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jusqu'en 916. Gilbert son fils, qui lui succéda, se noya en passant le Rhin. Louis d'Outremer, roi de France, épousa sa veuve, la duchesse Gerberge, et le comte de Verdun, tuteur de Henry, fils de Gilbert, gouverna jusqu'en 944, époque à laquelle l'empereur Othon I" s'empara de la Lorraine, et en donna le gouvernement en l'an 953 à son gendre Conrad; mais il le lui ôta ensuite pour le confier à Brunon, archevêque de Cologne, qui prit le titre d'archiduc de Lorraine. De son temps,les Hongrois firent d'affreux ravages dans ce pays, Brunon partagea la Lorraine en deux gouvernements, se réserva celui de la BasseLorraine ou Brabant, et donna la Haute-Lorraine ou Mosellane à Frédéric de Bar, beau-frère de Hugues Capet. Les villes de Metz, de Toul et de Verdun, formaient des gouvernements séparés. Il y eut une affreuse famine en 982. Frédéric gouverna jusqu'en 984. La Mosellane était dévastée par plusieurs princes puissants et ambitieux qui tous prenaient le titre de ducs. On peut compter au nomare des concurrents Adalbert qui fonda l'abbaye de Bouonville en 1033, et son fils Adalbert, tué par Godefroy-Barbu, duc de la Basse-Lorraine. Enfin, l'empereur lenry III donna le gouvernement de la Lorraine moseline à Gérard d'Alsace en 1048. Les descendants de celuile conservèrent héréditairement jusqu'au XVIII' siècle. La maison d'Alsace, illustre et puissante dès le VII ècle avait le titre de ducs et marchis longtemps avant qu'elle ne reçut l'investiture du duché de Lorraine. Huques d'Alsace, comte de Ferrette, eut trois fils: Evrard III, hef de la maison de Lorraine et père d'Adalbert, fondaeur de Bouzonville; Hugues, aïeul du pape saint Léon IX; t Gontran, tige de la maison d'Autriche. Huit cents ans près les deux branches qui restaient de cette maison, la plus ancienne de l'Europe, se sont au XVIIIe siècle réunies sur le trône impérial.

GÉRARD D'ALSACE.

Gérard d'Alsace, petit-fils d'Adalbert, fondateur de Bouzonville, épousa Hadvide de Namur, princesse du sang

alors

de Charlemagne, étant arrière petite-fille de Charles de France, frère du roi Lothaire. Gérard d'Alsace est la tige de l'auguste maison de Lorraine, si féconde en héros et en grands hommes, et si vénérée des peuples pour leurs grandes vertus et leur bienfaisance. Le duc Gérard, qui possédait d'immenses domaines de son patrimoine sur la terre de Lorraine, commença avec la duchesse Hadvide la fondation du prieuré de Châtenoy, près de Neufchâteau: c'est là qu'il faisait sa résidence ordinaire ; il n'y avait pas de ville considérable dans ses états, et Nancy qui en est devenu la capitale était à peine connu. Ce prince eut des guerres à soutenir pour maintenir son autorité contre les grands seigneurs du pays que l'anarchie du Xe siècle avait rendus indépendants et presque souverains, et aussi contre Godefroy-le-Hardi, duc de la Basse-Lorraine, qui lui dispu tait la Mosellane: il maintint son autorité de duc et de marchis par sa sagesse et sa valeur. Il mourut à Remiremont en 1070. La duchesse Hadvide lui survécut; elle mourut à Châtenoy, et fut inhumée dans le cloître du monastère.

Ce fut dans ce siècle, en 1048 que saint Léon, évêque de Toul, né au château de Dabo-en-Vôge, fut élo pape.

L'autorité de nos premiers ducs ne consistait que dans le droit du glaive, c'est-à-dire de commander les armées entre le Rhin et la Meuse. Ils eurent l'avocatie des principales églises du pays, la garde de la ville de Toul et le titre de comte de Metz. Bien que les trois villes impériales de Metz, de Toul et de Verdun fussent indépendantes de l'autorité des ducs de Lorraine, ceux-ci cependant ne cessèrent jamais d'y avoir de l'influence, car les membres de leur famille en occupèrent presque toujours les siéges épiscopaux.

On prétend que les assises, c'est-à-dire l'audience des seigneurs tenue par les chevaliers du pays, existaient déja en Lorraine quand le duc Gérard en obtint l'investiture;| et que ce prince s'engagea à maintenir cette institution d'origine franque, ainsi que l'assemblée des états du pays, et que ce fut une des conditions moyennant laquelle la noblesse du pays se soumit à lui. Il est certain que la no

blesse fit renouveler par les successeurs de Gérard le serment de maintenir ces institutions.

A cette époque, les peuples de Lorraine étaient descendus par la violence à l'état de serfs et se trouvaient sous la dépendance absolue de leurs seigneurs : ceux-ci leur rendaient la justice, les punissaient et les gouvernaient suivant certaines lois et certains usages: encore souvent, la volonté du seigneur tenait lieu de règle et de loi. Nous verrons au XIIIe siècle comment ces liens se relâchèrent peu peu.

Tous les biens appartenaient alors aux seigneurs laïcs et ecclésiastiques : les peuples qui cultivaient la terre faisaient partie du domaine seigneurial et, avec lui, étaient vendus ou donnés. Dans les titres de cette époque, on voit des villages entiers cédés avec les familles qui les habi

taient.

