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de récuser, sans expression de causes, deux juges au civil et trois au criminel, excepté lorsqu'il se trouvait pareil nombre de juges de leur communion dans ces compagnies. Ces récusations n'empêchaient point celles qui sont fondées sur les ordonnances. La réciprocité avait lieu pour les catholiques, lorsque le plus grand nombre des officiers de ces siéges étaient protestans. Les prévôts des maréchaux et leurs lieutenans étaient aussi obligés de prendre un adjoint catholique ; et réciproquement leur compétence pour les procès des protestans des provinces méridionales, devait être jugée pour l'appel aux chambres de l'édit.

Telles étaient les principales dispositions de cette loi célèbre, qu'un prince qui devait sa couronne surtout au zèle des protestans, avait espéré de rendre eternelle; on a accusé sa mémoire de n'avoir voulu que céder aux circonstances, en donnant aux protestans de vaines promesses qu'il n'avait pas l'intention de tenir: mais de pareils desseins ne pouvaient entrer dans cette ame loyale et généreuse : « Je ne >> trouve pas bon (disait-il au sujet de la véri»fication de cet édit) d'avoir une chose dans » l'intention, et d'écrire l'autre ; et si quelques>> uns l'ont fait, je ne veux pas faire de même : » la tromperie est partout odieuse; mais elle > l'est d'avantage aux princes, dont la parole » doit être immuable ».

Cependant il était resté entre les mains des protestans,des places de sûreté dans l'intérieur du royaume ; ce fut peut-être la cause de leurs malheurs après le meurtre de Henri IV, les princes et les grands, mécontens de la régence, firent tous leurs efforts pour les engager à faire cause commune avec eux ; ils ne manquerent pas de prétexte pour les séduire. Henri avait été assassiné par le fanatisme des catholiques, et l'art. 4 de l'édit de Loudun nous atteste « qu'aucuns officiers étaient réputés avoir use » de nonchalance en la poursuite et recherche » de ceux qui avaient participe à ce forfait ». Depuis, les protestans avaient été persécutés dans bien des endroits; on avait brûle plusieurs temples, massacré des ministres, contrevenu ouvertement aux lois établies dans le Bearn, en y rétablissant les catholiques dans tous les droits de la religion dominante, dont ils avaient été exclus par Jeanne d'Albret, contre laquelle ils s'étaient révoltés. D'un au tre côté, la cour d'Espagne demandait l'expulsion des calvinistes; elle en faisait un article secret du mariage de l'infante avec le jeune roi; et le cardinal avait affirmé dans l'assemblée générale de la nation, « que les édits accordés » aux hérétiques, n'avaient fait que suspendre » l'exécution des lois faites contre eux ; que ce

» n'était qu'un répit donné à des criminels déjà » condamnés, jusqu'à ce qu'on trouvât à pro» pos de les conduire au supplice ».

Mais si leur défense avait pu, en quelque façon, être regardée comme legitime sous les rois précedens,que des étrangers tenaient dans une espèce de captivité, et dans un temps où il était question de conserver la couronne aux veritables héritiers du trone,leur prise d'armes ne dut point être excusée, lorsque leur légitime souverain, par des raisons justes ou non, diminua quelques-uns de leurs priviléges, et même lorsqu'on exerça sur eux plusieurs cruautés; ils devaient alors, dit l'auteur des sentimens des catholiques de France, au sujet du mémoire sur les mariages clandestins, ils devaient imiter la conduite que leurs ancêtres avaient tenue depuis 1520 jusqu'en 1562 : ils devaient souffrir la mort plutôt que de se soulever. Telle était la doctrine de leurs meilleurs théologiens. Un de leurs synodes y exhortait l'assemblée de la Rochelle.

Aussi les protestans du Dauphiné et ceux des provinces septentrionales demeurèrent-ils dans la soumission; et quand on voudra juger sans prévention, on conviendra que les autres ne furent entraînés que par l'ascendant des grands seigneurs catholiques et protestans. Louis XIII reconnaît dans la déclaration du mois d'avril 1623, qu'on prenait dans les assemblées politiques des protestans, plusieurs résolutions contraires aux sentimens du général et des plus considérables d'entre eux. Il reconnaît dans celle du 15 janvier 1626 que, tout ce qu'il y avait de plus qualifié entre ses sujets protestans, que les députés généraux des églises de Paris, de la Rochelle, de Nimes, d'Arc, de Montauban, et des communautés des Cévenues avaient donné des désaveux de bouche et par écrit des entreprises des ducs de Soubise et de Rohan. Il reconnaît, dans l'édit du mois de mars de la même année, que la meilleure et la plus grande partie de ses sujets protestans s'est conservée en la fidélité et obéissance qu'ils lui doivent.

