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» Cela est si vrai, enfin, qu'en prononçant d'après ces observations, le rapport de la loi du 27 août 1792, celle du 9 brumaire an 6 a fait marcher de front, dans son deuxième article, et le maintient des propriétaires fonciers des domaines congéables dans la pro priété de leurs tenures, et le renouvellement du décret de l'assemblée constituante, du 7 juin 1791, dont toutes les dispositions sont exclusives de la faculté de racheter les Rentes convenancières.

>> Dans notre espèce, ce n'est, de l'aveu même de la cour d'appel d'Amiens, ce n'est ni comme fermier à temps fixe,ni comme preneur à domaine congeable, que le demandeur jouit, tant par lui-même que par ses auteurs, depuis le 14 avril 1485, des terres grevées de la Rente reclamée par le défendeur : il en jouit comme tenancier à Rente foncière : il en jouit en vertu d'un bail à Rente. Et la Rente qui a formé le prix originaire de sa concession (n'importe, quant à present, qu'elle soit féodale ou non ), a été incontestablement déclarée rachetable, d'abord, par les lois du 4 août 1789, ensuite, soit par la loi du 3-9 mai 1790,relative au rachat des Rentes seigneuriales, soit par la loi du 18-29décembre de la même année, relative au rachat des Rentes purement foncières. Le demandeur jouit donc, aux termes de ces lois, non comme usufruitier,mais comme propriétaire; la cour d'appel d'Amiens a donc violé ces lois, en jugeant que le demandeur n'est qu'usufruitier. » Ajoutons qu'elle les aurait encore violées, même dans l'étrange supposition qu'elle a admise, même dans le cas où, soit par l'acte du 14 avril 1485, soit par les titres postérieurs qui en seraient les interprètes, il serait clairement établi que le demandeur n'avait acquis, par cet acte, qu'un droit d'usufruit perpétuel.

» Car, il est impossible de se le dissimuler, en n'acquérant en apparence, par cet acte, qu'un droit d'usufruit perpétuel, il aurait réellement acquis la propriété foncière des héritages sur lesquels ce droit devait s'exercer et c'est ce que deux lois formelles ont décidé nettement.

»La première est l'art. 2 de la loi du 18-29 décembre 1790..... (1).

» Cet article décide nettement que le bail à locatairie perpétuelle transférait la propriété au preneur ; quoiqu'à en juger par ses termcs, il semblát la réserver au bailleur.

» Et c'est ce que la cour a jugé d'une manière bien précise, par un arrêt du 30 mars

(1) V. mon Recueil de Questions de droit, aux mots Locataire perpétuelle, §. 1.

1808, au rapport de M. Gandon, Il s'agissait de savoir si l'immeuble possédé à titre de locatairie perpétuelle, est sujet envers la régie de l'enregistrement, aux mêmes droits de mutation que s'il était possédé à titre purement patrimonial. Le tribunal devant lequel cette question avait été portée, l'avait jugée néga tivement. Mais, sur le recours de la régie, le jugement de ce tribunal a été cassé, attendu (porte l'arrêt cite) que, d'après le décret du 18 décembre 1790, les détenteurs à titre de locatairie perpétuelle sont assimilés aux détenteurs à titre de bail à Rente, SONT, COMME CEUX-CI, Propriétaires, et sont autorisés à affranchir la Rente par eux due.

» La seconde loi que nous avons annoncée, est intervenue le 2 prairial an 2, sur la question de savoir si les Rentes constituées par baux à culture perpétuelle, étaient passibles de la faculté de rachat accordée par les décrets du 4 août 1789 ; et voici comment elle a résolu cette question : La convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur les questions proposées par le commissaire national, et au nom du tribunal du district de Villefranche, si les baux de fonds donnés à culture perpétuelle, sont sujets au rachat, et en cas d'affirmative, quel est du bailleur ou du preneur, celui qui est autorisé à l'effectuer; considerant que,d'après les dispositions de la loi du 18 décembre 1790, sur les baux à locatairie perpétuelle, il est impossible de ne pas regarder les baux à culture perpétuelle comme soumis au rachat, suivant le mode determiné par cette loi pour le rachat des redevances ou Rentes consistant en quotité de fruits ; et que, suivant les principes reçus en celle matière, ce rachat ne peut être exercé que par celui qui détient et possède réellement le bien grevé de la prestation rachetable, conséquemment par le preneur dans le cas proposé; déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer.

