseur de l'humanité, contre le parti qui avait défendu l'unité de la cité au prix de tant de sang. Tout ce qui était opprimé put s'adresser à César. Dès sa questure il favorisa les colonies latines, qui voulaient recouvrer les droits dont Sylla les avait privées. Les deux premières fois qu'il parut au barreau, ce fut pour parler en faveur des Grecs contre deux magistrats romains. On le vit plus tard, du milieu des marais et des forêts de la Gaule, pendant une guerre si terrible, orner à ses frais de monumens publics les villes de la Grèce et de l'Asie. Il tenait compte des Barbares et des esclaves eux-mêmes; il nourrissait un grand nombre de gla- La défaite de Catilina inspira tant diateurs pour les faire combattre dans d'orgueil et de confiance au sénat et à les jeux; mais quand les spectateurs sem- son chef, Cicéron, qu'ils crurent n'avoir blaient vouloir leur mort, il les faisait en-plus besoin de Pompée. Celui-ci, blessé

dans son orgueil et dans son ambition, se rapprocha de Crassus, le plus richecitoyen de Rome, et de César, qui revenait alors de la Lusitanie qu'il avait gouvernée après sa préture. Les premiers fruits de cette union furent pour César, qui obtint le consulat malgré la vive opposition du sénat (59 ans av. J.-C.). L'historien Dion nous a transmis l'histoire du consulat de César avec plus de détails que Suétone ou Velleius,et plus d'impartialité que Plutarque, toujours dominé par son enthousiasme classique pour les anciennes républiques dont il ne comprend pas le génie. « César, selon Dion Cassius, proposa une loi agraire à laquelle il était impossible de faire aucun reproche. Il y avait alors une multitude oisive et affamée qu'il était essentiel d'employer à la culture. D'autre part, il fallait repeupler les solitudes de l'Italie. César atteignait ce but sans faire tort à la république, ni aux propriétaires. Il partageait les terres publiques (et spécialement la Campanie) à ceux qui avaient trois enfans ou davantage. Capoue devenait une colonie romaine. Mais les terres publiques ne suffisaient pas; on devait acheter des terres patrimoniales au prix où elles étaient estimées par le cens. L'argent rapporté par Pompée ne pouvait être mieux employé qu'à fonder des colonies, où trouveraient place les soldats qui avaient conquis l'Asie. »

Lorsque César lut sa loi en plein sénat et demanda successivement à chaque sénateur s'il y trouvait quelque chose à dire, pas un ne l'attaqua, et néanmoins ils la repoussèrent tous. Alors César s'adressa au peuple. Pompée, interrogé par lui s'il soutiendrait sa loi, répondit que si quelqu'un l'attaquait avec l'épée, il la défendrait avec l'épée et le bouclier. Crassus parla dans le même sens. Caton et Bibulus, collègues de César, qui s'y opposèrent au péril de leur vie, ne purent empêcher que la loi ne passât. Bibulus se renferma dès lors dans sa maison, déclarant jours fériés tous ceux de son consulat; mais lui seul les observa. César ne tint compte de son absence. Il apaisa les chevaliers qui lui en voulaient depuis Catilina, en leur remettant un tiers sur le prix exagéré auquel ils avaient Encyclop. d. G. d. M. Tome V.

acheté la levée des impôts. Il fit confiimer tous les actes de Pompée en Asie, vendit au roi d'Égypte l'alliance de Rome, et accorda le même avantage au roi des Suèves établis dans la Gaule, Arioviste. César tournait déjà les yeux vers le nord. Tout en déclarant qu'il ne demandait rien pour lui, il s'était fait donner pour 5 ans les deux Gaules et l'Illyrie. La Gaule cisalpine était la province la plus voisine de Rome, la Transalpine celle qui ouvrait le plus vaste champ au génie militaire, celle qui promettait le plus rude exercice, la plus dure et la meilleure préparation de la guerre civile.

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César prit la Gaule par l'est, où Rome avait pour allié le puissant peuple des Éduens; il suivit les Alpes et le Rhin. D'abord il eut à combattre les Helvètes qui, abandonnant leurs montagnes, naient, au nombre de 378,000, pour traverser la province romaine et s'établir à l'Occident, dans le pays des Santones. César leur barra le chemin par un mur de dix mille pas qu'il éleva du lac de Genève au Jura; les força de se rejeter sur le pays des Séquanes, les atteignit au passage de la Saône, et, après une sanglante victoire près d'Autun, obligea ce qui restait à gagner l'Helvétie. Alors il lui fallut aller chercher sur les bords du Rhin, au-delà de Besançon, les 120,000 guerriers de la belliqueuse nation des Suèves qui voulaient tout au moins partager la Gaule avec Rome. Les légions hésitèrent; mais, ranimées par une parole de César, elles détruisirent dans un furieux combat presque toute l'armée barbare (58 ans avant J.-C.).

César poursuivit vers le nord la conquête de la Gaule. Protégés par leurs plaines bourbeuses et par les forêts vierges de la Meuse et de la Seine, les Gaulois septentrionaux, Belges et autres, se crurent au moment d'exterminer l'armée romaine. César fut obligé de saisir une enseigne pour faire avancer les siens: 53,000 Belges furent vendus comme esclaves. César s'efforce dès lors d'isoler la Gaule de tout ce qui l'entoure, de la Germanie, d'où lui viennent de nouveaux guerriers, de la Grande-Bretagne, qui sans cesse communique avec elle et entretient le fanatisme druidique. Maître

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