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WRARE

586

CURIOSITÉS

ESTHÉTIQUES

SALON DE 1845

I

QUELQUES MOTS D'INTRODUCTION

Nous pouvons dire au moins avec autant de justesse qu'un écrivain bien connu à propos de ses petits livres ce que nous disons, les journaux n'oseraient l'imprimer. Nous serons donc bien cruels et bien. insolents? non pas, au contraire, impartiaux. Nous n'avons pas d'amis, c'est un grand point, et pas d'ennemis. Depuis M. G. Planche, un paysan du Danube dont l'éloquence impérative et savante s'est tue au grand regret des sains esprits, la critique des journaux, tantôt niaise, tantôt furieuse, jamais indé

pendante, a, par ses mensonges et ses camaraderies effrontées, dégoûté le bourgeois de ces utiles guideânes qu'on nomme comptes rendus de Salons 1.

Et tout d'abord, à propos de cette impertinente appellation, le bourgeois, nous déclarons que nous ne partageons nullement les préjugés de nos grands confrères artistiques qui se sont évertués depuis plusieurs années à jeter l'anathème sur cet être inoffensif qui ne demanderait pas mieux que d'aimer la bonne peinture, si ces messieurs savaient la lui faire comprendre, et si les artistes la lui montraient plus souvent.

Ce mot, qui sent l'argot d'atelier d'une lieue, devrait être supprimé du dictionnaire de la critique.

Il n'y a plus de bourgeois, depuis que le bourgeois -ce qui prouve sa bonne volonté à devenir artistique, à l'égard des feuilletonistes

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se sert lui-même de

puisque bourgeois il

il faut plaire à ceux

Et enfin, il y a tant de bourgeois parmi les artistes, qu'il vaut mieux, en somme, supprimer un mot qui ne caractérise aucun vice particulier de caste, puisqu'il peut s'appliquer également aux uns, qui ne demandent pas mieux que de ne plus le mériter, et aux

1. Citons une belle et honorable exception, M. Delécluze, dont nous ne partageons pas toujours les opinions, mais qui a toujours su sauvegarder ses franchises, et qui sans fanfares ni emphase a eu souvent le mérite de dénicher les talents jeunes et inconnus.

autres, qui ne se sont jamais doutés qu'ils en étaient dignes.

C'est avec le même mépris de toute opposition et de toutes criailleries systématiques, opposition et criailleries devenues banales et communes 1, c'est avec le même esprit d'ordre, le même amour du bon sens, que nous repoussons loin de cette petite brochure toute discussion, et sur les jurys en général, et sur le jury de peinture en particulier, et sur la réforme du jury devenue, dit-on, nécessaire, et sur le mode et la fréquence des expositions, etc... D'abord il faut un jury, ceci est clair et quant au retour annuel des expositions, que nous devons à l'esprit éclairé et libéralement paternel d'un roi à qui le public et les artistes doivent la jouissance de six musées (la galerie des Dessins, le supplément de la galerie Française, le musée Espagnol, le musée Standish, le musée de Versailles, le musée de Marine), un esprit juste verra toujours qu'un grand artiste n'y peut que gagner, vu sa fécondité naturelle, et qu'un médiocre n'y peut trouver - que le châtiment mérité.

-

Nous parlerons de tout ce qui attire les yeux de la foule et des artistes; la conscience de notre métier nous y oblige. Tout ce qui plaît a une raison de plaire, et mépriser les attroupements de ceux qui s'égarent n'est pas le moyen de les ramener où ils devraient être.

1. Les réclamations sont peut-être justes, mais elles sont criailleries, parce qu'elles sont devenues systématiques.

Notre méthode de discours consistera simplement à diviser notre travail en tableaux d'histoire et portraits — tableaux de genre et paysages sculpture gravures et dessins, et à ranger les artistes suivant l'ordre et le grade que leur a assignés l'estime publique.

8 mai 1845.

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