» Ainsi, quand même, par le bail à Rente du 14 avril 1485, dont il est ici question, il n'aurait été concédé aux auteurs du sieur Varé,qu'un droit de jouissance perpétuelle à titre de fermier, les auteurs du sieur Varé n'en seraient pas moins devenus propriétaires; et la courd'appel d'Amiens n'eût pas pu juger le contraire, sons violer ouvertement les lois que nous venons de retracer. Mais à combien plus forte raison doivent-ils être considérés comme devenus tels par cet acte,à combien plus forte raison la cour d'appel d'Amiens a-t-elle viole ces lois, alors qu'on voit par le texte même

du bail à Rente,que le bailleur leur a cédé le fonds propre, le domaine, le corps des terres dont cet acte contient la description; et qu'il s'est seulement réservé le droit d'y rentrer, à défaut de paiement des redevances qui formaient le prix de son transport.

» Mais inutilement aurons-nous établi que la cour d'appel d'Amiens a violé des lois formel les,en jugeant que le sieur Varé n'est pas propriétaire, si nous n'etablissons pas en même temps que les redevances qui forment le prix de la concession de sa propriété, étaient origi nairement féodales ou mélangées de feodalité. Car si ces redevances n'avaient rien de féodal à l'époque où la féodalité a été détruite, elles se trouveraient conservées comme purement foncières; et dès-lors, l'arrêt de la cour d'ap pel d'Amiens devrait être maintenu, quel qu'irréfléchi qu'en soit le principal motif.

>> Entrons donc dans l'examen de notre se conde question; et voyons quelle était, avant l'abolition de la féodalité, la nature des redevances dont il s'agit.

» Cette question, nous avons promis de la discuter sous deux rapports: et dans la supposition que les auteurs du sieur Varé ont acquis, par le bail à Rente du 14 avril 1485, la propriété des fonds grevés de ces redevances; et dans la supposition qu'ils n'en ont acquis, par cet acte, que l'usufruit perpétuel.

» Dans la première hypothèse,la cour d'appel d'Amiens a jugé que les redevances dont il s'agit, n'ont rien de féodal; et pourquoi ? Par ceque, selon elle, le bail à Rente du 14 avril 1485 n'établit, entre le bailleur et les preneurs, aucune relation tenant au régime de la féodalité; parce qu'il ne réserve au bailleur, ni seigneurie directe, ni cens, ni rien qui équipolle à un cens; parcequ'il n'en est résulté aucun jeu de fief; en un mot, parceque c'est un bail à Rente foncière, et qu'un bail à Rente foncière, n'est, ni un contrat d'inféodation, ni un contrat d'acensement.

» Paur apprécier ces raisons, nous devons d'abord nous fixer sur un fait important: c'est que les terres comprises dans le bail à Rente du 14 avril 1485, formaient, avant cet acte et au moment où il a été passé, une portion intégrante du domaine de la seigneurie de Précy, et étaient conséquemment possédées par le bailleur comme bien féodaux. Lesdites deux parties de terre et bois (porte le bail à Rente lui-même), faisant partie du surplus des domaines de Précy,....., appartenant au bailleur en propre à CAUSE DE SA SEIGNEURIE DE PRÉCY.

» Nous disons, étaient conséquemment pos

sédés par le bailleur comme biens féodaux ; et vainement le défendeur oppose-t-il à cette conséquence, que la seigneurie de Précy n'était pas feodale, et qu'elle existait dans la maison de Montmorency, comme franc-alleu noble.

» Cette assertion, à laquelle d'ailleurs la cour d'appel d'Amiens n'a eu aucun égard, est détruite par l'art. 262 de la coutume de Senlis qui, non-seulement exclud toute présomption d'allodialité non justifiée par titre, mais même alleu dans son territoire : aucun, porte-t-il, ne permet pas de reconnaître un seul francNE PEUT tenir terre sans seigneur.

» Elle est détruite encore, et bien plus dans lequel nous voyons le seigneur de Precy manifestement, par l'acte du 14 avril 1485, déclarer lui-même que les portions qu'il concède de sa seigneurie, composent le fonds

des domaines du FIEF des Edrolles et du FIEF de Lys.