Aussivit on ceux des protestans qui s'étaient joints aux princes et seigneurs revoltés, ou qui avaient imité leur exemple, rentrer bientot en eux-mêmes; et depuis la pacification de 1629 jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes, ils sont restes fidèlement attaches à nos rois, malgré les troubles qui ont agite le royaume, surtout pendant la minorité de Louis XIV: ils n'ont pris aucune part à la guerre ridicule de la fronde.

Ce monarque leur a rendu ce témoignage, 10 Dans la déclaration du 22 mai 1652, confirmative de l'édit de Nantes, dans laquelle il

convient << que ses sujets de la religion préten> due réformée lui ont donné des preuves cer»taines de leur affection et fidélité, et notam. >>ment dans les occasions présentes, dont il » demeure très-satisfait »;

2o Dans une lettre écrite trois ans après au roi d'Angleterre, où il dit, en parlant des protestans : « J'ai sujet de louer leur fidélité pour >> mon service; ils n'omettent rien pour m'en » donner des preuves, même au-delà de ce qui » s'en peut imaginer, contribuant en toutes » choses au bien et avancement de mes affai

» res";

30 Enfin dans une autre lettre écrite en 1666 à l'électeur de Brandebourg, qui avait intercédé auprès du roi en leur faveur : << Pour vous » marquer l'estime (dit ce monarque) que j'ai » pour vous, je vous dirai que des gens mal in>>tentionnés ont répandu des libelles séditieux, » comme si l'on ne gardait pas, dans mes états, » les édits que mes prédécesseurs ont donnés >> en faveur de mes sujets de la religion préten>> due réformée, et que je leur ai confirmés » moi-même; ce qui serait coutre mon inten» tion: car je prends soin qu'on les maintienne » dans tous leurs priviléges, et qu'on les fasse » vivre dans une égalité avec mes autres sujets; »j'y suis engagé par ma parole royale, et c'est » la règle que je me prescris à moi-même, »tant pour observer la justice, que pour leur » témoigner la satisfaction que j'ai de leur » obeissance et de leur zèle depuis la dernière » pacification de 1629, et la reconnaissance » que j'ai des preuves qu'ils m'ont données de >> leur fidélité pendant les derniers mouvemens » où ils ont pris les armes pour mon service et » se sont opposés avec vigueur et avec succès » aux mauvais desseins qu'un parti de rébel» lion avait formés dans mes etats contre mon >> autorité ».

Cependant on faisait, dès-lors, les préparatifs de la destruction entière des protestans; le plan de subversion des priviléges qui leur avaient été accordés, est tracé dans les articles présentés au roi par les assemblées du clergé de 1665, 1670, 1675 et 1680.

Voici, d'après l'apologie même de la SaintBarthélemi, comment on prépara les esprits et les cœurs à la révocation de l'édit de Nantes.

D'abord, un arrêt du conseil de 1665 interdit l'exercice de la religion prétendue reformée dans plusieurs villes du royaume.

Des lettres patentes données un an après, manifesterent les vues du roi, en attaquant ouvertement l'édit de Nantes : ces lettres patentes furent, à la verité, révoquées par une déclaration du 1er février 1669; mais cette

dernière loi ne rendit aux protestans leurs priviléges qu'après les avoir mutilés.

Dès le mois de janvier 1669, les chambres mi-parties de Paris et de Rouen furent supprimées; des peines très-graves furent prononcées contre les relaps; et, afin qu'ils ne pussent échapper aux poursuites de la justice, les évêques furent charges de remettre les actes d'abjuration de leurs proselytes entre les mains des procureurs du roi : la démolition de tous les temples, dans les lieux de l'établissement des archevêques et évêques, fut ordonnée; défenses furent faites aux ministres de prêcher dans leurs visites pastorales; aux protestans, de s'assembler sans l'assistance de commissaires catholiques; et aux seigneurs, d'établir des juges qui ne fussent pas de cette religion : il ne fut plus permis d'être sage-femme, fermier, sous-fermier, commis des fermes, employé, ni même soldat dans les brigades de l'adjudicataire général, et d'avoir le recouvrement des tailles, sans être catholique.

