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Dans tout ce qui est intrinsèque au contrat, on ne peut consulter que la loi sous laquelle le contrat a été passé; et l'on doit regarder comme intrinsèque au contrat, tout ce qui entre, soit essentiellement, soit naturellement, dans sa confection, et tout ce qui, sans le concours de causes étrangères ou nouvelles, en dérive immédiatement.

Ainsi, la nature de l'acte, ses formalités constitutives, la capacité des parties, ses effets immédiats, tout cela ne peut dépendre que de la loi du temps du contrat.

Mais s'agit-il des suites d'un contrat parfait? C'est à la loi du temps où ces suites ont lieu, qu'il faut s'attacher.

Ainsi, on n'a jamais douté que la prescription des arrérages d'une Rente constituée avant le Code civil, ne dût être réglée par ce Code, quant aux arrerages échus depuis sa mise en activité.

Ainsi, on n'a jamais douté que la loi du 11 brumaire an 7 n'eût pu, comme elle l'a fait, assujetir à l'inscription, des hypothèques qui avaient été promises ou constituées sous l'ancien régime hypothécaire.

Il est vrai que, même par rapport aux suites d'un contrat, la loi nouvelle ne peut pas porter atteinte aux droits acquis aux contrac

tans.

Mais un droit n'est acquis à une personne, que lorsqu'il l'est complètement ou sous une condition dont l'inaccomplissement ne peut pas être imputé à cette personne.

On ne peut pas considérer comme un droit acquis, l'expectative d'un avantage que la loi du temps du contrat promettait purement et simplement, et qu'une loi postérieure fait dépendre d'une condition qu'il ne tient qu'à la personne de remplir.

Ainsi, l'étranger qui, avant la loi du 10 septembre 1807, avait contracté en France avec un français, avait bien l'expectative de ne pouvoir pas être contraint par corps au paie. ment de la dette. Mais cette expectative ne formait pas pour lui un droit tellement acquis, que la loi du 10 septembre 1807 n'ait pu lui dire : ou paye ta dette, ou va en prison. (V. mon Recueil des Questions de droit, au mot Étranger, S. 4).

De même, dans notre espèce, le débiteur d'une Rente constituée avant le Code civil, avait bien l'expectative de n'être jamais contraint d'en rembourser le capital. Mais cette expectative ne formait pour lui un droit acquis, qu'en ce sens qu'on ne pouvait pas le lui enlever, en lui imposant, pour pouvoir en jouir, des conditions indépendantes de sa volonté. Elle ne formait pas pour lui un droit

acquis, en ce sens que la Rente ne pût jamais devenir exigible par un fait qui lui serait personnel, et qui, arrivant sous l'empire d'une loi nouvelle, tomberait dans le domaine de cette loi. ]]

Mais puisqu'il est question ici de cens constitués en Piemont, il est bon de remarquer que ce pays-ci ne manque pas d'exemples domestiques, et même dans la matière de cens, de la limitation posée au principe vague et indefini de la non rétroactivité des lois. Nous avons vu, à l'art. 2, no 7, que l'on a reduit, en 1633, à six pour cent les cens antérieurement créés à un taux plus fort. Les constitutions piémontaises prescrivaient aussi (liv. 3, tit. 33, S. 28) que, dans le cas de jugement d'ordre sur les biens d'un débiteur de cens, fût censé résolu en simple créance, et capital fût payé. Jamais on n'a doute de l'application de cette disposition aux cens antérieurs à la publication des constitutions piémontaises.

le cens

que

le

Telles sont les objections principales qu'on peut faire à l'opinion adoptée par la cour d'appel de Turin.

Comme il existe encore actuellement une foule de cens, tant en Piémont que dans les au. tres départemens au-delà des Alpes, cette question est très-importante, tant pour les particuliers que dans l'intérêt public. Il est aisé de sentir que le système contraire à celui de la cour d'appel de Turin, tendrait mieux à fa

voriser l'affranchissement des biens des charges perpétuelles, objet d'un grand nombre de lois rendues depuis 1789. Mais cette considé ration seule n'est pas une raison de décider en matière de propriétés privées. Je l'ai alléguée pour montrer tout l'intérêt de la question, et combien il serait à désirer qu'une décision de la cour de cassation mit un terme à toute incertitude à cet égard.