» Assurément le domaine du fief des Édrolles, le domaine du fief de Lys ne pouvaient être que féodaux dans les mains du seigneur de Précy. C'est donc comme possédant ces deux domaines féodalement, que le seigneur de Précy les a mis hors de ses mains par bail à Rente du 14 avril 1485.

le

» Mais est-ce par un jeu de fief que ces domaines sont sortis des mains du seigneur de Précy, pour passer dans celles des preneurs?

» Que le bail à Rente du 14 avril 1485 ne contienne point un jeu de fief par inféodation, c'est ce qu'on ne saurait contester. Il n'y est point dit que les preneurs posséderont à titre de fief les terres qui leur sont concédées; il n'y est point dit qu'ils en feront la foi et hommage au bailleur; il n'y est point dit qu'ils en fourniront au bailleur aveu et dénombrement à chaque mutation. On n'y trouve donc aucun caractère d'inféodation.

» Mais sous le nom de bail à Rente, l'acte du 14 avril 1485 n'est-il pas un vrai bail à cens? Pour résoudre cette question, quelques détails sont nécessaires.

>> Sous le régime féodal, un seigneur avait le choix entre le bail à cens et le bail à Rente, pour détacher une portion quelconque du gros de son fief. Mais les effets de ces deux maniéres d'aliéner n'étaient pas, à beaucoup pres, les mêmes.

» S'il aliénait par bail à cens, le concessionnaire possédait roturierement la chose qui lui était concédée ; il n'en devait point le droit de franc-fief, quoiqu'il fût de la classe qu'on nommait alors roturière; il devenait l'homme de son bailleur, et n'avait aucune relation de féodalité avec le suzerain de celui-ci.

» Si, au contraire, l'aliénation se faisait par bail à Rente, on distinguait: ou le bailleur s'était chargé de la foi-hommage à porter à son suzerain pour raison de l'heritage ou du droit qu'il aliénait, et par là, il avait voulu que cet héritage, que ce droit fût tenu de sa seigneurie; ou il ne s'était imposé aucune charge de ce genre, et le bail à Rente ne présentait, de sa part, que la retenue d'un simple devoir patrimonial.

» Au premier cas, le bail à Rente prenait le caractère, tantôt d'une sous-inféodation, tantót d'un acensement: d'une sous-inféodation, s'il paraissait par ses clauses, que le preneur dût tenir l'objet concédé, en arrière-fief; d'un acensement, si, au contraire, il résultait de ses clauses, que l'objet concédé dût être tenu par le preneur en roture.

» Au second cas, le seigneur qui baillait à Rente foncière une portion de sa seigneurie, s'expropriait absolument de son domaine direct, comme de son domaine utile. La Rente foncière était bien encore pour lui un droit dans la chose aliénée, mais elle n'avait rien de féodal: elle ne représentait pas, aux yeux du suzerain, la portion de fief dont elle était le prix.

» Il y a plus : le preneur à Rente ne possédait pas en roture cette portion de fief; cette portion de fief formait, dans sa main, un fief partiel, ou même, dans plusieurs coutumes, un nouveau fief entierement distinct de celui que retenait le bailleur ; il devenait, pour raison de ce fief, le vassal direct et immédiat du seigneur suzerain du bailleur même; et par suite, il en devait le droit de franc-fief, s'il n'était point de la caste nobiliaire.

» Ces principes sont reconnus et proclamés par Dumoulin, sur l'art. 51 de l'ancienne coutume de Paris, nos 28 et 29; par Bacquet, dans son Traité du droit de franc-fief, part. 1, chap. 7, no 20; par Lalande, sur l'art. 347 de la coutume d'Orléans; par M. Henrion, dans ses Dissertations féodales, aux mots Jeu de fief, S. 3; en un mot, par tous les auteurs qui ont écrit sur la matière. » Et que résulterait-il de ces principes, si nous les appliquions au bail à Rente du 14 avril 1485, et que cet acte ne contînt, de la part du seigneur de Précy, aucune réserve de la foi ?

» Bien certainement il en résulterait que le bail à Rente du 14 avril 1485 n'a opéré aucun jeu de fief, et conséquemment que les rede. vances stipulées par cet acte, n'ont rien de seigneurial.

» Mais prenons garde à trois choses.

10 Il est généralement reconnu que la seule

stipulation du cens dans un acte portant concession d'un héritage féodal, équivaut à la réserve expresse de la foi, parceque le cens est, de sa nature, un droit seigneurial; et que conceder un héritage moyennant un droit seigneu rial, c'est nécessairement retenir la seigneurie directe de cet héritage.