Des 1680, il fut enjoint aux juges ordinaires de visiter les malades, pour savoir d'eux s'ils n'étaient pas dans le dessein de se convertir; et quatre mois après, les marguilliers furent commis à ce soin, au défaut des juges.

En 1681 et 1682, il fut permis aux enfans des protestans de changer de religion à l'âge de sept ans, de s'éloigner de leurs parens, et de les forcer à fournir à leur entretien par des pensions proportionnées à leurs besoins et à leur naissance; il ne fut plus libre d'élever les enfans bátards dans une autre religion que la catholique. Les notaires, procureurs, postu lans, huissiers ou sergens protestans furent obligés de se démettre de leurs offices. Le collége de Sedan fut interdit, le nombre des ministres réduit. Il fut défendu aux maîtres des différentes communautés d'arts et métiers, qui professaient la religion prétendue réformée, d'avoir des apprentis, soit protestans, soit catholiques. Un arrêt du conseil du 9 mars 1682 ordonna que la préférence pour la nourriture des chevaux de louage dans les villes du royaume, serait accordée aux catholiques sur ceux de la religion prétendue réformée.

D'autres arrêts du conseil de la même année ôtèrent aux avocats Religionnaires la préséance et le droit de porter la parole, qui leur était acquis par leur ancienneté au barreau. Le temple d'Argentan fut démoli, les ministres furent éloignés des lieux qui avaient été privés de l'exercice public de leur religion;, on leur óta les émolumens qui leur avaient été accordés; les seigneurs perdirent le privilége de l'exercice public de leur religion, sous prétexte qu'ils en avaient abuse.

De nouveaux réglemens, faits dans les trois années suivantes, ne permirent plus aux protestans de s'assembler qu'en synode, et détruisirent à la fois les écoles de leurs enfans, les hospices et les asiles de leurs pauvres, de leurs infirmes et de leurs vieillards. Il fut ordonné à tous les protestans qui avaient des charges à la cour ou dans les maisons royales, de s'en défaire.

Ces règlemens furent étendus aux officiers de maréchaussée, aux receveurs des consignations, aux secrétaires du roi, qui perdirent la noblesse acquise, et leurs veuves leurs priviléges: il fut défendu de nommer des experts et de recevoir des apothicaires, même des épiciers, de la religion prétendue réformée : les libraires et imprimeurs calvinistes furent interdits. Les ecclésiastiques n'eurent pas la liberté de prendre de bons fermiers protestans, ni même des catholiques qui ne trouveraient que parmi eux des cautions solides. On fit défense aux juges et aux gens de loi d'avoir des clercs protestans.

Il fut défendu de recevoir des avocats de cette religion. Les juges dont les femmes la professaient, ne purent plus connaître des proces des ecclésiastiques ni des nouveaux convertis. Les veuves des officiers du roi et des maisons royales, qui persistaient dans la religion protestante, perdirent leurs priviléges. Les médecins, les chirurgiens et les apothicaires, pour exercer leur profession, n'eurent pas moins besoin de prouver qu'ils étaient catholiques, que capables.

Pour empêcher les protestans de réparer les pertes que ces lois devaient leur occasionner, il fut défendu à leurs ministres d'instruire dans leur doctrine et de recevoir dans leurs temples, soit les catholiques, soit même les infideles et les mahométans.

On attaqua directement l'édit de Nantes, en restreignant l'art. 45,au sujet des récusations, en limitant les art. 7 et 8, concernant les prêches dans les châteaux, en rendant impraticable l'art. 43, par la gêne des conditions qui y furent apposées. Le second des articles particuliers, qui exemptait les Religionnaires de contribuer à la construction des églises et presbytères, fut révoqué; les ministres eurent ordre de s'éloigner de six lieues des habitations où l'exercice de leur culte avait été interdit: ceux que les synodes choisissaient pour le service, ne purent être conservés que trois ans dans leurs emplois : Sedan n'eut plus de prêche; on abattit les temples de Givone et de Raucour. Les villes, privées d'exercice, le furent aussi de cimetière; personne ne put aller TOME XXVIII.