[[Depuis que M. Delpozzo a écrit ce qu'on vient de lire, la cour d'appel de Turin est revenue elle-même, par un arrêt du 3 mai 1811, à l'opinion qu'il professe ici :

« Considérant (a-t-elle dit dans les motifs de cet arrêt) que la bulle du pape Pie V, qui a régi le contrat de cens dont il s'agit, pourrait bien servir de régle pour connaître si, dans la stipulation de l'acte qui le constitue, on s'est, ou non, conforme à ce qui était de rigueur pour sa validité; mais elle n'a plus rien de commun avec les lois postérieures, qui ont pu et voulu établir des peines contre les débiteurs des annuités naissant de ces espèces de contrats; et s'agissant d'appliquer la seule loi en vigueur en la matière, il est erroné

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de dire que cette application viole la défense de la rétroactivité que l'art. 2 du Code civil a maintenue;

» Que l'art. 1912 du Code civil n'admet aucune distinction entre la Rente perpétuelle en usage en Piémont, et toute autre Rente constituée ailleurs en perpétuel; que le juge ne peut distinguer où la loi ne distingue pas;

» Qu'ainsi, l'art. 1912 précité a été appliqué avec d'autant plus de raison en l'espèce, que le moyen d'obtenir l'envoi en possession effective des biens du débiteur en force de la clause de constitut, ayant cessé en vertu du nouveau régime hypothécaire et de la jurisprudence(1), le principal motif des décisions qu'on invoque en faveur des appelans, aurait, par-là, également cessé ».

C'est aussi ce que la cour de cassation a jugé l'année suivante après une discussion trèssolennelle.

Par contrat du 19 février 1794, le sieur Molinelli constitue, au profit du séminaire des clercs de Tortone, moyennant un capital de 3,500 livres, monnaie de Piémont, qu'il reçoit de cet établissement, un cens annuel, perpétuel et rachetable de 175 livres, même monnaie, qu'il asseoit et affecte spécialement sur des immeubles, conformément à la bulle du pape Pie V.

Après la réunion du Piemont à la France et la mise en activité du Code civil dans ce pays, le sieur Molinelli laisse écouler plu sieurs années sans payer les arrérages de ce

cens.

Le séminaire des clercs de Tortone le fait assigner devant le tribunal de première ins tance de la même ville, pour le faire condamner, d'après l'art. 1912 du Code civil, au remboursement du capital.

Le 8 juin 1809, jugement qui, en effet, condamne le sieur Molinelli à rembourser.

Mais sur l'appel, arrêt infirmatif de la cour de Gênes, du 6 juin 1810, qui déboute le séminaire de sa demande,

« Attendu 1o que la bulle de Pie V, sous l'empire de laquelle le contrat de cens dont il s'agit, a été passé, voulant ôter tout soupçon d'usure, avait donné à ce contrat une substance et une forme particulières, d'après lesquelles l'un des contractans vendait à l'autre, moyennant une somme principale, le droit de prendre, sur un immeuble délégué, une rente annuelle, perpétuelle et rachetable, tellement que, si l'immeuble venait à périr ou diminuer, la rente périssait ou diminuait en proportion pour le créancier ; en sorte que le

(1) l'article Effet rétroactif, sect. 3, §. 10.

cas dont il s'agit, étant essentiellement différent des Rentes constituées, énoncées en l'art. 1912 du Code civil, ne peut être régi par cet article ;

» 20 Que, d'après la même bulle, le débiteur ne pouvait être contraint au rachat de la rente pour quelque motif qne ce fût, pas même de retard quelconque dans le paiement des arrérages : qu'il en résulte qu'en constituant le cens en question, conformément à cette loi, les parties sont convenues que le débiteur ne pourrait jamais être obligé au remboursement du capital, nonobstant tout retard de paiement des arrerages; que c'est là un droit qui lui était acquis avant la publi cation du Code; qu'on ne peut donc l'en priver en vertu de l'art. 1912, sans donner un effet rétroactif à cet article ».