» Cela posé, de quoi s'agit-il ici?

» De la concession faite par le même acte, de deux corps d'héritage, et qui a pour prix, à l'égard de l'un, une Rente foncière en grains, à l'égard de l'autre, un droit de champart.

» Sans contredit, par cela seul que ces deux corps d'héritages sont cédés par le même acte, ils conservent envers le bailleur la même nature; et s'il est prouvé que le bailleur s'est réservé la seigneurie directe sur l'un, il n'est pas permis, il n'est pas posssible, de supposer qu'il ne se la soit pas également réservée sur l'autre.

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Il y a plus. Quand même il serait prouvé que le seigneur de Précy ne s'est pas réservé la seigneurie directe sur l'un des deux corps d'héritages, il suffirait qu'il se la fût réservée sur l'autre, pour que la redevance stipulée à raison du premier, fût mélangée de la féodalité, dont serait nécessairement empreinte la redevance stipulée à raison du deuxième, puisque les preneurs se sont, par l'acte du 14 avril 1485, obligés solidairement à la prestation de ces deux redevances ; et qu'ainsi, la redevance foncière feodale ne serait pas moins que la redevance foncière non-féodale, imposée au corps d'héritage dont la seigneurie directe ne serait pas réservée.

» Or, de ce que le seigneur de Précy a concédé l'un des deux corps d'héritage, moyennant un droit de champart, ne s'ensuit-il pas qu'il s'en est réservé la seigneurie directe?

» Quelle différence y a-t-il entre un droit de champart et un cens? Il y en a une trèsgrande sans doute entre le cens et le champart purement foncier; car le champart purement foncier n'est qu'une Rente purement foncière. Mais il n'y en a aucune entre le cens et le champart seigneurial; car tous les auteurs conviennent, et une foule d'arrêts ont jugé, que le champart seigneurial tient lieu de cens.

» Mais à quels signes distinguerons-nous si le champart réservé par le bail à Rente du 14 avril 1485, est purement foncier, ou s'il est seigneurial ?

»Pour répondre à cette question, rappelonsnous d'abord que la coutume de Senlis n'était rien moins qu'allodiale : Aucun, disait-elle, art. 262, ne peut tenir terre sans seigneur. » Quelle était donc, avant l'abolition de la féodalité et dans les pays non allodiaux, la

nature d'un droit de champart que le seigneur d'un fief se réservait par l'acte de concession, soit d'une partie, soit de la totalité, du domaine de ce fief.

» Tous les feudistes distinguent: ou les titres constitutifs du droit de champart, en déterminent la nature, ou ils sont muets sur la nature de ce droit.

» Dans le premier cas, c'est aux titres qu'il faut s'en tenir.

» Dans le second cas, s'il n'y a de réservé qu'un champart sans mélange de cens, le champart tient lieu de cens, et par conséquent forme un droit seigneurial.

» C'est la remarque de Charondas sur l'art. 73 de la coutume de Paris: Ce que contient cet article et autres par rapport au cens (dit-il), a aussi lieu pour le champart qui est réputé chef-cens et de pareille condition qu'i. celui, si la terre ne doit autre cens.

» Tel est aussi le langage de Bacquet, Traité du droit de franc fief, part. 1, chap. 7, no 17.

du

» Les nouveaux éditeurs du Recueil de Denisart, au mot Champart, S. 1, citent un grand nombre d'autres jurisconsultes qui enseignent la même chose ; et voici comment ils résument toutes ces autorités : S'il y a champart seul, il est toujours seigneurial en pays non allodial, lorsqu'il est imposé par la première concession de l'héritage, parcequ'il représente le cens.... Mornac, en posant le même principe, rapporte quatre arrêts en faveur du chapitre de Chartres qui l'ont confir mé le premier, du 17 avril 1537, contre un sieur Girault; le second, du 20 juin 1573, contre le sieur Bélanger ; le troisième, même jour, contre Monteau et consorts ; et le quatrième, contre Barbe Lecourt. Guyot..., sur l'art. 55 de la coutume de Mantes, rapporte un arrêt du 11 mai 1595, qui a jugé que le champart seul n'était pas prescriptible, PARCEQU'ALORS IL EST CENS. Enfin, un dernier arrét ravporté par Guyot, sur le même article, rendu en la grand'chambre, le 6 sep. tembre 1738, a fixé invariablement la jurisprudence à cet égard. Cet arrét a jugé, en faveur du seigneur de Théméricourt, contre la veuve et le fils de Nicolas Marais, qu'on CHAMPART SEUL EST CENS. C'est donc un principe bien constant.