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au temple que dans l'étendue du bailliage où il avait son domicile.

Un grand magistrat a cru qu'à l'époque de ces réglemens, on avait persuadé à Louis XIV que le nombre des Religionnaires dans son royaume était peu nombreux, et que la meilleure partie demandait déjà à se convertir. C'était sans doute pour accélérer ces conversions, que le clergé fit, en 1685, à Louis XIV, de nouvelles demandes dans l'esprit de celles dont nous avons déjà rendu compte. Le roi surpassa malheureusement l'attente du clergé: l'édit du mois d'octobre 1685, enregistré surle champ en vacations, révoqua celui de Nantes de 1598, et celui de Nîmes de 1629, ainsi que toutes les autres concessions faites à ceux de la religion prétendue réformée, de quelque nature qu'elles pussent être.

S. II. Tolérance civile des protestans [[telle qu'elle était établie par l'édit de 1685; exceptions qui la limitaient.]]

L'art. 11 de l'édit de 1685 laisse à ceux de la religion prétendue réformée la liberté de demeurer dans tous les lieux de l'obéissance du roi, d'y continuer leur commerce, et d'y jouir de leurs biens, sans pouvoir être troublés ni empêchés, sous prétexte de leur religion. En vertu de cette loi, il n'est pas permis de les contraindre, en aucune manière, d'assister aux cérémonies du culte catholique; il n'est pas permis d'exiger d'eux des certificats de catholicité, à moins qu'ils ne se préscntent pour exercer des fonctions spécialement interdites aux protestans.

Si l'on en croit les historiens de Louis XIV, cette disposition de la loi aurait été illusoire : les missionnaires envoyés par les jésuites Le Tellier et La Chaise, et les dragons de Louvois qui les accompagnaient, les scènes violentes de la fin de ce règne, sont des monumens de l'intolérance la plus oppressive; mais ce n'est pas sur de pareils faits qu'il faut juger notre législation; la loi seule doit servir de règle. Aux termes de la loi, il n'y a que deux espèces de personnes exceptées de la disposition de l'art. 1er de l'édit de 1685 : ce sont les relaps et les ministres.

10 A l'égard des relaps, plusieurs lois qui sont antérieures à cet édit, et qui ont été renouvelées par la déclaration de 1724, prononcent contre eux des peines très-sévères. La déclaration du mois d'avril 1663 veut que ceux qui, ayant fait abjuration, ou qui, étant engagés dans les ordres sacrés, ou liés par des vœux à la profession religieuse, quittent la religion catholique pour embrasser celle de

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protestans, soit à dessein de se marier ou autrement, soient bannis à perpétuité, sans que cette peine puisse être réputée comminatoire. La déclaration du 13 mars 1679 ajoute à cette peine celle de l'amende honorable et de la confiscation.

Suivant la déclaration du 29 avril 1686, ceux qui, ayant fait abjuration, et qui, étant malades, refuseront les sacremens de l'église et déclareront aux prêtres de leur paroisse qu'ils veulent persister et mourir dans cette disposition, doivent être condamnés à l'amende honorable et aux galères perpétuelles, et les femmes ou filles doivent être enfermées : s'ils décèdent de cette maladie, le procès doit être fait à leur mémoire, leurs cadavres trainés sur la claie et jetés à la voirie; les biens des uns et des autres doivent être confisqués.

L'art. 9 de la déclaration de 1724 restreint ces peines à la condamnation de la mémoire et à la confiscation des biens.

La déclaration de 1686 obligeait les prêtres des paroisses de dénoncer le refus aux officiers de justice, et de requérir leur transport. Mais, plusieurs curés étant persuadés que la religion et les lois ne pouvaient les autoriser à faire de pareilles dénonciations, la déclaration de 1724, en abrogeant ces formalités, veut en même temps qu'il ne soit pas besoin d'autres preuves, pour établir le crime de relaps, que de pareils refus de sacremens, de pareilles déclarations, attestés par la déposition des prêtres ayant la charge des âmes, et autres qui y auront été présens.

avec

« Et attendu (porte l'art. 20) que ce qui » contribue le plus à confirmer ou à faire re» tomber les malades dans leurs anciennes » erreurs, est la présence et les exhortations » de quelques Religionnaires cachés qui les as»sistent secrètement en cet etat, et abusent » des préventions de leur enfance et de la fai» blesse où la maladie les réduit, pour les » faire mourir hors le sein de l'église, ils doi»vent être condamnés, savoir, les hommes aux galères, et les femmes à être rasées ou » enfermées ».

