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tie des pays d'Europe, que déjà il a atteint, en émigrant, les forêts vierges des nouveaux mondes, où il portera sans doute sa hache dévastatrice aussi inconsidérément que dans les anciens dans le siècle éclairé où nous vivons, on devrait être convaincu que toutes les terres propres aux cultures fructueuses sont défrichés depuis bien des siècles, et par des populations plus nombreuses à la campagne qu'aujourd'hui.

INDUSTRIE COMMERCIALE.

Chez nous, comme chez tous les peuples, l'agriculture l'industrie et le commerce se sont successivement développés, en s'appuyant l'une sur l'autre. L'agriculture multiplie les substances et les matières premières naturelles au sol, l'industrie les convertit en objets applicables aux besoins et le commerce se charge de les distribuer tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur. Les grains, les graines, les racines, les fruits, les plantes potagères et légumineuses, le lin, le chanvre, la viande et les laines, les bois de chauffage et de construction, le vin, les fromages et les huiles, tels sont les produits agricoles que notre pays a toujours offerts à l'industrie et au commerce, et comme ils excèdent les besoins de sa consommation, il ne peut s'appauvrir, ni s'ébranler trop fortement dans les crises commerciales. Avec ces ressources, le pays, tant de fois accablé par la force brutale, s'est toujours relevé aussitôt qu'il était abattu. Peut-être dans ce moment, l'agriculture de nos plaines ne produit plus la viande et les laines qu'elle est appelée à fournir; mais elle s'éclairera et finira par s'apercevoir qu'elle est engagée dans une voie dangereuse.

Charles III, chez nous, favorisa l'enfance des arts et métiers; le duc Léopold, comme Louis XIV, en développa les ressources: enfin la Révolution française, eu délivrant les arts mécaniques des entraves que leur apportaient les jurandes, les maîtrises, et les corporations,commence une ère nouvelle pour le commerce et l'industrie. Du moment où la liberté fut rendue à l'exercice de toutes les professions, la concurrence fit sentir qu'il fallait travailler mieux et à plus bas prix : il fallut remplacer la

main des hommes désormais insuffisante par les machines. Les premières expositions des produits de l'industrie eurent lieu en 1797 et en 1802; elles ne furent que le prélude des merveilles qui durent depuis étonner l'œil des nations. L'empire fut pour l'industrie, une ère de découvertes et de progrès; la science lui prêta un généreux concours. La chute de l'empire rompit l'équilibre entre la production et la consommation et ruina l'industrie et le commerce. Les événements de 1814 rendirent la paix aux peuples tant sur terre que sur mer, et des relations pacifiques de peuple à peuple, qui influent si puissamment sur la civilisation, et le bien-être général, furent reprises et amenèrent des échanges. Tandis que, d'une -part, les produits, appréciés partout, de nos manufactures trouvaient des débouchés aux lieux riches seulement des productions de leur sol, ou des dépouilles de leurs troupeaux, ces mêmes produits introduits à leur tour chez nous, sous de faibles droits, permirent à nos industriels de livrer à la consommation des objets réduits de moitié d'abord, puis ensuite de deux tiers de leur valeur primitive. De la une action double et puissante sur la consommation; car pendant que d'un côté le besoin de travailler faisait hausser la main-d'œuvre, de l'autre le bas prix de la matière abaissait les produits manufacturés de telle sorte que peu de temps suffit pour en doubler la consommation, et lorsque les machines vinrent encore suppléer à l'insuffisance des bras, les productions et le bon marché ne connurent plus de bornes. Bientôt la production alla au delà des besoins de la consommation, et détermina la crise commerciale de 1828, qui s'est renouvelée dans ces derniers temps. Notre pays prif part à ces tours de force dont la funeste conséquence a été d'entraîner la ruine de bien des familles, mais cependant sans avoir été abîmé par la réaction, attendu la nature particulière de nos établissements industriels, Il est à désirer une chose, c'est que le développement toujours croissant de l'industrie n'enlève pas un jour à l'agriculture les bras qui lui sont nécessaires.

Parmi nos produits qui alimentent l'industrie, nous citerons en premier lieu, ceux du règne minéral. Le pays de Lorraine est assez riche en métaux et en minéraux de

toutés espèces. Les Vosges, la Moselle et la Meuse possèdent des mines de fer, en filons ou en amas dans les terrains primitifs, et en couches ou en grains roulés dans les terrains de sédiments. Le cuivre, le plomb, la manganèse se trouvent et s'exploitent dans les montagnes de Vôge, et la houille, à l'extrémité nord-est du département de la Moselle. La mine de sel gemme de Vic, découverte en 1819, dans le terrain connu sous le nom de marnes irisées, occupe une étendue dont le minimum ne paraît pas être de moins de 30 lieues carrées et on a calculé qu'elle pourrait fournir à une exploitation de 96,000 ans, à raison d'un million de quintaux métriques par année. Les sources d'eau salée de Dieuze, servant à obtenir le sel par évaporation, ont été, dans le temps, l'objet du plus beau commerce du pays. Les marbres, les serpentines, les porphyres et même le granit des Vosges sont actuellement exploités et convertis en meubles qui seront appréciés au fur et à mesure qu'ils seront plus connus. Les carrières dans les couches oolithiques, à l'ouest de la province, fournissent à Nancy, Toul, Metz, etc., les meilleures pierres de taille, propres aux monuments d'architecture. Le calcaire du lias a la propriété d'être converti en bonne chaux hydraulique. Le gypse ou pierre à plâtre se trouve partout dans les marnes rouges, recouvrant le sel gemme. Enfin, les plateaux des pays de plaines abondent en argiles propres faire la poterie commune et la faïence. La Vôge a des kaolins propres à faire une porcelaine réfractaire au feu.

