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plaines, est soumis à différents modes d'assolement : toutefois, l'ancien assolement triennal est encore celui qui domine. Celui biennal et même le quatriennal, sont connus et pratiqués dans les environs des villes. L'assolement est annuel dans la petite propriété qui avoisine les habitations, ainsi que sur les communaux partagés. Dans les exploitations des granges et des fermes à l'écart, qui sont si nombreuses dans les montagnes, et qui en animent si agréablement l'aspect, l'assolement de trois ans est toujours préféré, comme plus productif en pailles que les autres. L'assolement alternatif des cultures et des pâturages, est employé par le cultivateur des Vosges, comme moyen de réparer les forces productives des cols absolument pauvres.

Sur son sol friable et facile à cultiver, et avec la quantité d'engrais qu'il a à sa disposition, le cultivateur vosgien a pu introduire, dans les combinaisons d'assolement ci-dessus, de bonnes successions de récoltes. Il n'a actuellement plus de terres en versaines, et il est pleinement arrivé dans la voie des cultures alternes que l'on reproche si inconsidérément à notre pays, de ne pas adopter. Les principaux cours de moissons en usage, qui satisfont le mieux aux besoins de l'homme, et au service des étables, sont ceux-ci, dans la révolution double de l'assolement triennal : 1 année, sarrasins; 2° année, seigle fumé, avec carottes sarclées, dès que le seigle est coupé; 3° année, avoine; 4o année, pommes de terre; 5 année, seigle avec trèfle; 6° année, trèfle; ou celui-ci : 1r année, pommes de terre; 2° année, avoine; 3o année, seigle fumé; 4 année, sarrazin, pour nettoyer le sol; 5° année, seigle fumé; 6° année, avoine. Ce dernier produit plus de pailles, mais est moins bien combiné que le premier. Les meilleures rotations de récoltes se remarquent sur les terres soustraites à l'assolement triennal, comme celles-ci: 1 année, chanvre, lin, pavot ou millet; 2° année, seigle fumé; 3° année, pommes de terre ; 4° année, avoine. Depuis longtemps, le cultivateur des sols arénacés a senti que la véritable place des céréales du printemps que l'on ne peut abandonner, dans quelque système de culture que l'on adopte, est après les pommes de terre, ou autres récoltes sarclées. Le seigle qui vient alors après

l'avoine, se trouve semé dans de meilleures conditions qu'immédiatement après les pommes de terre, qui apportent toujours trop de retard. En résumé, toutes les différentes combinaisons de successions de récoltes, sur le sol siliceux de la montagne et des vallées, se soutiennent et se soutiendront, avec la quantité d'engrais suffisante. On observe que deux récoltes de céréales ne doivent pas se succéder immédiatement comme amenant l'état de saleté et d'effritement du sol; mais dès que, par le fait, elles réussissent, que le besoin des grains et des pailles se fait sentir toujours plus impérieusement, et qu'en outre, l'ancienne constitution des cultures ne permet pas toujours de dessoler, on ne doit pas trop appuyer, dans tous les cas, sur l'application des règles théoriques.

Le système de culture de la région argilo-calcaire des plaines de Lorraine, n'a pu, dans les temps modernes, passer par une transformation aussi marquée que celle de la montagne. Nous avons fait connaître les règles obligatoires de l'ancien système de culture des plaines; nous nous souvenons que le quart au moins des terrains susceptibles de produire des fourrages, était maintenu en prairies naturelles, et que les trois autres quarts étaient partagés en trois saisons, où les moissons de chacune étaient réunies dans le même ordre Dans la première année de l'assolement, la terre faisait versaine; dans la seconde, elle produisait le froment, et dans la troisième, les marsages. L'ensemble de cette distribution ne pouvait être interrompu, ni intercepté. Bien que ce système tendît principalement à la production des grains, il pouvait encore pourvoir à l'entretien des troupeaux des paroisses, au moyen de quelques approvisionnements d'hiver et du régime des pâtures. Les petites cultures et celles exceptionnelles étaient retenues dans les enclos, et la production du vin, dans la limite du ban des vignes.

Aujourd'hui, cette ancienne distribution du sol des plaines, est encore marquée, bien que les effets du régime de la liberté de culture l'aient altérée et qu'elle soit souvent interrompue par des plantations et des récoltes exceptionnelles, et notamment par celle de la vigne qui descend tous les jours au milieu des terres arables. Les sept huitièmes des biens dont se composent les exploita

tions agricoles des plaines, sont actuellement en culture, tandis qu'il n'en reste qu'un huitième en prairies naturelles et en prairies artificielles permanentes. Cette proportion est évidemment insuffisante pour assurer tous les services de l'économie agricole, encore qu'elle soit souvent augmentée d'une quantité d'autres fourrages annuels. Depuis l'époque de 1791, le génie de la division des propriétés l'a emporté sur celui qui en voulait la réunion, et nous avons vu, de nos jours, démembrer et subdiver les enclos que l'édit des clotures de 1767 était parvenu à fonder. Actuellement, la majeure partie du sol arable des plaines, ouvert, morcelé et enclavé, sans issue aucune, est contraint d'obéir au même ordre d'assolement que par le passé : celui triennal est presque général. Cependant le sol argileux de quelques communes et de quelques fermes isolées, a fait adopter l'assolement biennal. Dans les petites cultures, avoisinant les habitations, que la facilité des communications a permis de dessoler, l'assolement de la terre est biennal ou triennal. Dans la vallée de la Moselle et des autres rivières qui prennent leur source dans les Vosges, dont le sol alluvial est de nature siliceuse, les assolements entrent tous les jours dans les règles des cultures alternes. Le plus bel exemple de distribution du sol arable se trouve à Roville: les terres siliceuses de la plaine sont soumises à l'assolement quatriennal, et celui des marnes irrisées des coteaux voisins, à l'assolement quinquennal. Les communaux des pays de plaines ont été abandonnés, depuis les partages, à celui des assolements qui ruine le plus la terre, celui annuel. La plupart des usagers auxquels il n'a été imposé aucune règle, dans le mode de jouissance, ont mésusé de la propriété communale et compromis son avenir; déjà, sur beaucoup de plateaux, elle est arrivée à un état de stérilité complète.