En conséquence, un arrêt du parlement de Paris, du 4 juillet 1729, rapporté dans le Code de Louis XV, tome 3, a condamné aux peines prononcées par la déclaration de 1724, la mémoire du nommé Trinité, avec confisca

tion de ses biens; et à l'égard des particuliers accusés de l'avoir exhorté dans son refus, il a été ordonné qu'avant faire droit, ils seraient mis dans la maison de Saint-Lazare pendant trois mois, sans pouvoir désemparer, pour y être instruits des principes de la religion catholique.

Les termes ambigus de cette déclaration et de celle de 1715,avaient fait penser à plusieurs que ces lois devaient avoir lieu contre tous les protestans indistinctement; mais elle ne révoque point l'art. 11 de l'édit du mois d'octo bre 1685, qui laisse la liberté de conscience aux protestans; elles ne parlent que de ceux qui ont ci-devant professé la religion prétendue réformée ou de ceux qui sont nés de parens qui en ont fait profession, et non de ceux qui en font profession actuelle. C'est sur ce principe qu'ont été rendus deux arrêts, l'un en 1726, et l'autre le 4 février 1740.

Lors du premier, le curé d'Anau avait déposé qu'une de ses paroissiennes, après avoir abjuré ses erreurs, était morte protestante; la cour, en infirmant une sentence du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier, a jugé,dit Denisart, 1o que le témoignage du curé ne suffisait pas pour établir une abjuration; 20 qu'un Religionnaire qui n'avait pas fait abjuration ou des actes publics de catholicité, n'était pas relaps.

Lors du second arrêt, qui infirme une sentence du même siége, le curé de Corbigny avait exhorté la dame Saint-Andeux, protestante, en présence de plusieurs personnes qui avaient, comme lui, déposé de la persévérance de la défunte. On trouva que la conduite du curé n'avait pas été régulière, la déclaration voulant qu'il exhorte ses paroissiens sans té

moins.

Lors d'un troisième arrêt, on attaquait le testament de la dame de Bellefond, qui avait, dit-on, refusé les sacremens de l'église, et avait été inhumée dans un chantier destiné à la sépulture des protestans. M. l'avocat général Gilbert fit voir que la demande des héri tiers, peu favorable d'ailleurs, était contraire à leur intérêt, puisque, si elle fût morte relaps, elle eût encouru la confiscation; qu'une pareille accusation ne pouvait être instruite que par la voie extraordinaire, qui ne convenait qu'au ministere public; mais qu'il ne croyait pas être autorisé à l'intenter, sans avoir un dénonciateur. La cour jugea le testament valable par l'arrêt du 15 mai 1733 (1).

2o Quant aux ministres, l'art. 4 de l'édit de 1685 enjoignait à ceux qui n'embrasseraient point la religion catholique, de sortir du royaume dans la quinzaine, sans pouvoir y séjourner plus long-temps, ni, pendant leur séjour, faire aucun prêche, exhortation, ni autre fonction, à peine de galères.

Pour attirer les ministres à la religion ro

(1) Collection de jurisprudence, aux mots Pro testant et Relaps.

maine, les articles suivans leur accordaient la continuation des exemptions et une pension plus forte d'un tiers que les appointemens dont ils jouissaient, et dont la moitié serait reversible à leurs veuves. Ceux d'entre eux qui voudraient se faire docteurs en droit ou avocats, étaient dispenses du temps d'étude et de la moitié des frais des universités.

On verra dans la suite que les ministres qui, en conséquence de la première de ces dispositions, sortirent du royaume, perdirent la proprieté ou au moins la jouissance et la disposition de leurs biens.

La déclaration du 1er juillet 1686 défend à tous les ministres français ou étrangers de rentrer dans le royaume, à peine de mort contre eux et contre les ministres qui y seraient restés; et à toutes personnes de les retirer ni favoriser, à peine de galères contre les hommes,et contre les femmes d'être renfermées. L'art. 3 de cette déclaration accorda une gratification de 5,500 livres au profit de celui qui donnerait lieu à la capture d'un ministre.