Nos pays possèdent aussi des sources d'eaux minérales qui sortent du sein de la terre, au pied des montagnes des Vosges, et qui sont chargées de divers principes propres à opérer la guérison de quelques maladies. Plombières, Bains et Bourbonne-les-Bains ont des sources chaudes d'eaux salines thermales; Niderbronn a une source d'eaux salines froides; Bussang et Contrexéville ont des eaux ferrugineuses froides.

L'industrie embrasse aussi d'autres genres de travaux, opérés par la main de l'homme et soumis aux combinaisons de son intelligence et de ses besoins. Nous citerons les principaux établissements industriels du pays, comme les amidonneries de Metz, les blanchisseries et la bois

sellerie des Vosges; la bonneterie de Nancy et de Bar; les broderies sur mousselines et tulles de Metz et Nancy; l'importante cristallerie de Baccarat, dirigée par M. Godard Desmarets, et celle de Saint-Louis, dont la fabrication s'est élevée, en 1833, pour l'une et pour l'autre usine, à 2,250,000 francs; les faïenceries de Lunéville et de Toul; les filatures et les fabriques de tissus de coton des vallées des Vosges; les fabriques de flanelles de Metz; les usines à fer des Vosges, de la Moselle et de la Meuse; la ganterie de Lunéville; la célèbre manufacture de glace de Cirey et de Saint-Quirin, si habilement dirigée par M. Chevandier, promu à la dignité de Pair de France, comme grand industriel; les fabriques d'instruments de musique de Mirecourt; la fabrication des toiles communes et cordages; les fabriques de liqueurs de Phalsbourg et Verdun; les papeteries des Vosges, dont les produits rivalisent aujourd'hui avec les plus renommées; les papiers peints de Nancy; les produits chimiques de Dieuze; les tanneries de Metz, enfin les scieries des Vosges.

CONCLUSION.

Messieurs, après avoir mis sous vos yeux le tableau des deux systèmes de culture que la nature du sol et l'expérience des temps ont commandés dans le pays que nous habitons, et établi le rapport que ces deux systèmes ont conservé avec la législation rurale, il nous reste, pour dernière partie de notre tâche, à vous entretenir des besoins de notre agriculture et des voies légales que nous croyons propres à l'améliorer réellement sans secousse, ni perturbation, et toujours avec la pensée de concilier l'expérience du passé qu'il ne faut jamais méconnaître, avec les exigences et les besoins de l'époque actuelle.

Le besoin le plus sérieux de notre agriculture est d'arriver à une plus grande production de bétail. Les petites cultures de nos contrées siliceuses, tant dans la montagne que dans les vallées, appuyées sur la ressource constante des prairies naturelles et la réussite plus suivie des fourrages artificiels, nourrissent du gros bétail en suffisance pour produire les engrais que nécessite l'entretien du sol;

tandis que les grandes cultures de nos plateaux argilocalcaires, presqu'exclusivement dirigées vers la production des grains, n'entretiennent plus guère que les animaux domestiques, attachés à la charrue. Les grandes cultures tirant donc beaucoup du sol, et ne lui restituant presque rien par les engrais, il est à redouter qu'un déficit dans les plus précieuses des productions, celle du froment, ne vienne à se manifester. Voici au surplus des termes de comparaison, pris dans les contrées de petites et grandes cultures, qui serviront à mieux apprécier la différence qui existe entre elles, sous le rapport de l'élève du gros bétail. Les chiffres démontreront mieux la vérité de notre proposition que les paroles.

Pour exemple de l'état des choses, dans les petites cultures, nous citerons le village de Bertrichamps, canton de Baccarat, situé dans les grès bigarrés, sur la pente occidentale des montagnes. Cette commune possède 470 hectares de terres arables, dont 24 environ sont couvertes annuellement de trèfles, et 204 hectares de prairies naturelles. Bertrichamps a 112 feux et possède 72 bœufs de trait, 28 chevaux et 233 vaches laitières. Réduisant à quatre voitures de fumier, du poids de 1,500 kilog., que peut produire chaque tête de cheval et de bétail qui n'est pas continuellement nourrie à l'étable, on obtient 1332 voitures de fumier qui, à raison de 15 voitures par hectares, produisent la quantité nécessaire pour engraisser, chaque trois ans, le tiers des 470 hectares de terre, ensemencé annuellement en blés hivernaux, soit seigle ou froment. Cette commune nourrit aussi 149 pores, dont le fumier entretient les cultures exceptionnelles, comme les jardins, chènevières, etc. Les cultures altérnes de ce pays ne peuvent que s'améliorer et produire aussi sûrement qu'il est au pouvoir de l'homme de le faire.

En descendant vers le couchant et en abordant les grandes cultures, sur les couches des terrains calcaires, les choses changent de face tout à coup. Sur les coteaux des calcaires coquilliers, dits muscheskall, nous allons nous arrêter à Hablainville, aussi canton de Baccarat. Cette commune a 103 feux et cultive avec 17 charrues 511 hectares de terres arables, dont 60 sont annuellement couvertes de trèfle où minette; elle ne possède plus que

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