Mais le séminaire des clercs de Tortone se pourvoit en cassation ; et par arrêt du 6 juillet 1812, au rapport de M. Cassaigne,

« Vu l'art. 1912 du Code civil;

» Attendu 10 Qu'il est de la nature des choses, et qu'une Rente foncière ne puisse être créée que par la tradition d'un fonds, et qu'une Rente en perpétuel, créée à prix d'argent, soit une Rente constituée; que, de quelques fictions qu'on ait accompagné les Rentes de cette dernière espèce, quelles que soient les hypothèques ou les affectations qu'on leur ait données sur des fonds, quel que soit le nom qu'on leur ait assigné, toutes ces choses imaginées pour dissimuler le prêt à intérêts, ne peuvent faire que ce qui est, ne soit pas; que la fiction doit ceder à la vérité dans un empire où la loi étant générale, les contrats d'une même nature doivent, pour tous les citoyens, être régis de la même manière ;

» Que, dans le fait, le contrat du 19 février 1794 a créé une Rente annuelle, perpétuelle et rachetable, de 175 livres monnaie de Piémont, pour le prix de 3,500 livres même monnaie, somme qui a été donnée par l'acquéreur de la Rente à celui qui s'en est constitué débiteur; que, dès-lors, c'est une Rente constituée de même nature que celles qui sont l'objet de l'art. 1912 du Code;

» Attendu 2o que l'art. 1912 dispose que le débiteur d'une Rente constituée en perpétuel peut être contraint au rachat, s'il cesse de remplir ses obligations pendant deux années; que l'application actuelle de cette disposition aux contrats de Rentes anciennement constituées, n'a aucun effet rétroactif, quand la demande du débiteur de remplir ses obliga gations, est postérieure à la promulgation du Code; qu'il est toujours dans la puissance du

Legislateur de régler pour l'avenir le mode d'exécution des contrats et de substituer le mode qui convient au système général qu'il établit, à des modes particuliers qui ne seraient pas en harmonie avec le système genéral : d'où il résulte qu'en refusant d'ordonner le remboursement du capital de la Rente dont il s'agit, l'arrêt du 6 juin 1810 a contrevenu à l'art. 1912 ;

« La cour casse et annulle l'arrêt de la cour d'appel de Gênes, du 6 juin 1810... ».

Un arrêt semblable a été rendu, peu de temps après, dans l'espèce suivante.

En 1779, le sieur Perret constitue une Rente à prix d'argent au profit du sieur Lucan.

Ensuite, il fait avec le sieur Perrard une convention par laquelle il le charge de payer cette Rente à son acquit.

Après la publication de l'art. 1912 du Code civil, le sieur Perrard laisse écouler trois années sans payer les arrérages de la rente.

Le 4 juin 1806, les héritiers du sieur Lucan lui font, en vertu de la grosse du contrat de constitution, commandement de payer les arrérages échus et de rembourser le capital.

Les héritiers du sieur Perret, prenant le fait et cause du sieur Perrard, demandent la nullité de ce commandement: au fond, parceque la Rente ayant été constituée sous l'ancienne législation, l'art. 1912 ne peut pas être appliqué à l'espèce; dans la forme, parceque, si le remboursement du capital peut être exigé dans l'espèce, du moins il ne peut l'être que par une action ordinaire, les tribunaux ayant la faculté d'accorder un délai au débiteur pour payer les arrérages, et, par là, purger sa demeure; qu'ainsi, le créancier n'a pas pu agir par contrainte.

Le 3 juillet 1807, jugement qui, sans avoir égard aux defenses et exceptions des héritiers du sieur Perret, ordonne la continuation des poursuites.

Appel; et par arrêt du 21 juillet 1809, la cour de Dijon dit qu'il a été bien jugé.

Recours en cassation de la part des héritiers du sieur Perret, qui le fondent sur l'art. 1184 du Code civil, qu'ils prétendent avoir été vio lé, et sur l'art. 2 du même Code qui, en probibant tout effet rétroactif dans les lois, devait,selon eux, empêcher l'application de l'art. 1912. Le 4 novembre 1812, arrêt contradictoire, au rapport de M. Cassaigne par lequel,

« Attendu 1o qu'il appartient à la loi de régir les faits qui se passent sous son empire, et d'y attacher les peines qu'elle trouve convenable pour le maintien du nouvel ordre qu'elle établit; que par conséquent on ne peut accuser d'effet rétroactif l'art. 1912 du TOME XXVII.