» C'est ce qu'avait également décidé un arrêt du 20 juillet 1587, rapporte par l'un des magistrats qui y avaient co-opéré, par Louet, lettre C, S. 19: Jugé (dit-il) qu'il n'est point nécessaire de s'opposer aux criées pour un droit de champart, pourvu qu'il soit seigneurial. La preuve qu'il y avait au procès que le TOME XXVIII.

champart était seigneurial, c'est qu'il était in feudo du chapitre de Saint-Spère de Corbeil; que, sur les terres qui n'étaient sujettes au droit de champart, ils prenaient la censive ; et que, sur celles qui étaient sujettes au droit de champart, ils ne prenaient autre droit que le champart, ne se présentant autre seigneur qui y prétendit droit.

>> Et il est à remarquer que toutes les circonstances de cet arrêt se retrouvent dans notre espèce. Ici, comme lors de cet arrêt, il s'agit d'un champart qui était in feudo du seigneur de Précy, c'est-à-dire, d'un champart réservé par le seigneur de Précy sur des terres qui, avant la concession qu'il en avait faite aux auteurs du sieur Varé, faisaient partie du domaine de son fief de Lys. Ici, comme lors de cet arrêt, le seigneur de Précy percevait des cens sur des héritages qui ne lui payaient point de champart; et les terres qui lui payaient le champart, ne lui devaient point de cens. Cela est prouvé par plusieurs declarations à terrier qui sont sous vos yeux. Ici enfin, comme lors de cet arrêt, il ne s'est jamais présenté d'autre seigneur que celui de Précy, qui ait prétendu des droits de cens sur les terres grevées de droits de champart envers ce dernier.

» Ajoutons à ces arrêts, celui qui a été prononcé en robes rouges à Noel 1589.

» Il se vend un héritage assis en la coutume de Chartres (dit Montholon, S. 62), qui est chargé de champart envers le seigneur, sans aucun autre droit envers lui, soit cens ou autre.

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» Le seigneur demande, pour la vente du dit héritage, d'étre payé des lods et ventes. L'acquéreur dit que le seigneur peut demander lods et ventes, pour un héritage qui est vendu en sa censive, et sur lequel il lui est du un cens, qui est un droit seigneurial; mais que le champart qui lui est dû sur l'héritage dont est question, ne le fonde en ce droit de lods et ventes, parceque le champart non infert que celui auquel il est dú, soit seigneur, mais bien propriétaire de l'héritage: parceque le champart est une redevance, qui s'appelle campi pars, laquelle se prend sur l'héritage à proportion des fruits qui se recueillent, desquels fruits moitié est due au propriétaire par le bail qu'il en a fait, lesquels étant incertains, et pouvant advenir qu'il ne s'en recueillera point pendant les années que l'héritage demeurera sans être cultivé et ensemencé, l'on ne peut dire que ce soit une marque de seigneurie, que cette redevance, laquelle peut cesser et ainsi le seigneur ne serait seigneur, que lors et quand l'héritage serait labouré; ce qui n'advient au

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cens, lequel est toujours dú, soit que l'héritage soit cultivé et ensemencé, et que l'on en recueille des fruits, soit qu'il soit en friche; que, si le champart était un droit seigneu rial, il adviendrait qu'il y aurait plusieurs seigneurs d'une méme pièce de terre qui serait chargée de cens et de champart, comme il s'en trouve beaucoup; et que ceux qui prennent le champart, n'ont jamais prétendu étre seigneurs ratione de ce droit, et n'ont jamais contesté la seigneurie contre ceux qui prennent le cens; autrement, tout héritage qui serait chargé de Rente en grains ou en argent, envers quelque personne que ce soit, celui auquel la Rente serait due se pourrait prétendre seigneur de l'héritage sur lequel il prendrait telle Rente ou redevance, ce qui n'a jamais été vu.

