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mais souvent aussi dans de simples trous, qui ne peuvent jamais remplir le but d'une bonne préparation. La première méthode est celle qui est préférable; elle fonde une vigne de longue durée et permet d'aligner les plants qui devraient, dans nos pays, pour obtenir une bonne maturité du raisin, être plus espacés qu'ils ne le sont communément. Il est reconnu que les engrais des animaux domestiques ne conviennent pas à la vigne, et nuisent à la qualité du vin ; aussi est-elle plutôt terrée avec des gazons neufs, que fumée. Cependant on reproche aux petits vignerons qui visent à la quantité du vin, de sacrifier à celles qu'ils possèdent le peu d'engrais qu'ils ont. Dans les vignobles du nord de la France, la vigne a besoin d'être taillée court; nos vignerons taillent à trois yeux le gros plant, et à six et à sept le plant de pineau. En général, cette opération, ainsi que les labours, le provignage, l'ébourgeonnement et l'accolage des sarments vieux et surnuméraires, sont bien conçus, faits en temps convenable et calculés sur les ressources de la climature; mais c'est à tort, et contre les règles de la physiologie végétale, que d'autres suppressions et notamment la rognure des merrains sont faites, dans beaucoup de vignobles, avant la maturité du bois de la vigne. Ces mutilations inconsidérées apportant de la perturbation dans la circulation et le mouvement de la séve, déterminent l'état maladif des cépages, et apportent, dans la maturité du fruit, un retard qui est irréparable dans nos climats. C'est à cette fausse opération, ainsi qu'à des sarclages faits à contre-temps, qu'il faut attribuer la coulure, la brûlure et les autres accidents qui affligent trop souvent nos vignobles. Si la vigne mûrissait plus également dans les temps anciens et manquait plus rarement, c'est qu'il est certain qu'au 17° siècle encore, les cépages étaient moins mutilés et tourmentés qu'aujourd'hui, qu'ils étaient plus espacés et accolés à des paisseaux ayant au moins un mètre et demi de hauteur. Ainsi, c'est au mauvais traitement de la vigne, en juillet et en août, au peu d'égard sur le choix du terrain et de l'exposition, et au peu d'espacement entre les cépages, qu'il faut attribuer le prompt dépérisse ment de nos vignes et le défaut assez fréquent d'une maturité suffisante du raisin, plutôt qu'au dérangement des saisons et au choix exclusif des gros plants qui ont d'ail

leurs toujours été cultivés chez nous, dans les terrains assez substantiels pour les nourrir. Nous avons pris soin de remarquer que dans les temps anciens, les saisons étaient aussi variables qu'aujourd'hui ; nous vendangeons en septembre aussi souvent que les anciens. Le phénomène de l'année 1540 ne s'est pas reproduit de nos jours, mais en 1811, année dite de la comète, on a vendangé dès le commencement de septembre. En été, le maximum de la chaleur, est souvent coté, comme dans le siècle dernier, à 28 degrés, thermomètre de Réaumur, exposé au nord.

La façon des vins a gagné dans les temps modernes; généralement aujourd'hui, le raisin est broyé au cylindre, serré dans des cuves ou bouges de grande dimension, dont la circonférence est plus large par le bas que par le haut. Plus ces bouges ont de capacité, mieux la fermentation s'établit et mieux le vin se fait ; et si les rafles et les pellicules, qui ne tardent pas à s'élever et à se resserrer par le haut, sont renfoncées et baignées dans le vin tous les jours, aucun gaz, ni aucune partie alcoolique ne s'échappent. Nos vignerons d'ailleurs savent que le moût est suffisamment viné, et que le vin est bon à tirer, au moment que le chapeau commence à baisser.

Le vin de côtes de nos pays, et des bons propriétaires, a de la couleur, un bon goût, et de la délicatesse. Les cépages des pineaux qui sont restés dans les terrains calcaires, superposés à ceux des marnes, produisent les meilleurs vins, tandis que les gros plants qui se sont emparés de tous les terrains à base marneuse, au bas des coteaux, n'en produissent que de plus communs, ayant néanmoins bon goût, fermes et susceptibles de garde. En général, les coteaux du pays ne sont guère susceptibles de produire d'autres vins que ceux dit d'ordinaire. Ils sont bons et couvenables à la santé : cependant quelques bons vignobles ont aspiré à l'honneur de faire des vins de dessert; il est des vins blancs de Thiaucourt, façon de champagne, qui ont au moins autant de qualité que ceux-ci, s'ils n'en ont le bouquet. Pagny-sur-Moselle continue à faire des vins que le roi Stanislas, pour sa bouche royale, trouvait excellents.

Nous avons à mentionner le rend, nt de la vigne de

nos pays. Le produit des bonnes vignes, en cépages dé Liverdon, terme moyen, est de 80 hectolitres annuellement, par hectare et de moitié en cépages d'anciens plants du pays, ou petite race. En évaluant à 900 francs ces 80 hectolitres et qu'on en déduise 400 francs pour les frais de cultures annuelle, et de récolte, on trouve un produit net de 500 francs ou dix pour cent du capital de 5000 francs auquel se monte la valeur du terrain et celle employée à la plantation et à l'entretien.

Nonobstant bien des considérations d'intérêt général et les souffrances de plusieurs parties de l'économie agricolte, notre pays s'obstine à progresser dans la production vinicole: il devrait donc songer sérieusement à bonifier ses vins, et les faire admettre au bénéfice de l'exportation. On n'a pas à rougir, ni à se reprocher de façonner les vins, aujourd'hui; on le fait partout, et dans les vignobles les plus réputés. De toutes les contrées de de la France nous sommes peut-être dans la seule où l'on boive des vins naturels. Les vins se bonifient avec l'eaude vie de vin; du sucre brut, de la mélasse, et du sucre de fécule qu'on fait fondre et bouillir avec du moût tiré de la cuve et qu'on y rejette ensuite. Le suc de fécule ou glucose qui est d'une nature identique avec le principe sucré que contient le raisin, convient le mieux; quatre à six kilogrammes suffisent par hectolitre.