Code civil, lorsqu'on l'applique aux ancien· nes Rentes constituées pour les arrerages que le débiteur a, par son fait, laissé courir et échoir et a cessé de payer pendant deux annees consécutives depuis la publication;

» Attendu 2o qu'il résulte de l'art. 1912, qu'à défaut de paiement des arrérages d'une Rente constituée pendant deux ans, le capi tal en est exigible, et que le débiteur peut étre contraint au remboursement du capital; qu'il suit de ces expressions, qu'en ce cas, le débiteur est obligé au remboursement, comme si la clause était écrite dans le contrat, et que par suite, ce titre est exécutoire par toutes les voies de droit; que, si l'art. 1184 pose en principe général, qu'on doit se pourvoir par action dans le cas d'une condition résolutoire sous-entendué, ce principe est inaplicable à l'espèce qui est spécialement régie par les art. 1912 et 1913; qu'enfin, si le débiteur a des moyens valables à opposer contre l'exigibilité du principal, il peut les faire valoir, en s'opposant à l'exécution, que de droit; ce qui concilie à la fois l'intérêt des parties et celui de la loi ;

» La cour rejette le pourvoi........ ».

ainsi

Cette jurisprudence est encore confirmée bien positivement par l'arrêt de la cour de cassation du 12 juillet 1813, qui est rapporté aux mots Rente de don et legs, no 2, et par un grand nombre d'autres, dont j'ai rendu compte à l'article Effet rétroactif, sect. 3, S. 3, no 11. ]]

ART. IV. De la prescription du cens.

I. A cet égard, la jurisprudence piémontaise faisait une distinction importante entre le capital et les arrérages.

La prescription immémoriale ou centenaire était la seule qu'on pût régulièrement opposer au capital et au droit de percevoir le cens annuel. Je dis régulièrement, car on trouverait peut-être quelques cas où l'on a déclaré le cens prescrit par un temps moindre; mais il y avait un concours de circonstances qui faisait présumer que le capital du cens avait été remboursé. Il est évident que ces cas ne peuvent pas former jurispru dence.

Au contraire, la maxime générale de l'imprescriptibilité par un temps moindre de cent années, est conforme à la doctrine du président Favre, liv. 7, tit 13, déf. 6, 9, et 19 et 20 de son Code, à celle de Thesaurus, déc. 1709, et à un grand nombre d'arrêts du senat de Turin.

II. Quant aux arrérages du cens, ils se pres

32

par

que

de

trente ans ; et ce n'est crivaient puis la publication de l'art. 2277 du code civil, qu'ils sont sujets à la prescription quinquennale.*

[[ Cette dernière assertion a été confirmée, pour la Savoie, par un arrêt de la cour de cassation, du 23 mars 1808, dont le bulletin civil de cette cour nous retrace ainsi l'espèce et le dispositif:

«Le tribunal de l'arrondissement de Bonneville avait déclaré prescrits les arrerages d'une Rente constituée, échus les 19 décembre 1796, 1797 et 1798, quoique les constitutions sardes (de 1770) n'aient excepté, par aucune disposition particulière, les Rentes constituées de la prescription de 30 ans; quoique l'ordonnance de 1510 n'eût pas été publice dans l'arrondissement de Bonneville, et que la loi du 20 août 1792 ne soit pas applicable aux Rentes constituées d'où il suit que le tribunal de Bonneville avait violé les constitutions sardes, et faussement appliqué la loi du 20 août 1792.

» Ouï le rapport de M. Oudart........... ;

» Vu le §. 1, tit. 18, liv. 5, des constitutions sardes de 177°;

» Et attendu que les Rentes constituées à prix d'argent, ne sont comprises dans aucune des exceptions portées par les mêmes constitutions; et qu'ainsi, elles ne se prescrivaient que par trente ans, jusqu'à la promulgation du Code civil; que l'ordonnance de 1510 n'a jamais été publiée dans l'arrondissement de Bonneville, et que la loi du 20 août 1792 ne s'applique pas aux arrérages des Rentes constituées; d'où il suit que le tribunal de l'arrondissement de Bonneville, en déclarant prescrite l'action à fin de paiement des arrérages de la Rente constituée dont il s'agit, échus les 19 décembre 1796, 1797 et 1798, a violé les constitutions sardes ci des sus citées, et fait une fausse application de la loi du 20 août 1792;

» Par ce motif, la cour casse et annulle... ». Le 3 août, 1809, autre arrêt, au rapport de M. Audier-Massillon, qui casse, dans les mêmes circonstances, un arrêt de la cour d'appel de Lyon, du 3 août 1806, confirmatif d'un jugement du tribunal de re iustance de Bonneville. On peut en voir l'espèce et le dispositif dans le Bulletin civil de la cour de cassation.