» Le seigneur, au contraire, disait qu'il demeurait d'accord que, quand un même héritage était chargé de cens et de champart, le vrai et seul seigneur était celui auquel le cens était dú; mais que, quand l'héritage n'était chargé que de champart pour tout droit, et qu'aucun que celui auquel ledit champart est dú, ne prétend aucun droit seigneurial, cens, ou autre, sur l'héritage, en ce cas, ledit champart tient lieu de cens; et qu'advenant que l'héritage se vende, il est dú droits de lods et ventes à celui qui prend le champart, tout ainsi qu'à celui qui prend le cens sur un héritage qui est chargé de cens; qu'au dedans de ladite coutume de Chartres, la plupart des héritages sont chargés de champart, au lieu de cens ; et que c'est la reconnaissance que les seigneurs se sont réservée, quand ils ont baillé leurs héritages aux propriétaires et détenteurs; que c'est une maxime presque générale en toute la France, du moins en pays coutumier; que nulle terre sans seigneur, si la coutume ne reçoit le franc-aleu ; ce que ne fait la coutume de Chartres, en laquelle il y a amende envers le seigneur auquel est dû le champart, silon enlève les fruits de la terre chargée de champart, sans le faire savoir au seigneur auquel ledit droit est dû, qui est l'art. 113 qui montre que ledit droit est seigneurial.

» Répliquait l'acquéreur qu'il fallait remarquer que, par ladite coutume de Chartres, il n'est parlé qu'il soit dú lods et ventes que pour le cens, comme il appert par le titre du cens et du censier, où il n'est aucunement parlé du champart, qu'il porte lods et ventes, comme fait le cens ; non plus qu'au chap. 21, qui parle de l'amende qui est due, pour avoir enlevé les fruits sans avertir le seigneur auquel le champart est di.

» Arrét à la même prononciation (de Noël 1589), par lequel il a été jugé qu'il était dú droits de lods et ventes, pour la terre tenue en champart, n'y ayant autre droit seigneu rial duquel l'héritage se trouve chargé.

» Cet arrêt est d'autant plus applicable à notre espèce, qu'à l'instar de la coutume de Chartres, la coutume de Senlis porte, art. 263, que droit de champart se doit payer sur peine de 60 parisis d'amende.

» Aussi Lalande, sur le tit. 4 de la coutume d'Orléans, infere-t-il de cet article, que, dans la coutume de Senlis, le champart est seigneurial.

» Mais, ce que n'a pas observé Lalande, cette consequence est singulierement fortifiée par l'art. 239 de la coutume de Senlis elle-même, aux termes duquel il y a ouverture aux droits de lods et ventes, toutes et quantes fois qu'un propriétaire vend à un acheteur aucun héritage à lui appartenant...., tenu et mouvant, à droit de chef-cens, CHAMPART OU AUTRE DROIT d'aucun seigneur foncier.

SEIGNEURIAL,

» Et Brodeau, dans sa note sur ce texte, rapportée dans le coutumier général, n'a pas manqué d'en faire la remarque: De cet article (dit-il) et des 113, 118, 124 et 263, l'on induit qu'en cette coutume, le champart ou terrage est droit seigneurial et foncier, équipollent au chef-cens, comme en autres coutumes.

"

Écoutons d'ailleurs Ricard, expliquant, dans son commentaire sur la coutume même de Senlis, ces termes de l'art. 239, chef-cens, champart ou autre droit seigneurial: ils doivent être entendus,dit-il, avec disjonction: de telle sorte que, si un héritage doit censive et champart à deux différens seigneurs, le droit de vente ne sera dú pour cela qu'à un, savoir est au premier seigneur, qui, dans le doute, est celui auquel la censive en est due, étant un droit plus seigneurial et plus ordinaire que le champart; jusque-là même que Charles Dumoulin, de censibus, in præfatione, est d'avis que le champart n'emporte pas avec soi le droit de lods et ventes, dans les coutumes qui ne le déclarent point particulièrement seigneurial. Ce qui ne peut pas être dit en cette coutume, lorsqu'un héritage n'est chargé d'aucun droit de censive, vu qu'il passe et est établi en quantité d'articles pour seigneurial. Et d'ailleurs je crois que cet auteur s'est abusé à l'égard méme des coutumes qui n'en disposent pas, lorsqu'il se rencontre que le champart est dú au seigneur du lieu, et que l'héritage n'est sujet à aucune autre redevance plus ancienne, particulièrement en ce pays, où cette maxime,

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