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La production agricole d'un pays se compose aussi de la culture des plantes potagères et légumineuses, et de celle des arbres fruitiers. Sous ce rapport, notre pays qui a toujours été réputé produire tout ce qui est nécessaire à la vie, se trouve aujourd'hui dans de bonnes conditions. Si, depuis plus d'un siècle, une culture s'est bien développée et a soutenue une direction conforme aux besoins de l'homme et des animaux domestiques, c'est bien celle des plantes potagères qu'ont actuellement à leur disposition les ménagères des campagnes et des villes. Grâce à ce développement, les populations laborieuses ont actuellement, pendant toute l'année, des plantes potagères de toutes les variétés, et les plus estimées, qui corrigent les mauvais effets que peut produire sur leur santé l'usage exclusif du lard et de la viande fumée et salée du porc, base du pot au fox comme autrefois. Nous avons vu que,

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dans les anciens temps, les populations agricoles n'avaient guères à leur disposition que des légumes secs, comme pois, fèves, lentilles, qui ont la propriété sans doute de nourrir fortement, mais qui ne peuvent sans inconvénients constituer l'aliment journalier.

Une amélioration s'est opérée également dans la production des fruits. Depuis les soins, si remplis d'humanité, que jamais prince n'a portés aussi loin que le duc Léopold et que la duchesse douairiaire, Elisabeth-Charlotted'Orléans, son épouse, grande tante du roi actuel, a continués après lui, avec non moins d'amour pour le bien-être des peuples lorrains, une grande variété de fruits à pépin et à noyaux s'est établie dans les vergers et sur les coteaux du pays. On ne remarque plus, chez nous, ces magnifiques espaliers et ces vergers splendides que la grande propriété seule pouvait entretenir, dans le siècle dernier; mais aujourd'hui tout chacun en pos sède, et c'est là le point essentiel; et les bons fruits fournissent une alimentation saine à toutes les classes des populations. Les seuls fruits secs des poiriers sauvages qui couvraient les campagnes, ne composent plus seulement les repas rafraîchissants des habitants de la campagne, aux jours de carême, à cette époque de renouvellement de l'année, pendant lesquels les règles de l'hygiène d'accord avec la prescription religieuse, recommandent une alimentation légère; aujourd'hui les pruneaux de cerises, de coëtches, de mirabelles et d'autres fruits viennent se réunir aux provisions de chaque mé1 nage. La production des fruits et leur variété se groupent sur les côteaux de nos pays et à leur pied, selon l'exposition et surtout selon la nature du sol. En règle générale, le sol à base siliceuse, ne nourrit guère que les fruits à noyaux, tandis que celui argilo-calcaire, avec ceux à noyaux, produit aussi la nombreuse variété des fruits à pépins. Le noyer se montre, dans toutes les regions, mais ne produit des fruits en abondance que dans les vallées qui ont pu recevoir la vigne. Depuis un temps immémorial, mais principalement au 17° siècle, le mérisier, originaire de nos forêts, a eu en sa compagnie le cerisier originaire dit-on, des beaux climats de l'Asie mineure. Les abricotiers et les pêchers, à l'ex

ception toutefois du pêchers de vigne, ont besoin, dans nos climats de l'abri des jardins. Toutes les variétés de pruniers sont connues dans nos vergers ainsi que les espèces les plus communes des poiriers et des pommiers qui se plaisent principalement au bas des coteaux, dans les terrains substantiels composés d'éléments calcaires et marneux. Les pépinières de Metz et de Nancy, fort considérables et fort riches, fournissent non-seulement les arbres nécessaires aux pays, mais il s'en expédie même à l'étranger.

Nous ne dirons qu'un mot des forêts qui couronnent les hauteurs du pays, particulièrement à l'exposition du nord-ouest: elles y existent encore dans la proportion de plus du quart de la superficie du sol. Sous la surveillance de l'administration forestière, les bois du Domaine et des communes,sont élevés en futaie dans la région des granits et des grès de la montagne, et en futaies sous taillis dans la région argilo-calcaire des plantes : ils forment une source de richesses et de prospérité que l'intérêt et l'avenir du pays commande de respecter. Depuis 1791, les particuliers, comme on devait s'y attendre, ont usé et abusé de la propriété forestière. Comme nous l'avons déjà remarqué l'appât de tirer d'une terre vierge une série de bonnes recoltes, porte à défricher; mais l'expérience des anciens temps témoigne que le sol forestier, n'est pas propre à fonder des moissons durables et après avoir été un instant tourmenté, il ne tarde pas à être rangé dans la classes des mauvaises terres, dont le nombre déjà trop grand est une véritable charge pour notre agriculture déjà si pauvre d'engrais. Sous un autre point de vue le maintien des forêts est la plus sûre garantie de la conservation et de la prospérité des moissons : avec elles, les neiges reviennent plus régulièrement et plus à propos, durant la saison d'hiver, pour couvrir et protéger les biens de la terre ; et les pluies et les chaleurs, sources de tous les phénomènes de la végétation, se répartissent plus également, dans les étés. L'homme est né ainsi : par les déboisements, il a livré à la stérilité, aux ouragans et aux avalanches, une partie du grand plateau d'Asie, berceau qui l'a vu naître et qui avait été pour lui la terre promise; il n'a encore que compromis la fertilité d'une par

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