L'art. 2 de la déclaration du. 24 mai 1724. porte que le roi, informé « qu'il s'élève dans » le royaume plusieurs predicans qui ne sont » occupés qu'à exciter les peuples à la révol»te, et à les détourner des exercices de la » religion catholique......, tous les predicans » qui y auront convoqué une assemblée, qui » auront prêché ou fait aucune fonction, se>>ront punis de mort, ainsi que la déclaration » du mois de juillet 1686 l'ordonne pour >> ministres de la religion prétendue réformée, »sans que cette peine puisse être réputée >> comminatoire ».

les

Cet article défend à tous sujets du roi.... « de recevoir lesdits ministres ou predicans, » de leur donner retraite, secours ou assis» tance, ou d'avoir, directement ni indirec»tement, aucun commerce avec eux ». Il est enjoint << à tous ceux qui en auront connais»sance, de les dénoncer aux officiers des » lieux, à peine, en cas de contravention, con»tre les hommes, des galères à perpétuité, et >> contre les femmes, d'ètre rasées et enfermées » pour le reste de leurs jours ».

On ignore si les dernières dispositions de ces lois ont été mises à exécution; il est naturel qu'à l'exemple des autres communions, les auteurs protestans exagèrent le nombre de leurs martyrs; mais un de leurs plus cruels antagonistes convient que, dans notre siècle, dont les mœurs ne respirent, en apparence, que tolérance, humanité, bienfaisance, depuis 1745 jusqu'à 1770, huit ministres ont été éxécutes à mort.

L'histoire véritable du vertueux Fabre est aujourd'hui universellement connue par ledra-. me plein de sensibilité de l'Honnête criminel.

Cependant, il faudrait, avant d'affirmer, bien connaître l'espèce et les circonstances dans lesquelles les jugemens ont été rendus : on ne croira pas facilement que les peines aient été étendues, soit aux protestans, soit aux catholiques, qui auraient reçu chez eux des ministres fugitifs. « On regarderait » ( dit l'auteur catholique des Réflexions sur les lois de France relatives aux protestans). << comme un infâme, tout catholique qui re» fuserait à un ministre fugitif un asile et du » pain, et qui, en lui fermant sa porte, l'ex» poserait à tomber entre les mains de ceux qui le poursuivent. Osons même interroger » les chefs du clergé de France: demandons»leur s'ils ne mettraient pas leur honneur à protéger un ministre protestant qui aurait, » cherché un asile dans leur palais. Disons » plus si, lorsqu'il y avait des jésuites, un » ministre s'était jeté entre les bras d'un rec>>teur d'une de leurs maisons, n'y eût-il pas » été en sûreté »?

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Nous annonçons avec empressement à nos concitoyens, que les lois contre les ministres, et les autres protestans, commencent à tomber en désuétude dès 1770, les affaires de la magistrature, en occupant tous les esprits, ont fait perdre de vue les protestans; et Louis XVI, en rétablissant le parlement en 1774, n'a pas voulu que la religion pretendue reformée put compter de nouveaux mailys, [[V. ci-après, §. 6. ]]

Observons, en troisième lieu, que la tolérance accordée par l'édit de 1685, a encore été restreinte dans les premiers temps, à l'égard des femmes et des veuves. L'edit du mois de janvier veut que les femmes des nouveaux catholiques, qui refuseront de suivre l'exemple de leurs maris, et les veuves qui persisteront dans la religion prétendue réformee, soient et demeurent déchues du pouvoir de disposer de leurs biens, soit par testament, donation entre vifs, alienation ou autrement; et qu'à l'égard de l'usufruit des biens qui pourront leur advenir ou leur être échus par les donations que leurs maris leur auront faites, soit par contrats de mariage ou entre-vifs, des douaires, droit de succeder en Normandie, augment de dot, habitation, droit de partager la communaute, preciput, et généralement tous autres avantages qui leur auront été fails par leurs maris; l'édit veut que cet usufruit appartienne aux enfans catholiques de ces venves, suivant la disposition des coutumes, et, à leur défant, aux kópitaux des villes les

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