Nos villages, simples métairies sous la domination romaine, et connus la plupart sous les mêmes noms qu'aujourd'hui, étaient déjà une réunion de plusieurs fermes, granges ou manoirs, bâtis autour des églises, et sous la protection des maisons fortes des seigneurs. Il était déjà question des fours, des moulins banaux, et du prélèvement des dimes au profit de l'Eglise. Les plus belles cultures étaient faites et dirigées par les religieux elles étaient considérables, puisque des titres rappellent des terres données en aussi grande quantité que deux ou trois charrues pouvaient en labourer. Il n'est pas rappelé d'autres moissons que celles des blés hivernaux, et des marsages; par conséquent la rotation des cultures était triennale : c'était aussi l'agriculture des Romains, remémorée et perpétuée par les religieux, les seuls hommes lettrés dans ces siècles de ténèbres, ой l'homme puissant, toujours le fer en main, n'avait d'autre occupation que la guerre. On remarque dans les titres, que les monastères possédaient de nombreux troupeaux paissant sur des bans étendus, sous la garde de paseurs dont ils répondaient; et aussi des troupeaux de porcs errants à la glandée dans d'épaisses forêts d'où les gardiens ne les retiraient que dans la saison de la froidure. La culture de la vigne, ambitionnée par tous les peu

ples et dans tous les temps, était établie au onzième siècle sur des côtes bien exposées dans les quatre bassins de la Meuse, de la Moselle, de la Meurthe et de la Seille ; mais cette culture n'était pas fort étendue, car, dans les donations faites aux églises ou aux monastères, le donateur désigne la vigne qu'il donne, le mont sur lequel elle est située et le nom de celui qui l'a plantée. Ainsi, en l'an 1065, l'évêque Udon donne à l'église de Saint-Gengoul, de Toul, la vigne qu'il a fait récemment planter sur le mont Barrois. Dès l'an 780, on voit qu'Angelram, évêque de Metz, donne à l'abbaye de Gorze le prieuré de Varangéville, et l'on remarque que dans ce lieu et à Dombasle il y avait de belles vignes. Également, en 783, Hildegarde,reine des Français, donne à l'abbaye de Saint-Arnou-les-Metz un vignoble sis à Bouxières-aux-Dames, dans le pays de Scarponne. Il paraît donc évident que la plantation de la vigne dans la Haute-Mosellane date aussi de la domination romaine, et qu'elle y a eu lieu, comme dans la basse Moselle, sous l'empereur Probus, au IIIe siècle. On sait que cet empereur a occupé ses légions à planter la vigne et les arbres fruitiers sur les rives de la Moselle.

Souvent il est question dans les titres de cette époque de terres qui n'étaient pas sous la domination des seigneurs: c'était sans doute la propriété allodiale ou de francalleu, connue de toute antiquité dans le duché de Lorraine, mais principalement sur la frontière d'Allemagne, d'où l'usage en était venu. Nous verrons que le duc Léopold soumit ces biens aux charges publiques.

Cependant, à partir du VIIe siècle, l'église métropolitaine de Trèves et les églises du pays de Lorraine qui en dépendaient, étaient des plus célèbres et des plus révérées parmi celles de toute la chrétienté. Le génie du christianisme avait porté les rois et les seigneurs à fonder un grand nombre de maisons religieuses sur notre sol, tant dans la plaine que dans les montagnes de Vôge. Les rois et les grands, toujours en guerre, laissaient aux religieux le soin d'instruire et d'humaniser leurs peuples.

THIÉRY.

Thiéry, surnommé le Vaillant, succéda au duc Gérard, son père, dans le gouvernement du duché de Lorraine, en l'année 1070, et fixa sa résidence dans les environs de Nancy il prenait le titre de comte de Metz. Gérard, second fils du duc Gérard, commença la branche des comtes de Vaudémont, guerriers redoutés et renommés par leur courage. Thiéry se couvrit de gloire dans la guerre contre les Saxons, entreprise par Henry, empereur d'Allemagne, et comme lui, il fut frappé des foudres spirituels par Grégoire VII, au sujet des investitures; il réprima les violences des seigneurs lorrains qui se cantonnaient et faisaient la guerre pour leur propre compte. Ce prince épousa Gertrude de Flandres, et fonda le prieuré de Notre-Dame de Nancy: il mourut après un règne de quarante-cinq ans, et fut inhumé auprès de sa mère, dans le cloître du prieuré de Châtenoy. L'histoire du pays mentionne un jugement du tribunal des assises sous le règne de Thiéry: ce prince présidait l'audience des seigneurs.

Sous ce règne, Hermann de la maison de Salm, en Ardennes, vint s'établir dans les Vosges, il mérita l'avocatie de l'abbaye de Senones, et fut la tige des comtes et princes de Salm, maison illustre souvent alliée à celle de Lorraine.

Ce fut aussi du temps de Thiéry, que Pierre Lhermite prêcha la première croisade; 300,000 personnes s'enrôlèrent pour la délivrance du saint sépulcre et passèrent en Palestine: plusieurs seigneurs lorrains prirent la croix. Godefroy de Bouillon, duc de la Basse-Lorraine, fut le chef de cette fameuse expédition, dont le résultat fut la prise de Jérusalem et la fondation du royaume de ce

nom.

A la fin du XI° siècle, les écoles de Metz, de Toul, de Verdun et de Gorze eurent déjà quelque réputation, et formèrent quelques hommes lettrés. La cathédrale de Metz,

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