Au surplus, V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Rente constituée, S. 9.

S. XIII. Du mode d'évaluation des Rentes constituées, pour la liquidation du droit d'enregistrement qui en est dú

en cas d'aliénation ou de transmission par décès.

Est-ce par le prix de l'aliénation, tel qu'il est fixé par le contrat, ou par le capital, tel qu'il a été originairement constitué, que doit être déterminée la somme sur laquelle le droit d'enregistrement doit être perçu?

De ces deux partis, l'art. 14 de la loi du 22 frimaire an 7 prouve clairement que c'est le second qui doit prévaloir.

«La valeur de la propriété, de l'usufruit, et de la jouissance des biens-meubles ( y estil dit), est déterminée par la liquidation et le paiement du droit d'enregistrement, ainsi qu'il suit....

» 50 Pour les ventes et autres transmissions à titre onéreux, par le prix exprimé et le capital des charges qui peuvent ajouter au prix;

» 60 Pour les créations de Rentes, soit perpétuelles, soit viagères, ou de pensions, aussi à titre onéreux, par le capital constitué et aliéné;

» 7. Pour les cessions ou transports desdites rentes ou pensions, et pour leur amortissement ou rachat, par le capital constitué, quel que soit le prix stipulé pour le transport ou l'amortissement ».

Et c'est ce qu'a jugé un arrêt de la cour de cassation du 4 mai 1807, que le Bulletin civil de cette cour nous retrace en ces termes :

>> Jeanne Stroobault, décédée le 21 frimaire an 9, laissa dans sa succession plusieurs Rentes constituées. Le 12 prairial an 9, les Rentes furent vendues sur publications, à un prix inferieur aux capitaux constitues. Trois jours après, un fondé de pouvoir des heritiers fit la déclaration de mutation; il y établit les Rentes sur les taux des capitaux réels. Le receveur perçut les droits sur ce pied.

» Au mois de messidor suivant, les heritiers assignèrent la régie en restitution, prétendant qu'on n'aurait dû percevoir les droits de mutation par décès que sur le prix principal de la vente publique qui venait d'être faite de ces Rentes, non sur leur capital constitué..

» Le tribunal de Bruxelles adopta cette prétention, et condamna la régie à restituer. Ce jugement a été cassé dans les termes sui

vans:

» Ouï le rapport de M. Chasle...;

» Vu l'art. 14 de la foi du 22 frimaire an 7, nos 6 et 7 ;

>> Attendu qu'il résulte de ses dispositions, ainsi que de la combinaison des différens autres articles de la loi, que le législateur n'a voulu se référer à la déclaration estimative des parties, qu'autant qu'il n'existerait pas d'ailleurs de bases fixes et certaines qui puissent déter

miner la perception des droits, et encore, s'il s'agit d'immeubles, et si la déclaration estimative parait inférieure à la valeur, a-t-il autorisé la voie de l'expertise; qu'à l'égard des Rentes, il s'est exprimé d'une manière si positive, qu'il ne peut y avoir aucun doute que c'est toujours le capital constitué et aliene qui doit servir de base à la perception, et jamais le prix venal ou d'estimation, sauf le cas où il s'agit d'objets dont les prix ne puissent pas être réglés par les mercuriales, et sauf encore les autres moyens indiqués par la loi pour déterminer le capital, s'il n'a été ni exprimé ni fixe;

» La cour casse et annulle.... ».

S. XIV. Quel effet a produit la loi du 17 juillet 1793, portant abolition des droits féodaux, sur une Rente constituée du prix d'un immeuble, par un contrat renfermant, de la part du vendeur, réserve d'un droit féodal sur le fonds

aliéné?