La succession des récoltes admises dans les assolements de la région des plaines, est la même que dans les temps passés, du moins dans les moyennes et grandes cultures. Les versaines sont pâturées au printemps, jusqu'à l'époque des cultures préparatoires des semailles d'automne; les froments succèdent aux versaines et les marsages aux froments. Depuis l'époque de 1791, il a été fait, sur le

sol argileux, bien des efforts pour utiliser plus que par le passé, les versaines ou jachères du cours des moissons de l'assolement triennal; mais il a été reconnu, comme nous l'avons déjà dit, que les récoltes sarclées et les trèfles qui y étaient placées, compromettaient la réussite des froments qui leur succédaient. En effet, ceux-ci ne peuvent plus être semés dans de bonnes conditions, ni en temps voulu, après la récolte tardive de la pomme de terre; comme ils se trouvent aventurés sur des défrichements de trèfles, le plus souvent imparfaits, ou opérés trop tard. Les cultivateurs intelligents, pour éviter un aussi grave inconvénient, ont estimé que la jachère ne pouvait recevoir que des récoltes fourragères qui s'enlèvent de bonne heure ou qui sont défrichées après la première coupe, afin de pouvoir donner au sol les labours qu'exigent les semailles d'automne. Dans les grandes cultures, la pomme de terre, repoussée de la jachère, a reparu, comme dans les temps anciens, à travers les marsages; c'est sa véritable place dans l'assolement triennal. Nonobstant les inconvénients, les petites cultures des sols argilo-calcaires n'admettent plus guère de jachères; celles-ci sont toujours couvertes de trèfles ou de pommes de terre, dont les produits indemnisent du déficit des récoltes de céréales qui succèdent. Plus facilement que sur le sol argileux, celui argilo-siliceux, ou terres blanches du bas des coteaux des plaines et sur leurs revers word-ouest, s'est prêté à de bons cours de moissons, même dans l'assolement triennal et sans en intervertir l'ordre. Celui-ci est fort usité dans les plaines de la Seille 1 année, trèfle défriché après la première coupe, pour semer les colzas ; 2 année, colzas fumés; 3o année, froment; 4 année, pommes de terre ; 5° année, froment fumé; 6° année, orge ou avoine. Les terres blanches produisent des froments réputés pour faire le pain blanc, mais qui ne rendent ni aussi bien,ni aussi sûrement que sur les terrains argilo-calcaires, leur véritable patrie. Quoiqué modifié, le cours ancien des moissons avec jachères, est toujours usité dans les moyennes et grandes cultures des terres blanches. Généralement dans les petites cultures de la région des plaines, de bonnes rotations des récoltes sont aujourd'hui connues, soit dans l'assolement triennal, soit dans celui quatriennal. Nous citerons ceux

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ci: 1re année, pois, fèves de marais ou vesces; 2e année, froment fumé; 3° année, pommes de terre. 1re année, chanvre ou lin fumé; 2° année, froment sur lequel il est semé du trèfle ou de la minette; 3° année, trèfle ou minette défrichée après une coupe; 4 année, froment. L'assolement biennal des fermes admet le retour du froment chaque deux ans, mais avec fumure ou le parcage des moutons sur jachères pâturées. C'est le plus sûr et le meilleur cours de moisson du pays de Lorraine et celui qui rend le plus. Le cours suivi sur la terre d'argile marneuse qui couvre Roville, mérite aussi de fixer l'attention des cultivateurs, sous le rapport de la forte production du froment; le voici: 1 année, jachère ; 2' année, blé; 5° aunée, trèfle; 4° année, blé; 5o année, avoine. Nous ne nous arrêterons pas sur la rotation des récoltes du champ unique du journalier, ni des portions communales. Ces malheureux terrains sont surchargés annuellement de = récoltes de même nature jusqu'à complet épuisement. 1 Enfin les petites cultures des terrains de nature siliceuse #du sol de la Moselle et des autres rivières qui descendent de la montagne, offrent de belles scènes de récoltes qui, dans leur rotation, entrent plus ou moins exactement 1 dans les règles du système alterne. Ici, comme en Alsace, les récoltes sarclées, le maïs et tous les bons légu1 mes alternent avec les céréales.

Comme on le voit, l'expérience des temps modernes est venue confirmer celle acquise anciennement, et a démontré que la sûreté des moissons, sur le sol argilo-calcaire, exigeait le retour de la jachère à chaque révolution de l'assolement. C'est une vérité que confessent aujourd'hui tous les bons agronomes tant nationaux qu'étrangers. La jachère, dans l'économie du système de culture 1 qui prévaut dans les plaines, a pour but non-seulement de préparer la terre à de bonnes semailles d'automne, mais elle peut encore rendre un service essentiel aux troupeaux de bêtes ovines, en leur procurant, au printemps et jusqu'aux chaumes, une ressource d'alimentation, la seule possible à cette époque de l'année, depuis la ruine de la dotation communale. Le traitement des jachères aujourd'hui est plus productif qu'autrefois : la dei-récolte, ou, ce qui est mieux, la pàture des four

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