V.l'article Rente scigneuriale, §. 2, no 15.]]

[[RENTE CONVENANCIÈRE. On ap pelle ainsi, en Bretagne, une prestation soit en argent, soit en denrées, qui forme le prix d'un bail à domaine congéable.

D'après ce qui est dit sous les mots Bail à domaine congéable, Baillée, Congément et Convenant, il ne reste plus ici qu'une question à traiter: c'est celle de savoir si les Rentes convenancières qui ont été créées avec mélange de droits féodaux, sont abolies, comme le sont en pareil cas les Rentes foncières.

L'affirmative ne souffrirait aucune difficulté, si les choses étaient encore au point où elles se trouvaient à l'époque où la loi du 17 juillet 1793, entendue dans le sens que lui ont donne les décrets du 2 octobre suivant et du 7 ventose an 2, a prononcé l'abolition des Rentes foncières dans la stipulation desquelles il s'était glissé quelque mélange de droits féodaux.

A cette époque, en effet, les Rentes conve nancières étaient rachetables comme les Rentes foncières: elles avaient été déclarées telles par la loi du 27 août 1792; et par là, toute différence entre les Rentes foncières et les Rentes convenancières se trouvait effacée.

Aussi l'interprétation que les décrets du 2 octobre 1793 et du 7 ventose an 2 avaient donnée à la loi du 17 juillet 1793, par rapport aux Rentes foncières, a-t-elle été étendue aux Rentes convenancières par un autre décret du 29 floréal an 2:

«La convention nationale (porte ce décret), après avoir entendu le rapport de son comité

de législation, sur la question proposée par le tribunal du district de Pontrieux, département des Côtes-du-Nord, relativement aux Rentes convenancières ;

» Considérant que, par l'art. 1 de la loi du 17 juillet 1793, toute redevance ou Rente entachée originairement de la plus légère marque de féodalité, est supprimée sans indemnité, quelle que soit sa dénomination, quand même elle aurait été déclarée rachetable par les lois antérieures ; et qu'ainsi, il ne peut y avoir de conservées que les Rentes convenancières qui ont été créées originairement, sans aucun mé lange ni signe de féodalite;

» Déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer ». Mais la loi du 27 août 1792 n'existe plus : elle est abrogée par celle du 9 brumaire an 6. Les Rentes convenancières sont donc redevenues ce qu'elles étaient avant la première de ces lois, c'est-à-dire, de simples fermages d'un bail dont la durée est, à la vérité, indéfinie, mais qui peut être résolu d'un moment à l'autre par le propriétaire. Or, les redevances qualifiées féodales, ou mélangées de droits de la loi du 17 juillet 1793, qu'autant qu'elles qualifies feodaux, ne sont abolies, par l'art. 1 sont le prix d'une alienation proprement dite, d'une vraie et perpétuelle translation de propriété (1). L'art. 1 de la loi du 17 juillet 1793 ne peut donc plus aujourd'hui s'appliquer aux Rentes convenancières.

Et ce qui le prouve d'une manière sans réplique, c'est que la loi du 9 brumaire an 6 abroge expressément le décret du 29 floreal an 2, et rétablit, dans toute sa vigueur, la loi du 7 juin-6 août 1791, qui, en affranchissant les domaniers de tout ce qu'il y avait de féodal dans leurs tenures, les oblige de continuer la prestation des Rentes convenancières.

Voici au surplus un arrêt de la cour de cassation, qui le juge ainsi.

Par acte notarié du 22 janvier 1772, le sieur Laurent reconnait tenir de François-Julien de Boissy, seigneur de Moriac-Dufou, des heritages qu'il possède à titre de domaines congéables, et lui devoir, à raison de cette tenure, 36 sous, un minot de seigle et trois chapons, de Rente convenancière; « plus, de chef-rente » à la juridiction de Moriac-Dufou, un boisseau »de froment, avec une corvée et obéissance à >> cour et moulin de ladite seigneurie, ainsi que » les autres hommes sujets, tenant terres à pa» reil titre, sont tenus faire à leur seigneur ».

En 1807, l'administration des domaines découvre cet acte; et informée que le ci-devant seigneur au profit duquel il a été passé, a en

(1). Part cle Emphythéose, §. 5.

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